Lettre n° 1928

Par la grâce de D.ieu,
9 Kislev 5713,
Brooklyn,

Au jeune homme Israël Aryé(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre du premier jour de Roch ‘Hodech Kislev, dans laquelle vous me décrivez votre action, en collaboration avec le jeune homme Meïr Tsvi(2), afin de sauver les enfants de ceux qui les détournent et les écartent du droit chemin(3). Vous vous demandez si vous devez poursuivre cette action, car vous n’avez pratiquement obtenu aucun résultat jusqu’à maintenant et ceci gêne vos études.

Il n’est pas précisé, dans votre lettre, si vous avez commencé cette action avec l’accord de la direction(4) ou bien de votre propre initiative. Vous dites uniquement que celle-ci vous autorise à vous y rendre le vendredi, veille du Chabbat et n’acceptera que vous élargissiez cette action qu’en obtenant, de ma part, une lettre en ce sens.

D’une part, le salut, même d’une seule âme juive, a une valeur inestimable. Vous dites que vous n’avez rien obtenu jusqu’à maintenant, mais, tout d’abord, vous ne pouvez pas le déterminer avec certitude. Nul ne peut rien affirmer, en la matière. La perception de l’homme est limitée à ce qu’il peut observer de ses yeux. En revanche, on ne peut sonder le cœur de son prochain.

De plus, même s’il était vrai que vous n’ayez rien obtenu, peut-être ce que vous avez accompli jusqu’ici a-t-il permis de labourer, de semer et de planter. Différents textes de ‘Hassidout précisent, en effet, la différence que l’on peut faire entre ces notions. C’est donc grâce à cela que vous aurez des fruits, à l’avenir. Il est clair que l’on ne peut les obtenir si l’on n’a pas, au préalable, labouré, semé et planté.

Mais, par ailleurs, vous connaissez également le dicton du Rabbi Rachab selon lequel le mauvais penchant se présente parfois en portant une redingote de soie(5). Il s’emploie, en particulier, par différents stratagèmes, à abuser les jeunes gens qui se consacrent à l’étude de la partie profonde de la Torah. Toute proportion gardée, ceci peut être comparé à ce qui est dit à propos du 19 Kislev(6). Ce qui est arrivé(7) devait être le fait de ceux qui avaient une valeur intrinsèque(8).

En ce qui vous concerne, vous devez prendre conseil auprès de la direction de la Yechiva, qui connaît la situation sur place, de même que vos capacités. Sa position sera donc assurément la bonne. Vous me ferez savoir quelle est votre décision et D.ieu fera quelle soit fructueuse.

Avec ma bénédiction pour vous et pour votre ami Meïr Tsvi,

N. B. : J’ai bien reçu la demande de bénédiction exprimée dans votre lettre.

Notes

(1) I. A. Doubroskin, de Lod.
(2) M. T. Gruzman.
(3) Des missionnaires.
(4) De la Yechiva dont l’un et l’autre sont les élèves.
(5) En prenant une allure rabbinique.
(6) Date de la libération de l’Admour Hazaken des prisons tsaristes.
(7) L’emprisonnement.
(8) Textuellement “ ceux qui avaient l’ombre d’une ombre ”, c’est-à-dire des Juifs, possédant une âme divine, qui dénoncèrent le Rabbi et furent à l’origine de son incarcération.