Trois semaines : nos Sages ont abondamment souligné la gravité de ces jours. Ne s'agit-il pas du début de l'exil qui est encore le nôtre comme de celui, si l'on peut dire, de l'exil de la Ché'hina, de la Présence divine ? La destruction du Temple n'est-elle pas une indicible perte pour le peuple juif comme pour l'ensemble de l'humanité? Le temps des trois semaines est certes un temps d'étroitesse. Ben hametsarim,un temps "entre les limites". Faut-il pourtant s'y laisser enfermer? Pour la tradition juive une tristesse close sur elle-même ne peut pas être la réponse. La commémoration de la perte n'est là que parce qu'elle nous désigne un autre horizon, un projet. Réparer, améliorer, élever, spiritualiser : voilà des maîtres-mots de l'action millénaire du judaïsme. Ce qui a été physiquement détruit peut être spirituellement reconstruit.
Tous les enfants juifs, autrefois, connaissaient ce récit : Rabban Gamliel, Rabbi Elazar ben Azarya, Rabbi Yochoua et Rabbi Aquiba montèrent un jour à Jérusalem. Arrivant devant le mont du Temple et voyant un renard sortir de ce qui avait été le Saint des Saints, les trois premiers éclatèrent en d'amers sanglots. Mais Rabbi Aquiba se mit à rire! "Qu'a-tu donc Aquiba à rire ainsi? Et vous, répondit-il, qu'avez-vous donc à pleurer?". "Pour ce lieu, dirent les Maîtres, la Torah décrète que le profane qui s'en approcherait mourrait. Voilà que des renards en sortent et nous ne devrions pas pleurer!". Rabbi Aquiba leur opposa alors les prophéties de Jérémie et de Zacharie. Jérémie qui annonce la ruine de Jérusalem et Zacharie qui transmet la grandiose promesse : "Oui certes, dit l'Eternel, je les ramènerai pour qu'ils habitent dans Jérusalem; ils seront mon peuple et Je serai leur D.ieu en vérité et en justice"." La première prophétie étant réalisée, conclut Rabbi Aquiba, la seconde le sera certainement à son tour". Alors les Maîtres dirent : "Aquiba, tu nous a consolés!".
Consolation : elle commence dès le Chabbat qui suit Ticha béAv, le 9 Av, Chabbat Na'hamou, le Chabbat de la consolation. Et c'est bien plus qu'une consolation que nous vivrons dès le 15 Av, jour de joie entre tous.
L'exil n'est pas un état, il est un chemin. Celui qui mène à l'ultime libération.