Lettre n° 11

Par la grâce de D.ieu,
Mercredi 19 Chevat 5699(1)

Au grand érudit, le Rav Yera'hmyël(2),

Je vous salue et vous bénis,

Votre lettre et la somme de vingt huit qui s'y trouvait jointe m'est bien parvenue.

Vous m'écrivez que toutes les conceptions du Tsimtsoum(3) sont convergentes, selon l'un de vos amis(4).

Je suis surpris que vous puissiez envisager une telle hypothèse, d'autant que vous l'attribuez à quelqu'un que vous présentez comme familier des ouvrages de la Kabballa. Il est clair que ce n'est nullement le cas. Une génération après le Ari Zal, qui dévoila le secret du Tsimtsoum, différentes conceptions en existaient d'ores et déjà parmi les Sages qui, parfois même, étaient radicalement opposées, comme en témoignent leurs ouvrages. Ces divergences se sont maintenues par la suite.

Elles portent sur deux points fondamentaux. D'une part, faut-il interpréter ce terme de Tsimtsoum, contraction, au sens littéral? S'agit-il d'un retrait ou d'un voile? D'autre part, la contraction porte-t-elle sur la Lumière ou sur le Luminaire?

On peut définir, à ce propos, quatre conceptions. Selon la première, le Tsimtsoum est à interpréter au sens littéral et porte sur l'Essence de D.ieu. Elle est basée sur l'argument suivant: Comment imaginer que le Roi se trouve à l'endroit des immondices, ce qu'à D.ieu ne plaise? Selon la seconde, le Tsimtsoum s'entend effectivement au sens littéral, mais il porte uniquement sur la Lumière. Selon la troisième, le Tsimtsoum est seulement une image, mais il s'applique aussi bien au Luminaire qu'à la Lumière. Selon la quatrième, enfin, le Tsimtsoum est une image, mais il ne s'exerça que sur la Lumière.

Comme on le sait, les opposants à la 'Hassidout, à l'époque de l'Admour Hazaken, adoptaient la première conception. Ils interprétaient l'affirmation du Zohar selon laquelle "aucun endroit n'est vide de Lui", en affirmant que la divine Providence régla chaque détail de la création. En revanche, prétendre que l'Essence de D.ieu se répand en tout endroit leur paraissait contredire les Lois relatives aux ruelles couvertes d'immondices. Les écrits publiés à l'époque du Baal Chem Tov et de l'Admour Hazaken, de même que d'autres références permettent d'établir qu'il en était bien ainsi.

La conception de l'auteur du Néfech Ha'haïm, dont vous faites mention dans votre lettre, est la troisième parmi celles qui viennent d'être définies. En ce sens, il fut en contradiction avec son maître, le Gaon de Vilna. Il semble, en effet, que Rabbi 'Haïm de Wologhin ait consulté les ouvrages de la 'Hassidout 'Habad, en particulier le Tanya, qu'il ait été influencé par cette lecture, bien que ceci ne puisse être établi de manière absolue.

En tout état de cause, notre conception est la quatrième. Le Tsimtsoum n'est en aucune façon à interpréter au sens littéral. De plus, il ne porte pas sur le Luminaire, mais uniquement sur la Lumière et, plus précisément sur sa partie la plus inférieure, comme l'expliquent les livres de la 'Hassidout 'Habad.

A l'heure actuelle, les livres et les écrits de la 'Hassidout 'Habad permettent de donner une juste définition du Tsimtsoum et celui qui désire la comprendre d'une manière claire, dans la mesure du possible, ne peut se passer de les consulter. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer ce que dit la 'Hassidout à ce propos avec ce qui figure dans d'autres livres dont les auteurs, pour différentes raisons, n'ont, bien souvent, pas souhaité mener une analyse détaillée.

Je ne sais pas de quels livres vous disposez et quelles références je peux vous communiquer. Néanmoins, celles-ci sont nombreuses(...).

Je conclus en vous exprimant mon respect et en vous souhaitant tout le bien.

M. Schneerson

Notes

(1) 1939.
(2) Binyaminsohn.
(3) La contraction de la Lumière divine qui fut à l'origine de la création.
(4) Vraisemblablement le Rav Eliézer Dessler qui, après avoir étudié le Tanya et le Néfech 'Haïm, en conclut que les conceptions de la 'Hassidout et de l'école du Gaon de Vilna étaient convergentes. Le Rabbi explique ici que la conception développée par Rabbi 'Haïm de Wologhin, dans le Néfech 'Haïm, diffère de celle de son maître, le Gaon de Vilna.