Lettre n° 1587
Par la grâce de D.ieu,
26 Iyar 5712,
Brooklyn,
Au Rav et grand érudit, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav Moché Aryé Leïb(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai bien reçu votre lettre, quoiqu’avec quelque retard. J’envisage maintenant les questions qui vous ont été posées:
A) Le début du Tanya commente l’affirmation de nos Sages selon laquelle: "On la(2) fait jurer d’être un Juste". La ‘Hassidout explique que ce serment est un moyen de la rassasier de forces(3), comme le dit le Kitsourim Vehéarot sur le Tanya, à la page 57. C’est, de fait, pour cette raison que l’on peut jurer(4) d’accomplir une Mitsva, bien que l’on ait déjà prononcé un tel serment devant le mont Sinaï.
Vous faites remarquer que l’on ne comprend pas le sens de ce serment, si l’on examine la fin de ces paroles de nos Sages: "Même si le monde entier te dit que tu es un Juste, continue à te considérer, à tes propres yeux, comme un impie".
Cette remarque n’est pas directement liée à l’explication de la ‘Hassidout selon laquelle le serment est à rapprocher de la satiété. Car, même au sens simple, lorsqu’est fait ce serment, il faut comprendre pourquoi il est nécessaire d’être "à tes propres yeux, comme un impie", même "si le monde entier te dit que tu es un Juste".
Pour revenir à votre question, ce serment présente différents aspects. Ainsi, disent nos Sages, "Sache que le Saint béni soit-Il est pur" et tous les aspects accessoires ne concernent le service de D.ieu de l’homme que dans la mesure où ils lui permettent de mettre en pratique le contenu essentiel de ce serment, "sois un Juste et ne sois pas un impie".
Il est donc particulièrement important de ne pas se tromper sur la manière de servir D.ieu. Le comportement du Juste est diamétralement opposé à celui de l’impie. Bien plus, le Tanya explique que le Juste "a le cœur détruit", ce qui veut dire qu’il n’a pas la perception du mal, n’a pas de mauvaises pensées. Il éprouve du dégoût pour le mal, applique le principe "en toutes tes voies, connais-Le" et parvient même à inscrire toutes ses préoccupations dans le domaine de la sainteté. Il peut apporter l’élévation à toute chose et ne doit donc rien repousser.
A l’opposé, le Beïnoni, qui est celui que le Tanya définit "comme un impie" doit analyser chaque situation pour déterminer si elle émane du "cœur du Sage (qui) est à droite" ou bien du "cœur de l’insensé (qui) est à gauche". Si le doute se fait jour, il lui faudra adopter la position la plus rigoriste, puisqu’un principe de la Torah est en cause. Et, l’on comprend qu’une telle analyse doit être menée littéralement pour chaque action.
On peut citer également le septième chapitre du Kountrass Haavoda qui évoque l’adoption d’un niveau du service de D.ieu supérieur à celui auquel on pourrait prétendre et qui décrit les inconvénients qui en résultent. Ceci permet de comprendre, y compris si l’on interprète au sens littéral l’affirmation selon laquelle "même si le monde entier te dit que tu es un Juste, continue à te considérer, à tes propres yeux, comme un impie", que le terme de "Juste" est employé ici de manière figurée, pour désigner celui qui possède une majorité de bienfaits(5).
B) Le chapitre 15 d’Igueret Hakodech décrit la distance qui sépare le grand amour de D.ieu qu’éprouva notre père Avraham et celui des Sefirot, dans les mondes supérieurs. Il dit: "On pourrait penser que...(6). Mais, en réalité, cet amour est infiniment plus grand, plus merveilleux que celui de notre père Avraham".
Pour autant, l’amour d’Avraham conserve une relation avec celui des Attributs célestes et c’est pour cela qu’il dit: "Je ne suis que poussière et cendre". La comparaison introduite par ces mots est la suivante. La poussière évoque la cendre résultant du bois qui existait à l’origine(7).
Vous posez la question suivante. La distance qui sépare l’infini de la limite est beaucoup plus grande que celle qui existe entre la poussière(8) et l’arbre, agréable à voir. Dès lors, quelle est la portée de cette comparaison?
