Lettre n° 1151

Par la grâce de D.ieu,
25 Mena’hem Av 5711,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

J’ai été consterné d’apprendre que vous multipliez les jeûnes et les mortifications, en cessant de manger plusieurs heures avant la prière ou en adoptant d’autres pratiques comparables.

Il m’est une évidence que vous affaiblissez ainsi votre santé et contrevenez donc à la disposition de nos Sages, citée par le Rambam, au début du chapitre 4 des lois des opinions, selon laquelle avoir un corps intègre et sain fait partie du service de D.ieu.

Vous savez aussi ce que le Baal Chem Tov écrit à son disciple, l’auteur du Toledot Yaakov Yossef. Vous le trouverez dans le Hatamim, tome 1, page 6-7. Le Baal Chem Tov dit s’être emporté en apprenant que son disciple jeûnait. Or, si l’on dit pareille chose à propos d’un illustre maître comme le Toledot Yaakov Yossef, combien plus cela s’applique-t-il à des personnes comme nous.

Au chapitre 3 d’Igueret Hatechouva, l’Admour Hazaken tranche que les jeûnes "s’entendent pour un homme en bonne santé et fort, auquel les multiples jeûnes ne peuvent causer aucun tort physique, comme c’était le cas pour les premières générations. A l’opposé, celui qui est dérangé par la multiplication des jeûnes, risque de tomber malade ou d’en être affaibli, ce qu’à D.ieu ne plaise, comme c’est le cas dans nos générations, n’a nullement le droit de multiplier les jeûnes".

Si vous voulez m’écouter, supprimez donc immédiatement une telle pratique. Si vous l’avez adoptée trois fois, vous procéderez à l’annulation d’un voeu(1) et vous mangerez avant de prier, y compris des gâteaux(2). Si votre état de santé exige que vous mangiez un peu plus, vous le ferez et vous ne vous en remettrez pas à votre propre appréciation. Vous demanderez l’avis du directeur(3), le Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu, Rav C. H. Kasselman(4).

Vous m’interrogez également sur l’organisation de vos études. En effet, vous avez pensé les mener seul(5), car vous craignez que des amis exercent sur vous une influence négative. Or, nos Sages disent, dans la Michna, que l’on acquiert la Torah précisément en se liant à des amis. Cela ne signifie pas que l’étude doit être systématiquement en groupe, car il est parfois nécessaire de s’approfondir intellectuellement. De même, on peut, quelques fois, se trouver dans un état d’esprit qui exige que l’on reste seul, comme la question est posée à propos des délibérations du Sanhédrin. Avaient-elles lieu par binôme ou, pour chacun, à titre individuel ? Mais, en tout état de cause, vous devez avoir au moins un ou deux amis avec lesquels vous étudierez la Torah de manière systématique.

De temps à autre, vous échangerez avec eux sur la partie révélée de la Torah et sur la ‘Hassidout. La direction de la Yechiva et le recteur vous aideront dans le choix de ces amis.

J’espère que vous me tranquilliserez, par retour du courrier, en m’apprenant que vous avez abandonné les jeûnes et les mortifications, que vous appliquez le commentaire du Baal Chem Tov sur le verset "Si tu vois l’âne de ton ennemi ployer sous son fardeau..., tu lui viendras en aide". Celui-ci est reproduit dans le Hayom Yom(6).

Avec ma bénédiction de réussite dans la Torah et le service de D.ieu empli de crainte de D.ieu, dans l’attente de vos bonnes nouvelles, de l’amélioration de votre santé physique et morale,

Notes

(1) Puisqu’est considérée comme telle une pratique que l’on a adoptée plus de trois fois sans préciser qu’on l’adoptait "sans en faire le voeu".
(2) Et non uniquement une boisson chaude ou des fruits.
(3) De la Yechiva de Kfar ‘Habad, cette lettre étant vraisemblablement adressée à l’un de ses élèves.
(4) Le Rav Chlomo ‘Haïm Kasselman, voir, à son propos, la lettre n°769.
(5) Plutôt qu’en binôme, selon l’usage courant des Yechivot.
(6) Le Baal Chem Tov explique que l’on ne doit pas briser le corps, mais, bien au contraire, le faire participer au service de D.ieu.