Lettre n° 1499

Par la grâce de D.ieu,
9 Nissan 5712,
Brooklyn,

Au grand Rav et ‘Hassid, descendant d’une illustre lignée,
branche d’un grand arbre, qui dirige sa communauté dans
la droiture, grand érudit, issu d’une grand famille,
le Rav Israël Chlita(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai reçu, avec plaisir, votre précieux courrier, adressé il y a quelques temps et le second, de la fin du mois d’Adar. Il semble que vous n’ayez pas obtenu ma réponse à votre première lettre et je le regrette. Je formulerai ici une réponse à votre question.

L’interrogation d’un sage est une demi réponse. Combien plus est-ce le cas lorsque ce sage est un dirigeant du peuple d’Israël. Vous me dites que vous souhaitez vous consacrer à l’étude de la Torah et au service de D.ieu. C’est la raison pour laquelle vous vous êtes installé en Terre Sainte et il est même envisagé que vous vous rendiez aux Etats Unis.

Voici donc mon avis. Commentant le verset "tu placeras un roi au dessus de toi", nos Sages en étendent l’application à toutes les responsabilités pouvant être confiées, au sein du peuple juif. C’est particulièrement vrai pour vous qui dirigez de nombreuses communautés. De façon générale, il est dit: "Qui sont les rois? Ce sont les Sages". De plus, vous avez le pouvoir d’agir, en particulier auprès de nos frères Sefardim, pour lesquels l’autorisation vous est donnée de statuer, sur tous les problèmes financiers. Or, D.ieu s’adressa à Yochoua, fils de Noun, successeur de Moché notre maître, qui était "roi de Yechouroun(2)", en ces termes: "Mes fils partent au combat et toi...(3)". On peut en conclure que la perfection du roi consiste à se trouver près de son peuple, en particulier lorsque celui-ci est en guerre.

D.ieu vous a donné le mérite d’avoir un rôle public, d’être un chef d’Israël, écouté par des centaines, des milliers de personnes. Les forces vous ont donc été accordées pour assumer cette mission, de manière effective, dans l’existence quotidienne de vos élèves qui vous écoutent, en toutes leurs pensées, leurs paroles et leurs actions.

Tout est effet de la divine Providence et encore plus clairement pour ce qui est public. Tout émane du Dessein divin, de la Cause de toutes les causes, de la Source de toutes les sources. C’est donc par cette voie que peut recevoir l’élévation celui qui mène une existence publique et dont l’âme est sertie sous le Trône céleste, possède une origine particulièrement élevée.

Il est dit, en effet, que "les âmes juives se sont élevées dans la Pensée de D.ieu" et c’est bien d’élévation qu’il s’agit ici. Au sein même de cette Pensée divine, les âmes juives sont donc les plus hautes. De fait, elles émanent de l’Essence de D.ieu.

Voici ce qui découle de ce qui vient d’être dit. Vous vivez à proximité d’endroits où résident nos frères Sefardim, qui ont soif de la Parole de D.ieu, qui désirent apprendre à Le servir, à se soumettre à Lui, de même qu’à Sa Torah et à Ses Mitsvot. C’est donc là votre mission, votre devoir et votre mérite. Vous devez agir, chaque jour, en ce sens, avec une réussite surnaturelle, en intégrant la nature.

De fait, toutes les responsabilités confiées au sein du peuple juif émanent de Mal’hout, l’Attribut de Royauté divine. Le Zohar souligne que celui-ci ne possède rien par lui-même, mais que, pour autant, "le feu inférieur appelle, en permanence, le feu supérieur". Le ‘Hirik(4) est plus bas que toutes les lettres. Il joue cependant un rôle central et devient un ‘Holam(5), recevant ainsi une immense élévation. Comme l’expliquent longuement les ouvrages de la Kabbala, l’Attribut de Mal’hout reçoit de tous les autres. Or, Ari’h Anpin(6) ne comprend que neuf points(7).

De fait, la source de Mal’hout est Reïcha Dela Ityada(8), où l’Essence de D.ieu se révèle dans toute Sa force. Ainsi, le point le plus bas est lié au plus haut et l’âme, dont l’origine est l’Essence de D.ieu, descend "d’une cime élevée vers une fosse profonde", pour se vêtir d’un corps physique et d’une âme animale. Cette descente doit donc se solder par une élévation, lui permettant de dépasser le niveau qui était le sien avant cette chute et de "s’unir au corps du Roi" du monde. Chacun se prépare à cela en assumant la mission qui lui est confiée dans ce monde, en mettant en pratique la Volonté et le Désir du Saint béni soit-Il.

Une expression courante de la ‘Hassidout dit qu’il faut "se soumettre à Celui Qui a émis la Volonté(9)". En pareil cas, la nature de cette Volonté importe peu, qu’il s’agisse de mettre les Tefilin et de révéler l’Intellect supérieur, à son stade le plus développé, ou bien de fendre du bois, de puiser de l’eau, activités qui sont confiés aux plus humbles parmi les Juifs, par opposition aux chefs de tribu. En effet, celui qui est profondément soumis à "Celui Qui a émis la Volonté" souhaite louer le Nom de D.ieu et la manière de le faire n’est, pour lui, qu’accessoire. Comme le constatent nos Sages, "leur désir se marque uniquement envers leur Père Qui se trouve dans les cieux".

