Lettre n° 1415

Par la grâce de D.ieu,
15 Chevat 5712,
Brooklyn,

Au Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav Morde’haï Hacohen(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre, dans laquelle vous me faites part de votre situation. On organise, dans votre ville, une semaine de la fraternité et l’on vous a proposé, en tant que Rabbin de la communauté, d’y participer et d’y prononcer un discours, au même titre que le prêtre. De plus, cette réunion est organisée dans une salle qui se trouve dans le même bâtiment que leur lieu de culte. Vous me demandez mon avis, sur cette question.

Il est clair qu’une telle pratique est interdite par la Hala’ha. Elle est également à proscrire du fait de ce que pourraient en conclure les personnes qui vous verraient là-bas et retiendraient uniquement la relation amicale dont elles seraient les témoins entre le Rabbin orthodoxe et le prêtre.

Vous me demandez comment expliquer tout cela aux membres de votre communauté. Il est différentes manières de le faire et je vous exposerai l’une d’elles, que vous pourrez adapter à votre situation.

Les pays dans lesquels nous nous trouvons sont fiers de leur liberté, permettant à chacun d’adopter de plein gré ses convictions et sa foi. En conséquence, il faut écarter toute pratique qui pourrait entraîner une confusion ou une contrainte, dans le domaine religieux. Car, c’est en la matière que les pressions sont les plus fréquentes, selon les différentes formes qu’elles peuvent prendre.

Le verset établit qu’Israël est "la minorité d’entre les nations", par son nombre comme par ses moyens matériels. Malgré cela, pendant toute la durée de l’exil, les Juifs n’ont pas fait la moindre concession, pour tout ce qui touche à leur foi. Ils ont même donné leur vie pour cela.

De fait, lorsqu’il s’agit de foi, il n’est pas aisé de déterminer ce qui est grave et ce qui ne l’est pas. Concrètement, la pratique la plus banale, dès lors qu’elle remet en cause les convictions, peut conduire à abjurer, ce qu’à D.ieu ne plaise.

On peut donner, à ce propos, l’illustration suivante. Un animal qui aurait un grand orifice dans le pied, ou même qui serait amputé de ce membre, resterait cacher(2), alors qu’un trou de la taille d’une pointe d’aiguille sur la membrane recouvrant le cerveau le rendrait Taref.

Et, il en est de même pour l’homme, physiquement et moralement. Celui-ci doit donc être particulièrement prudent pour tout ce qui touche à sa foi. Son comportement ne doit pas prêter à confusion devant les autres, pas même les femmes et les enfants. Or, ces derniers, voyant le Rabbin orthodoxe faire un discours juste après le prêtre chrétien, en déduiraient qu’il existe des points communs entre les religions, que l’une peut donc passer avant l’autre, surtout si tout cela se déroule dans un bâtiment qui est la propriété de la religion dominante, dans ce pays.

Or, si un seul spectateur est abusé de cette façon, même s’il s’agit d’un enfant, cela justifie que tout soit annulé, comme le dit le Midrach Rabba Devarim, au chapitre 7, paragraphe 8, rapportant l’affirmation de D.ieu, lors du don de la Torah, selon laquelle Il ne l’aurait pas donnée si un seul Juif, parmi les six cent mille, était alors manquant. Et, nos Sages ne précisent aucune restriction, à propos de ce Juif. Il pouvait donc être le dernier, spirituellement le plus bas. Or, à cause de lui, tout le peuple d’Israël, y compris Moché notre maître, n’aurait pas reçu la Torah.

Il ne faut pas interpréter ce refus comme un manque de respect envers le prêtre, comme je le soulignais au début de ma lettre. En effet, les pouvoirs publics sont fiers de proclamer que, dans ce pays, chacun est libre de se comporter selon sa foi et ses convictions.

Comme vous me le demandez, je vous adresse cette lettre en express et je répondrai donc à vos autres questions, lors d’une prochaine occasion, avec l’aide de D.ieu.

Avec ma bénédiction pour conduire votre communauté vers la crainte de D.ieu,

Notes

(1) Le Rav M. Fisher. Voir, à son propos, la lettre n°904.
(2) Dès lors que celui-ci n’est pas un membre vital.