Lettre n° 1673

Par la grâce de D.ieu,
1er Tamouz 5712,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre du 22 Sivan, avec la demande de bénédiction qui y était jointe et que je lirai, en un moment propice, près du tombeau de mon beau-père, le Rabbi.

Vous me faites part de la discussion que vous avez eue avec votre épouse et vous me dites qu’elle accepte de ne pas se rendre au Mikwé pendant quelques années(1), car elle n’a pas la force d’avoir des enfants.

La lecture de votre lettre m’a rempli d’effroi. Tout d’abord, selon la partie législative de la Torah, un tel accord est sans valeur, d’après de nombreux Décisionnaires. Vous consulterez, à ce propos, le Choul’han Arou’h Even Haézer, chapitre 76 et début du chapitre 1. Il y a donc bien une obligation(2).

De plus, je n’ai jamais vu que l’on s’impose des souffrances et des mortifications sur le compte de quelqu’un d’autre. Si, comme vous le dites, les médecins pensent que, pour des raisons de santé, une grossesse serait dangereuse pour elle, il faut appliquer la décision hala’hique du Tséma’h Tsédek, exprimée dans ses responsa Even Haézer, tome 1, paragraphe 89(3). Vous consulterez ce texte selon lequel il s’agit là d’un des trois cas, où il est permis d’avoir recours à un tampon(4) pendant une relation conjugale. Je ne veux pas en dire plus, car tout cela est clairement expliqué par ailleurs et ces quelques mots vous suffiront sans doute.

Vous me demandez s’il est justifié de se mortifier, par exemple en dormant sur un banc avec seulement un oreiller. Vous n’indiquez pas la raison d’une telle attitude. En tout état de cause, à notre époque, celui qui fait le choix des mortifications doit opter pour celles qui ne nuisent pas à la santé. Le Rambam tranche, en effet, dans ses lois des opinions, au début du chapitre 4, qu’avoir un corps sain est partie intégrante du service de D.ieu.

Concrètement, on peut constater qu’un affaiblissement physique remet en cause le service de D.ieu, l’étude de la Torah et la prière fervente. Il faut donc envisager les mortifications en fonction de ce que dit le Séfer Hatoldot du Rabbi Maharach(5), à la fin de la page 72(6), ce qui présente les qualités suivantes :
1. L’intégrité physique n’est pas remise en cause.
2. Il n’en résulte aucun orgueil, aucun comportement ostentatoire en présence des autres personnes. Chacun sera le seul à avoir conscience des difficultés qu’il s’impose à lui-même, en agissant de la sorte.
3. De différents points de vue, une telle attitude est encore plus difficile que les souffrances et les mortifications proprement dites. En effet, il s’agit d’un acte permis et l’on n’a donc pas l’impression d’obtenir un résultat effectif, d’accomplir des réalisations grandioses.
4. Une telle manière d’agir permet, peu à peu, de transformer sa nature et de se dresser, de toutes ses forces, contre le "petit malin"(7). Et le résultat est à la mesure de l’effort.

A l’occasion de votre anniversaire, dont vous faites mention dans votre lettre, je vous souhaite de longs jours et de bonnes années. Que D.ieu fasse que vous ayez une existence agréable, dans tous les sens du terme. Au sens le plus littéral, tout d’abord, matériellement, votre vie sera emplie de Torah et de Mitsvot, de même que du luminaire de la Torah(8), car tout cela est le bien véritable. Que D.ieu vous accorde la réussite et que vous illuminiez vos élèves et ceux qui vous suivent, grâce à ce luminaire.

Avec ma bénédiction,

Notes

(1) Ne pouvant donc s’unir à son mari et évitant ainsi d’avoir des enfants.
(2) Pour cette femme, de se rendre au Mikwé.
(3) Voir, à ce propos, la lettre n°1232.
(4) Un contraceptif.
(5) Ouvrage biographique dont le Rabbi est lui-même l’auteur.
(6) En renonçant à ce que l’on a envie de faire.
(7) Le mauvais penchant.
(8) La ‘Hassidout.