Lettre n° 14

Par la grâce de D.ieu,
Dimanche 28 Mena'hem Av 5699, Paris

Au grand érudit, le Rav Yera'hmyël(1),

Je vous salue et vous bénis,

J'ai bien reçu votre lettre et j'en déduis que la mienne(2), définissant le Tsimtsoum, vous est parvenue.

Vous m'écrivez que les âmes des nations proviennent, selon le Tanya, des forces résolument impures, totalement étrangères au bien. Dès lors, comment dire que leurs bonnes actions ont une motivation égoïste? Comment les astreindre à la pratique des sept Mitsvot des descendants de Noa'h? Et comment les punir s'ils ne les respectent pas, alors qu'ils ne peuvent pas choisir le bien?

A mon sens, vous n'avez pas suffisamment développé votre question et je n'ai pas bien saisi quelle est votre difficulté.

Le Tanya dit que l'âme animale d'un Juif provient d'une force du mal dans laquelle se trouve une part de bien. C'est pour cela que les Juifs, de manière naturelle, tout comme le feu ne peut se séparer de la mèche, possèdent certaines qualités, comme la miséricorde. A l'opposé, les autres nations, issues des forces du mal dépourvues de tout bien, ne peuvent posséder ces qualités, car il est seulement dans la nature de celui qui est bon de faire le bien. En conséquence, leurs bons agissements ne peuvent avoir qu'une motivation égoïste.

Ainsi, Nabuchodonosor donna de la charité, sans que rien ne le pousse à le faire, mais uniquement pour que sa royauté se perpétue, dès lors qu'il sut que telle en était la condition. C'est pour cela qu'un non-Juif, comme le précise Rachi, regrette le bien qu'il a fait s'il n'obtient pas satisfaction. En l'occurrence, Nabuchodonosor voulait régner et sa motivation était bien égoïste.

L'obligation de respecter les sept Commandements des descendants de Noa'h et la punition lorsqu'on ne le fait pas ne sont pas liés au bien ou au mal de l'âme, mais plutôt à la capacité de se maîtriser, comme le dit le Rambam. Or, il est suffisant de respecter ces Commandements par crainte du châtiment, si on les transgresse. Bien plus, le Rambam dit qu'il peut en être de même pour un Juif, au moins dans un premier temps(...).

La 'Hassidout établit qu'un non-Juif faisant du bien accomplit une Mitsva, quelle que soit sa motivation, bien qu'il ne possède pas de nature positive. Bien plus, les forces du mal assument elles-mêmes une mission divine. Car, même si elles ne possèdent pas de bien, elles n'en sont pas moins animées d'une parcelle de sainteté. Si ce n'était le cas, d'où recevraient-elles leur vitalité? Néanmoins, cette parcelle est éloignée de sa source et obscurcie au point d'apparaître comme du mal et d'être insensible à la Divinité(...).

Je conclus en vous exprimant mon respect et en vous souhaitant tout le bien,

Notes

(1) Binyaminsohn.
(2) La lettre n°11.