Lettre n° 1919

Par la grâce de D.ieu,
28 Mar’hechvan 5713,
Brooklyn,

Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav Its’hak(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre du 18 Mar’hechvan et à la précédente. Vous ne me tiendrez pas rigueur du retard apporté à ma réponse, qui est dû à mes nombreuses occupations et à l’accumulation de mon courrier, pendant ce mois de Tichri. J’ai considéré que les lettres dont le contenu a une incidence sur l’action concrète doivent passer avant celles qui traitent du Midrach(2). Vous consulterez, à ce propos, le Pit’heï Techouva sur Yoré Déa, chapitre 242, paragraphe 9. De plus, je suis convaincu que vous excuserez mon retard, dont vous connaissez la raison.

Je réponds maintenant à vos remarques :

A) Je renvoyais(3) aux Biyoureï Ha Zohar, à la Parchat Ekev. Je ne voulais pas dire que ce texte traite exactement du sujet qui faisait l’objet de notre correspondance. En fait, j’ai coutume, lorsque j’envisage une idée de la partie révélée de la Torah, d’en profiter pour consulter l’interprétation qu’en donne la ‘Hassidout. De même, quand j’analyse un concept de ‘Hassidout, j’en cherche l’équivalent dans la partie révélée de la Torah, même si l’explication développée n’est pas la même.

A l’analyse, il apparaît que cette interprétation du Biyoureï Ha Zohar porte sur les bénédictions prononcées lorsque l’on tire profit de ce monde. Celle-ci peut donc, assurément, apporter un éclairage à ce qui a fait l’objet de notre échange.

Vous pourrez consulter différents textes, à ce propos, en particulier la fin du discours ‘hassidique intitulé “ Voici le secret médian ”, qui dit :

“ C’est de cette manière qu’il faut interpréter l’expression ‘Béni sois-Tu, Eternel’, réalisant l’élévation du fruit matériel de l’arbre, pour qu’il s’insère dans la Parole divine ‘Que soit un arbre portant des fruits’. De la sorte, on peut comprendre la formulation : ‘Il crée le fruit de l’arbre’ et toutes les autres bénédictions qui sont prononcées lorsque l’on tire profit de ce monde. ”

On peut en conclure que celui qui dit une bénédiction de portée générale s’insère dans la Parole globale(4), précédant la Parole spécifique(5) qui concerne cette espèce particulière. A l’opposé, une bénédiction particulière se rattache à la Parole particulière, qu’elle soit clairement exprimée(6), comme c’est le cas pour la bénédiction ‘Il crée le fruit de l’arbre ” cité par le Biyoureï Ha Zohar ou bien qu’elle soit obtenue par des combinaisons et des permutations(7).

L’Admour Hazaken explique tout cela, dans son Chaar Hay’houd, au premier chapitre et à la fin du douzième.

B) Brièvement, on peut aussi donner une autre explication, à ce sujet. C’est la suivante.

Une bénédiction qui provoque une révélation globale est plus importante que celle qui a un contenu bien précis, puisqu’elle en possède l’aspect particulier et également tous les autres. Il en est de même pour ce qui fait l’objet de notre propos.

Une bénédiction relative à la jouissance peut être dite pour une espèce bien particulière. Elle souligne alors les qualités de la catégorie dans son ensemble, par exemple celle des végétaux et également les particularités de cette espèce bien précise, par exemple le fruit de l’arbre.

Ceci peut être rapproché des notions talmudiques que sont la règle globale et l’ajout à l’existant. Vous le comprendrez aisément.

C) Si je pouvais m’y autoriser, j’ajouterais une autre explication, justifiant que la bénédiction de Roch Hachana doive conserver une formulation générale.

En effet, Roch Hachana a bien une portée globale, s’étendant sur toute l’année.

D) Vous citez, dans votre lettre, le commentaire de Rachi sur le verset Devarim 33, 29, selon lequel une bénédiction qui a pour but d’obtenir la révélation n’empêche pas le détail de présenter un aspect que l’on ne trouve pas dans la règle.

Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. En effet, Rachi dit : “ Après leur avoir détaillé les bénédictions, Il ajouta : ‘A quoi bon ce détail ? Tout vous appartient !’”. C’est donc bien le contraire de ce que vous dites.

Faisant référence à ce que vous m’exprimiez auparavant, votre désir de recevoir tout ce qui est publié, je vous joins un extrait de ce qui a été dit lors de la réunion ‘hassidique de ce Sim’hat Torah, en relation avec ce qui vient d’être exposé.

En diffusant l’étude de la Torah et la crainte de D.ieu, certains évitent ou conseillent d’éviter le luminaire de la Torah, qui en est la dimension profonde(8). En effet, ils considèrent que l’on doit avancer progressivement, bien connaître, au préalable, le Talmud et les Décisionnaires.

Néanmoins, différents textes de ‘Hassidout soulignent que le point le plus bas et le sommet le plus élevé se dressent bien l’un face à l’autre. C’est précisément en descendant dans une fosse profonde que l’on peut accéder à une cime élevée. Par la suite, on pourra dépasser cette dernière en descendant, encore une fois, dans une fosse profonde.

On sait que les anges descendirent dans ce monde et y connurent la chute. L’âme, par contre, peut s’attacher au Roi précisément quand elle parvient ici-bas. Il en est de même pour l’étude de la Torah. Pour éprouver le plaisir qui la caractérise, tel qu’il est défini au traité Nedarim 81a, pour accomplir scrupuleusement les Mitsvot, jusque dans le moindre détail, il faut se lier à la partie profonde de la Torah, en particulier à notre époque.

Vous consulterez, à ce propos, le chapitre 4 du Tanya, qui dit que : “ Sans lui(9), elles(10) n’ont pas de constance ”. Telle est la portée de la lumière qui apparut au premier jour de la création et fut ensuite enfouie dans la Torah, comme l’explique le Baal Chem Tov(11).

Vous consulterez aussi le Zohar, tome 1, page 264a, tome 2, page 179a, le Tikouneï Zohar, Tikoun 6, le Zohar ‘Hadach Ruth, page 85a. Pour quelqu’un comme vous, il est inutile d’en dire plus.

Avec mes respects et ma bénédiction,

Notes

(1) Le Rav I. Hutner. Voir, à son propos, la lettre n°1868.
(2) C’est-à-dire, ici, le commentaire de la Torah qui ne porte pas sur l’action concrète.
(3) Dans la lettre n°1868.
(4) A l’origine de la création, dans sa globalité.
(5) A l’origine d’une création spécifique.
(6) Dans une Parole bien précise de la création.
(7) N’étant pas nommément citée dans l’une des Paroles de la création.
(8) La ‘Hassidout.
(9) Sans l’amour de D.ieu.
(10) Les Mitsvot.
(11) Voir, à ce propos, les lettres n°1892, 1893 et 1925.