Un grand Rabbi polonais avait un petit-fils très malade. Son fils fit venir les médecins les plus compétents mais ils établirent tous le même pronostic. La médecine traditionnelle ne possédait aucun moyen de le guérir. A moins d’un miracle, le cas était désespéré.

Le père supplia le Rabbi de prier pour son petit-fils mais le Rabbi ne répondit pas. Devant les supplications déchirantes, il ne faisait que détourner son visage.

Une nuit, la situation de l’enfant s’aggrava dramatiquement. Il semblait qu’il ne lui restait que quelques instants à vivre. Son père réveilla le frère de l’enfant et lui demanda de se rendre chez le grand-père et lui demander de prier. «Peut-être que les supplications de son frère infléchiront mon père», pensait-t-il.

L’enfant se dirigea vers la chambre de son grand-père et frappa à sa porte.

- Moché, que fais-tu réveillé à cette heure, demanda-t-il à son petit-fils.

- Je viens t’apporter de bonnes nouvelles, grand-père. Mon frère va mieux.

- Je suis très heureux de l’apprendre. Car d’après les dernières nouvelles, tout le monde était si désespéré que je ne savais que faire.

- Mais, grand-père, bien qu’il aille mieux, il est encore très malade. Peux-tu prier pour lui ?

Le grand-père accepta joyeusement et ses prières furent exaucées, l’état de l’enfant s’améliora.

Au matin, sa famille lui relata tous les faits. «Moché a compris, expliqua-t-il, que tant que l’on m’annonçait des nouvelles tragiques, mon angoisse m’empêchait de prier. Mais quand il m’a dit que l’enfant se portait mieux, mon cœur s’est ouvert et j’ai pu supplier D.ieu. »

On lit la Paracha de cette semaine au cours du mois d’Adar, un mois qui se distingue par le bonheur et la joie. Comme cela est souligné dans cette histoire, la joie ouvre le cœur et permet à l’homme de devenir réceptif à la Divinité.

Pekoudé, la Paracha de cette semaine, conclut le récit de la construction du Sanctuaire. Quand les Juifs eurent achevé la fabrication de tous les ustensiles et des objets nécessaires, ils les apportèrent à Moché. D.ieu ordonna alors à Moché d’ériger le Sanctuaire, ce qu’il fit en personne, construisant l’édifice selon les instructions de D.ieu.

Pourquoi était-ce Moché lui même qui devait  construire le Sanctuaire ? Parce que c’était lui à qui avait été accordée la vision du Sanctuaire, sur le mont Sinaï. Il l’avait vu comme il existait dans les royaumes spirituels et cela lui avait donné le potentiel de bâtir une structure équivalente, ici, sur terre. Le but du Sanctuaire était, en effet, de refléter la réalité spirituelle des Cieux au sein même de notre existence matérielle, de donner à l’homme un goût de cette réalité sublime qui dépasse le cadre des limites du monde physique.

C’est pour cela que Moché devait en être l’artisan, Moché un homme dont le niveau surpassait la norme. Il passa quarante jours et quarante nuits sur le mont Sinaï, sans boire ni manger. Pour lui, la réalité spirituelle était aussi significative et aussi présente qu’une expérience quotidienne, et peut-être même plus.

Cependant, cela soulève une question. Bien que ce fût Moché qui érigea le Sanctuaire, il ne participa à rien d’autre dans sa construction. Tous les ustensiles furent fabriqués par d’autres. Il transmit les ordres et enseigna la manière de construire le Sanctuaire mais il ne procéda en rien au travail à proprement parler. Pourquoi ? S’il était censé le construire, pourquoi en délégua-t-il la responsabilité ?

En fait, nous apprenons ici une leçon unique concernant les qualités du dirigeant. Un dirigeant marche sur une corde raide. Bien sûr, il ne doit pas simplement prendre un recul confortable et donner des ordres comme un propriétaire absent qui délèguerait le travail à ses employés. Mais par ailleurs, le but n’est pas qu’il fasse tout lui-même. Il doit au contraire partager sa mission avec ses hommes, ne leur donnant pas seulement un lointain aperçu du but à atteindre mais jouant un rôle actif dans sa réalisation. Quant à eux, il ne faut pas simplement qu’ils l’acclament pour ses réalisations ou exécutent ses ordres comme des robots. Mais ils doivent intérioriser son message et apprendre à partager sa motivation profonde. Car l’élément fondamental du leadership est l’aptitude à donner aux hommes une mission qui les élève au-delà de leur compréhension ordinaire et imprègne leur vie de signification et de perspective.

Telle était l’intention de Moché en impliquant les Juifs dans la construction du Sanctuaire : leur donner l’occasion de partager sa compréhension et de prendre une part active dans le projet de faire du monde une demeure pour la Présence Divine. Quand Il commanda à Moché de construire le Sanctuaire, D.ieu déclara : «Faites-moi un Sanctuaire et Je résiderai à l’intérieur». Le terme hébraïque pour «à l’intérieur» est exprimé au pluriel, impliquant que le but n’était pas que la Présence Divine réside à l’intérieur du Sanctuaire mais à l’intérieur de chacun des membres du peuple juif. En prenant part à la construction, les Juifs purent intérioriser cette finalité et en faire une partie intégrante de leur être profond.

La leçon

Une même approche s’applique à Machia’h et à l’Ere de la Rédemption. La Rédemption élèvera le peuple juif à un degré de conscience supérieur à celui auquel il pourrait parvenir seul. Non seulement sera-t-il le témoin de révélations divines spectaculaires, mais il en intégrera la compréhension. C’est la raison pour laquelle Machia’h sera à la fois un roi et un maître. Tout comme un roi est un monarque absolu, régnant au-dessus de son peuple, Machia’h révélera la Divinité dans sa transcendance, au-delà de la compréhension du peuple. Mais il sera aussi un maître et guidera le peuple au point où il comprendra cette révélation transcendante et l’intégrera si bien qu’elle deviendra une partie de sa connaissance consciente de la réalité.

De telles idées s’appliquent à la préparation de nous-mêmes et de ceux qui nous entourent à la venue de Machia’h. Il ne suffit pas de la considérer comme un but abstrait, une destination vers laquelle nous aspirons à nous diriger. Il faut plutôt que ce dessein devienne une partie de nous-mêmes, que nous l’intégrions dans le processus de notre pensée. C’est en augmentant le nombre de personnes vivant de manière à anticiper la venue de Machia’h que le monde sera prêt pour la Rédemption.