Une explication claire peut être déduite d’une analyse précise des termes employés par l’Admour Hazaken. Evoquant la poussière et la cendre de l’arbre agréable, il parle, à différentes reprises de "la nature de la poussière". Ceci répond à votre remarque selon laquelle la différence entre l’infini et la limite peut être quantitative, mais non qualitative. Combien plus est-ce le cas quand cette comparaison porte sur cette nature.
Ainsi, on peut comparer une goutte d’eau à toutes les eaux de l’océan, ou bien un individu à toutes les générations potentielles, ce qui évoque plus justement la limite et l’infini, ou encore un ange au nombre infini des cohortes d’anges. Il y a bien là, dans chaque cas, un état limité et un autre, infini. Pour autant, tous sont de même nature. Ils relèvent exactement de la même dimension qualitative.
En ce sens, il est exact de parler(9) de poussière et de cendre, comparées à l’arbre agréable. Dans ce cas, la différence se marque aussi bien quantitativement que qualitativement. Il est donc dit qu’ils "ne peuvent être comparés, n’ont aucune commune mesure". Cette conclusion découle bien de l’image de la cendre et non de la comparaison entre la limite et l ’infini.
Notes
(1) Le Rav M. A. L. Shapiro. Voir, à son propos, les lettres n°234 et 1775.
(2) L’âme, avant qu’elle ne s’introduise dans un corps.
(3) Le terme Chevoua, serment, est de la même étymologie que Sova, satiété.
(4) Le Rabbi note, en bas de page: "Alors, on sera également engagé et rassasié de forces, chaque aspect ayant son apport spécifique. Cette idée ne sera pas développée ici."
(5) Et, une minorité de fautes. Il n’est donc pas séparé du mal et ne peut être un Juste, au sens propre du terme.
(6) La bonté et l’amour, dans les sphères célestes, est de la même nature et de la même catégorie que celle de notre père Avraham
(7) Et qui a été brûlé pour prendre la forme de cette cendre.
(8) Qui évoque la cendre.
(9) Pour comparer l’amour de D.ieu d’Avraham et celui des sphères célestes.
26 Iyar 5712,
Brooklyn,
Au Rav et grand érudit, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav Moché Aryé Leïb(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai bien reçu votre lettre, quoiqu’avec quelque retard. J’envisage maintenant les questions qui vous ont été posées:
A) Le début du Tanya commente l’affirmation de nos Sages selon laquelle: "On la(2) fait jurer d’être un Juste". La ‘Hassidout explique que ce serment est un moyen de la rassasier de forces(3), comme le dit le Kitsourim Vehéarot sur le Tanya, à la page 57. C’est, de fait, pour cette raison que l’on peut jurer(4) d’accomplir une Mitsva, bien que l’on ait déjà prononcé un tel serment devant le mont Sinaï.
Vous faites remarquer que l’on ne comprend pas le sens de ce serment, si l’on examine la fin de ces paroles de nos Sages: "Même si le monde entier te dit que tu es un Juste, continue à te considérer, à tes propres yeux, comme un impie".
Cette remarque n’est pas directement liée à l’explication de la ‘Hassidout selon laquelle le serment est à rapprocher de la satiété. Car, même au sens simple, lorsqu’est fait ce serment, il faut comprendre pourquoi il est nécessaire d’être "à tes propres yeux, comme un impie", même "si le monde entier te dit que tu es un Juste".
Pour revenir à votre question, ce serment présente différents aspects. Ainsi, disent nos Sages, "Sache que le Saint béni soit-Il est pur" et tous les aspects accessoires ne concernent le service de D.ieu de l’homme que dans la mesure où ils lui permettent de mettre en pratique le contenu essentiel de ce serment, "sois un Juste et ne sois pas un impie".
Il est donc particulièrement important de ne pas se tromper sur la manière de servir D.ieu. Le comportement du Juste est diamétralement opposé à celui de l’impie. Bien plus, le Tanya explique que le Juste "a le cœur détruit", ce qui veut dire qu’il n’a pas la perception du mal, n’a pas de mauvaises pensées. Il éprouve du dégoût pour le mal, applique le principe "en toutes tes voies, connais-Le" et parvient même à inscrire toutes ses préoccupations dans le domaine de la sainteté. Il peut apporter l’élévation à toute chose et ne doit donc rien repousser.
