Lettre n° 1939

Par la grâce de D.ieu,
16 Kislev 5713,
Brooklyn,

Aux ‘Hassidim de Sefrya(1) Kfar ‘Habad,
en particulier les signataires(2), ‘Hassidim
qui craignent D.ieu et se consacrent aux
besoins communautaires,
le Rav ‘Haïm Meïr Garelik,
le Rav Yossef Na’hman Perman,
le Rav Moché Zalman Kaminetski,

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre du 22 Mar’hechvan, dans laquelle vous me décrivez encore une fois la situation du Kfar, en particulier dans le domaine agricole, dans l’optique du transfert vers le nouveau village(3). Il est, en effet, question, qu’une partie des habitants du Kfar conserve la localisation actuelle et que ceux qui désirent adopter une activité agricole, c’est-à-dire, d’après votre lettre, une trentaine de familles, s’installent dans le nouveau village.

A) Il est, bien sûr, inutile de chercher à justifier le fait que vous portiez tout cela à ma connaissance et m’écriviez à ce sujet. Bien évidemment, je souhaite connaître, par le détail et dans toute la mesure du possible, tout ce qui advient aux ‘Hassidim.

Ceci est particulièrement vrai pour ceux qui souhaitent immigrer. Il y a là, à mon sens, une question fondamentale, matériellement et spirituellement.

B) J’en viens à la question proprement dite, ce qui est le point essentiel. A mon avis, lorsqu’il s’agit de passer d’une situation à une autre, radicalement différente de la première, il convient de se préserver et d’être particulièrement prudent.

Différents indices me permettent d’établir que l’immigration des ‘Hassidim, quittant l’existence qui était la leur dans le pays où ils se trouvaient auparavant(4) pour s’habituer au mode de vie en Terre Sainte ou bien aux Etats Unis, provoque bien souvent chez eux une perturbation. J’ai bon espoir que celle-ci ira en s’amenuisant et non l’inverse, ce qu’à D.ieu ne plaise.

Lorsque je parle de perturbation, je fais allusion à une crise à la fois physique et morale et cela n’est pas surprenant. En effet, une modification des habitudes et de l’organisation de la vie provoque un choc important. En pareil cas, il est nécessaire de prendre des mesures afin de se renforcer ou, tout au moins, de ne pas s’affaiblir.

C) Pour ce qui est de cette perturbation, les ‘Hassidim qui se sont installés en Terre Sainte se trouvent dans une situation relativement plus favorable. En effet, ils sont tous réunis en un même endroit. S’ils maintiennent l’unité entre eux, ils peuvent donc, peu à peu, s’habituer à ces différences.

En pareil cas, une modification instantanée, d’une extrême à l’autre, n’est pas nécessaire.

D) Dans le pays où nous nous trouvions auparavant, les ‘Hassidim devaient résider tous ensemble, du fait des pressions extérieures, des poursuites et de l’oppression exercées sur ceux qui craignent D.ieu, en général, sur les ‘Hassidim et ceux de ‘Habad, en particulier.

Après avoir quitté ce pays, et surtout lorsque l’on est installé en Terre Sainte, on ne subit plus aucune pression extérieure. Bien au contraire, chacun se trouve attiré, parfois même en différents endroits et pour diverses motivations.

Il y a donc tout lieu de penser qu’à l’issue d’une période relativement courte, on pourra constater l’opposition qui existe entre ces nombreuses sources d’attrait.

E) A mon sens, il est pratiquement évident que, si les ‘Hassidim se répartissent entre deux implantations, leur spécificité disparaîtra dans le nombre, ce qu’à D.ieu ne plaise. Dès lors, ils peuvent aussi s'effacer qualitativement. Car, même s’il n’y a, dans un premier temps, que deux installations, il y en aura, à terme, beaucoup plus.

Combien plus en est-il ainsi en Terre Sainte, où la disparition quantitative et qualitative dans le domaine spirituel et celle du domaine matériel sont liées. C’est tout particulièrement le cas pour les jeunes, garçons et filles.

F) A mon avis, voici ce qu’il faut retenir de tout ce qui vient d’être dit.

Si une partie des ‘Hassidim s’installe dans le nouveau village, leur transfert, au moins dans un premier temps, présentera un avantage certain, en tout cas au sens matériel. La perte morale, en revanche, sera immédiate.

Par la suite, l’apport matériel diminuera, alors qu’au contraire, la perte morale s’aggravera.

G) On peut penser, à l’heure actuelle, que l’intérêt présenté par l’installation dans le nouveau village n’est qu’apparent. Il apparaît uniquement à cause des défauts de l’endroit où vous vous trouvez maintenant. C’est pour cela que l’on constate un désir de déménager, qui biaise l’analyse intellectuelle.

Lorsque vous parviendrez en ce nouvel endroit et que tout recommencera à nouveau, on prendra conscience et l’on s’apercevra que l’on a commis une lourde erreur d’appréciation, que cette situation n’a concrètement aucun intérêt et n’en a peut-être jamais eu.