Vous vous trouvez en Terre Sainte, où vivent des dizaines de milliers de nos frères Sefardim, auxquels D.ieu accordera longue vie. Du fait des nombreuses épreuves, des voiles et de l’obscurité, ceux-ci ont souvent besoin d’être guidés, pour avancer sur un chemin difficile, matériellement et spirituellement. Or, il découle de tout ce qui vient d’être dit qu’à mon sens, un mérite considérable vous a été confié. Vous avez la possibilité de faire usage des qualités et des capacités que D.ieu vous a accordées, des trésors royaux que vos saints ancêtres, aux différentes époques, vous ont légués, pour entrer en guerre contre le mauvais penchant et les forces du mal, pour prendre la tête des armées constituées par les membres des communautés qui sont vos disciples et qui vous écoutent, pour mener le combat de D.ieu, pour faire connaître Son existence autour de vous, pour expliquer que "Il n’est rien d’autre que Lui", au sens le plus littéral, que tout est Divinité.

Bien plus, il est un besoin actuel, celui de faire la conquête, avec fermeté, de la jeune génération, de tous les enfants, "un sage et un impie et un naïf et un qui ne sait pas poser de questions"(10), lesquels correspondent aux quatre mondes de la création, Atsilout, Brya, Yetsira et Assya. Car, D.ieu se révéla d’Atsilout en Brya, Yetsira et Assya de manière identique et tous doivent donc faire le récit de la sortie d’Egypte(11).

Commentant le verset "les cieux racontent"(12), le Zohar explique: "ils brillent et éclairent"(13). On peut ainsi se libérer de l’exil d’Egypte imposé par les forces du mal et même de l’équivalent de cette Egypte dans le domaine de la sainteté(14), c'est-à-dire du "rétrécissement du cou"(15), rendant possible l’emprise du Pharaon et de ses trois ministres, comme l’explique longuement le Likouteï Torah du Ari Zal. C’est ainsi que l’on parvient, comme cela est dit à cette même référence, "vers un pays bon et large"(16).

Vous vous trouvez également dans un "pays bon et large", mais il faut mettre en évidence que celui-ci est bien la Terre Sainte, "vers laquelle toujours sont tournés les yeux de D.ieu, du début de l’année à la fin de l’année", y compris pendant le temps de l’exil. Car, il ne dépend que de nous d’éclairer l’obscurité profonde et la pénombre double et même quadruple de cet exil, ce niveau quadruple évoquant les trois forces du mal totalement impures et celle qui peut encore connaître l’élévation, c’est-à-dire le Jourdain, lié à la sainteté d’un côté, au mal de l’autre(17).

Il faut que la Lumière de l’Essence de D.ieu éclaire cet exil. Ainsi, s’accomplira la promesse selon laquelle "la nuit éclairera comme le jour". Ce fut le cas lors de la sortie d’Egypte, quand "Il éclaira la nuit", de sorte que cette nuit devienne elle-même lumineuse. Et, "comme aux jours de ta sortie d’Egypte, Je te montrerai des merveilles".

Je vous adresse ma bénédiction pour une fête de Pessa’h cachère et joyeuse. Vous la célébrerez avantageusement, avec tous les membres de votre famille et tous vos disciples.

Dans l’attente de la révélation de la lumière de la Torah, de la rosée de la Torah, avec la crainte de D.ieu qui permettra de les dévoiler dans ce monde matériel et grossier, afin d’y bâtir le Sanctuaire de D.ieu, très bientôt et de nos jours, dans la bonté et la miséricorde,

Avec mes respects, ma considération et ma déférence,

Notes

(1) Rabbi Israël Abou’hatsera, "Baba Salé". Voir, à son propos, la lettre n°1370.
(2) Israël.
(3) Pourquoi ne t’y rends-tu pas?
(4) Un point, se trouvant sous la ligne, qui est vocalisé i.
(5) Un point, se trouvant au dessus de la ligne, qui est vocalisé o.
(6) Partie superficielle de Kéter, la couronne qui surplombe l’enchaînement des mondes.
(7) Mais, non le dixième, qui correspond à Mal’hout.
(8) "La tête qui ne se connaît pas", dimension intérieure de la partie profonde de Kéter.
(9) Et non pas uniquement à la Volonté elle-même.
(10) Selon l’expression de la Haggada de Pessa’h.
(11) C’est-à-dire participer au Séder, quand est lue la Haggada.
(12) En relation avec le récit de la sortie d’Egypte.
(13) Sipour, le récit est de la même étymologie que Sapir, pierre précieuse, brillante.
(14) Ce qui lui impose des limites, des barrières.
(15) Qui empêche la perception intellectuelle de se révéler dans le coeur.
(16) On est alors délivré des limites.
(17) Puisqu’il est la frontière d’Erets Israël.