A l’opposé, le Beïnoni, qui est celui que le Tanya définit "comme un impie" doit analyser chaque situation pour déterminer si elle émane du "cœur du Sage (qui) est à droite" ou bien du "cœur de l’insensé (qui) est à gauche". Si le doute se fait jour, il lui faudra adopter la position la plus rigoriste, puisqu’un principe de la Torah est en cause. Et, l’on comprend qu’une telle analyse doit être menée littéralement pour chaque action.
On peut citer également le septième chapitre du Kountrass Haavoda qui évoque l’adoption d’un niveau du service de D.ieu supérieur à celui auquel on pourrait prétendre et qui décrit les inconvénients qui en résultent. Ceci permet de comprendre, y compris si l’on interprète au sens littéral l’affirmation selon laquelle "même si le monde entier te dit que tu es un Juste, continue à te considérer, à tes propres yeux, comme un impie", que le terme de "Juste" est employé ici de manière figurée, pour désigner celui qui possède une majorité de bienfaits(5).
B) Le chapitre 15 d’Igueret Hakodech décrit la distance qui sépare le grand amour de D.ieu qu’éprouva notre père Avraham et celui des Sefirot, dans les mondes supérieurs. Il dit: "On pourrait penser que...(6). Mais, en réalité, cet amour est infiniment plus grand, plus merveilleux que celui de notre père Avraham".
Pour autant, l’amour d’Avraham conserve une relation avec celui des Attributs célestes et c’est pour cela qu’il dit: "Je ne suis que poussière et cendre". La comparaison introduite par ces mots est la suivante. La poussière évoque la cendre résultant du bois qui existait à l’origine(7).
Vous posez la question suivante. La distance qui sépare l’infini de la limite est beaucoup plus grande que celle qui existe entre la poussière(8) et l’arbre, agréable à voir. Dès lors, quelle est la portée de cette comparaison?
Une explication claire peut être déduite d’une analyse précise des termes employés par l’Admour Hazaken. Evoquant la poussière et la cendre de l’arbre agréable, il parle, à différentes reprises de "la nature de la poussière". Ceci répond à votre remarque selon laquelle la différence entre l’infini et la limite peut être quantitative, mais non qualitative. Combien plus est-ce le cas quand cette comparaison porte sur cette nature.
Ainsi, on peut comparer une goutte d’eau à toutes les eaux de l’océan, ou bien un individu à toutes les générations potentielles, ce qui évoque plus justement la limite et l’infini, ou encore un ange au nombre infini des cohortes d’anges. Il y a bien là, dans chaque cas, un état limité et un autre, infini. Pour autant, tous sont de même nature. Ils relèvent exactement de la même dimension qualitative.
En ce sens, il est exact de parler(9) de poussière et de cendre, comparées à l’arbre agréable. Dans ce cas, la différence se marque aussi bien quantitativement que qualitativement. Il est donc dit qu’ils "ne peuvent être comparés, n’ont aucune commune mesure". Cette conclusion découle bien de l’image de la cendre et non de la comparaison entre la limite et l ’infini.
Notes
(1) Le Rav M. A. L. Shapiro. Voir, à son propos, les lettres n°234 et 1775.
(2) L’âme, avant qu’elle ne s’introduise dans un corps.
(3) Le terme Chevoua, serment, est de la même étymologie que Sova, satiété.
(4) Le Rabbi note, en bas de page: "Alors, on sera également engagé et rassasié de forces, chaque aspect ayant son apport spécifique. Cette idée ne sera pas développée ici."
(5) Et, une minorité de fautes. Il n’est donc pas séparé du mal et ne peut être un Juste, au sens propre du terme.
(6) La bonté et l’amour, dans les sphères célestes, est de la même nature et de la même catégorie que celle de notre père Avraham
(7) Et qui a été brûlé pour prendre la forme de cette cendre.
(8) Qui évoque la cendre.
(9) Pour comparer l’amour de D.ieu d’Avraham et celui des sphères célestes.