Si vous faites porter les efforts et l’ardeur nécessaires à l’installation et à l’organisation en ce nouvel endroit sur le lieu dans lequel vous vous trouvez actuellement, il est certain que vous y gagnerez beaucoup plus.

H) Même si le gain spirituel et matériel était acquis, pour ceux qui s’installent dans cette nouvelle implantation, il faudrait, en outre, tenir compte également de l’affaiblissement qui en résulterait pour ceux qui resteraient au Kfar, même si, selon certains, cette éventualité est positive pour eux, puisqu’ils disposeront de plus de place.

De façon générale, les intérêts de ‘Habad en Terre Sainte s’en trouveront affaiblis.

I) Voici ce qui découle, pour l’action concrète, de tout ce qui vient d’être dit.

A mon sens, il est dans votre intérêt matériel et, combien plus, spirituel de vous consacrer, avec toute l’ardeur et tout l’enthousiasme ‘hassidique, à améliorer votre situation dans l’endroit où vous vous trouvez actuellement.

Vous devez ôter complètement de votre esprit l’idée que vous vous trouvez là uniquement pour quelques semaines ou pour quelques mois, que vous pourrez par la suite convaincre l’Agence juive, moi-même et d’autres encore d’autoriser votre installation en une nouvelle localisation.

Il semble, en effet, que vous soyez troublés par cette idée, là où vous êtes maintenant. Or, si vous abordez le problème de la manière qui vient d’être décrite, vous saurez faire preuve de la détermination nécessaire dans vos relations avec les organismes concernés. Ceux-ci vous attribueront, au plus vite, les territoires se trouvant dans le domaine de la compagnie Hamehadrin(5).

Votre lettre indique que vous négociez sur la base d’une superficie de cinq cents Dounams. J’en suis particulièrement étonné. Vous auriez dû demander, au minimum, mille Dounams.

J) Il me semble que si l’Agence juive ne constatait aucune divergence d’opinions entre les ‘Hassidim, sur ce point, si elle n’observait pas que certains refusent de rester dans la localisation actuelle, elle vous aurait déjà accordé ces terrains depuis longtemps.

K) J’ai bon espoir et je suis certain, cela va sans dire, que l’activité essentielle du Kfar sera agricole. A mon sens, il ne peut pas en être autrement. L’agriculture ne sera pas un domaine accessoire, mais bien une activité essentielle.

Si quelques familles, pour différentes raisons, ne peuvent pas adopter une activité agricole, d’autres, en nombre suffisant, le désirent et en ont les capacités. C’est le cas, selon votre lettre, pour la moitié du Kfar. Ces personnes doivent, par tous les moyens possibles, adopter effectivement une occupation agricole. Leurs autres travaux seront uniquement accessoires.

L) Il est bien clair que je n’écarte en aucune façon le projet et le désir de fonder d’autres points d’installation de ‘Habad en Terre Sainte. A mon avis, si l’on témoigne de l’empressement qui convient, il sera possible de le faire, dans un délai relativement bref.

Néanmoins, il faut pouvoir construire un nouvel endroit sans détruire celui où vous vous trouvez actuellement. Car, si vous agissez de la sorte, ni l’un ni l’autre ne se maintiendront, ce qu’à D.ieu ne plaise.

Que D.ieu accorde à chacun d’entre nous de pouvoir nous annoncer les uns aux autres uniquement de bonnes nouvelles, matérielles et spirituelles.

Je vous adresse ma bénédiction à l’occasion de la fête de la libération(6). Et, que se réalise, très bientôt et de nos jours, la promesse de l’Admour Hazaken et la décision du Tribunal céleste(7), selon laquelle, en tout ce qui concerne la Torah, la crainte de D.ieu et les sentiments vertueux, ceux qui sont liés à lui(8) et suivent sa voie auraient le dessus.

Avec ma bénédiction à l’occasion de la fête de la libération,

N. B. : Je vous joins le fascicule présentant la séquence de discours ‘hassidiques de 5703(9). Vous y trouverez le discours intitulé “ Car Mon salut est proche ”. J’ai proposé aux ‘Hassidim de l’étudier, les 19 et 20 Kislev, de même qu’à la cinquième lumière de ‘Hanouka(10).

Il est sûrement inutile de rappeler que cette lettre et, de façon générale, tous mes courriers, ne sont en aucune façon des ordres formels. Tel n’est nullement mon propos. Je vous décris uniquement la situation telle que je la perçois.

Notes

(1) Précédent nom de Kfar ‘Habad.
(2) De la lettre adressée au Rabbi et à laquelle il fait ici réponse.
(3) Voir, à ce propos, les lettres n°1566 et 1971.
(4) En Russie soviétique.
(5) Voir, à ce propos, les lettres n°1978 et 2242.
(6) De l’Admour Hazaken des prisons tsaristes, le 19 Kislev.
(7) Voir, à ce propos, la lettre n°1958.
(8) De l’Admour Hazaken.
(9) 1943, du précédent Rabbi.
(10) Date de la libération de l’Admour Hazaken, lors de son second emprisonnement.