Lettre n° 1952

[Mois de la délivrance(1)]

A) Vous évoquez, dans votre dernière lettre(2), les propos du Rambam, dans ses lois de l’idolâtrie, chapitre 6, paragraphe 9(3) : “ L’habitude des idolâtres était de planter des arbres ” et vous considérez que de telles arbres ne sont pas, à proprement parler, des objets d’idolâtrie.

Il me semble difficile d’avancer une telle explication. En effet, cette Hala’ha ne traite pas des arbres spécifiques à l’idolâtrie, mais de tous les arbres, en général. Néanmoins, le Rambam ne souhaitait pas tronquer ou écourter un verset à cause d’un seul mot(4). Il le cite donc également. De plus, une telle plantation est interdite.

Vous consulterez la Michna, au traité Avoda Zara 48a, faisant état d’une controverse entre Rabbi Chimeon et le Sage s’exprimant avant lui dans la Michna. Vous verrez également le Guide des égarés, tome 3, chapitre 29 et 37.

B) Vous comparez l’arbre servant d’idolâtrie à un édifice, duquel il fut dit par la suite que “ D.ieu le tient en abomination ”, ce qui n’était pas encore le cas, à l’époque des Patriarches. On peut se demander quelle est la référence d’une telle affirmation.

S’il s’agissait d’un édifice, il faudrait se demander pourquoi “ le défenseur devient un accusateur ”(5) uniquement du fait des insensés. Vous consulterez, à ce propos, le traité Avoda Zara 54b. Et, l’on ne fait pas de déduction d’un fait nouveau, d’autant qu’aucun texte ne permet d’affirmer que les Patriarches plantèrent des arbres.

Il faut en conclure qu’un arbre servant d’idolâtrie a toujours été objet d’abomination et ceci permet de comprendre pourquoi nos Sages, au traité Sotta 10a, hésitèrent à détourner de son sens simple le verset : “ Et, il planta un arbre à Béer Sheva et il invoqua là-bas le Nom de l’Eternel, D.ieu du monde ”. On peut s’interroger à ce sujet, en considérant le Zohar, tome 1, page 49a.

C) En fait, une déduction peut être faite de l’affirmation suivante du Rambam, à la même référence : “ Même s’il l’a fait pour des raisons esthétiques ”. En effet,
1. Sur quelle base peut-on introduire une telle distinction ? Le Or Saméa’h cite la Me’hilta, qui dit : “ Je ferais pour Lui un beau Sanctuaire ”. Peut-être entend-il, par ces mots, répondre à cette question, mais l’on peut se demander si c’est réellement le cas.
2. Si l’on peut justifier logiquement une telle distinction pourquoi ne pas la faire et dispenser de flagellation celui qui agit ainsi pour des raisons esthétiques ?

Il faut en conclure que la différence qu’il y a lieu de faire est, en réalité, la suivante. Une telle action(6), si elle est faite pour des raisons esthétiques, s’apparente à l’homme qui en est l’auteur et pour lequel elle a un but décoratif, au même titre que l’ornement de la Soukka, selon le traité Soukka 10a. Malgré cela, cet homme sera puni de flagellation.

En effet, la manière de pratiquer des idolâtres, en la matière, était de conférer à un tel arbre un rôle accessoire à celui de leur autel, afin que le peuple se réunisse en cet endroit.

Ce qui vient d’être dit permet de déduire un autre point des propos du Rambam :

D) Les mots “ afin que le peuple se rassemble là ” semblent inutiles, car qu’en déduire ?

En fait, d’après ce qui vient d’être dit, on peut en conclure qu’une telle manière de pratiquer est également interdite lorsqu’elle a des motivations esthétiques, lorsqu’elle est faite pour la beauté. Ce point ne sera pas développé ici.

E) La ‘Hassidout dit qu’un tel monument était tout d’abord apprécié et ne devint objet d’abomination qu’après le don de la Torah. Le Or Hatorah du Tséma’h Tsédek l’explique, au début de la Parchat Vayétsé, à la page 198a.

Notes

(1) Cette lettre est datée du 23 Kislev.
(2) Le destinataire de cette lettre est le Rav Alter Hilevitch. Voir, à son propos, la lettre n°453.
(3) “ Celui qui plante un arbre près de l’autel ou dans toute l’esplanade du Temple, que celui-ci soit fruitier ou non, est puni de flagellation, même s’il l’a fait pour des raisons esthétiques et pour la beauté du Temple, ainsi qu’il est dit : ‘Tu ne planteras aucun arbre pour l’idolâtrie près de l’autel de l’Eternel ton D.ieu ”. Telle était, en effet, la pratique des idolâtres, qui plantaient des arbres près de leur autel afin que le peuple se rassemble là. ”
(4) Faisant référence à l’idolâtrie.
(5) Ce qui est conçu dans un but positif devient négatif.
(6) Idolâtre.