Lettre n° 1970

Par la grâce de D.ieu,
1er jour de Roch ‘Hodech Tévet 5713,
Brooklyn,

Au Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav N. N.(1),

Je vous salue et vous bénis,

A) Globalement, j’ai déjà accusé réception de vos lettres. Néanmoins, je précise encore une fois que je les ai reçues en leur temps, y compris celles pour lesquelles vous m’interrogez, c’est-à-dire vos courriers du 22 Elloul, avec les listes(2), du 30 Tichri, du 9 Mar’hechvan, du Roch ‘Hodech Kislev, du 3 et du 13 Kislev, avec ce qui y était joint.

Les listes et les demandes de bénédiction ont été lues, en leur temps, près du tombeau de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera. Sans doute avez-vous également reçu mon télégramme, à propos de la distribution d’argent(3), à l’occasion de ‘Hanouka, comme l’an dernier.

B) J’ai été satisfait de la lettre détaillée que vous m’avez écrite à propos des élèves, de leurs études et de leur crainte de D.ieu, de leur connaissance du Tanya et de la manière dont ils récitent des textes ‘hassidiques.

Il est inutile de préciser à quel point il est important que les élèves récitent de la ‘Hassidout en public, qu’ils choisissent des textes que leurs auditeurs puissent comprendre. Outre toutes les autres qualités, il y a également là un moyen de multiplier le nombre de ces auditeurs, car “ un ami possède, à son tour, un ami ”(4).

Sans doute serait-il bon que les élèves les plus âgés expliquent également l’avis de nos maîtres, afin que ces auditeurs puissent, à leur tour, en faire part, chez eux, à leurs enfants. C’est de cette manière que mon beau-père, le Rabbi définit l’intérêt de ses causeries.

C) Vous évoquez l’étude du Yoré Déa à la Yechiva(5). Votre lettre semble indiquer que cette étude est obligatoire pour tous les élèves qui accèdent à la grande classe. Ceux-là étudient essentiellement le Yoré Déa, comme le dit votre courrier et seulement deux heures(6) de Guemara, avec ses commentaires..

Une telle organisation des études est sans doute bonne si tous les élèves se destinent au rabbinat et possèdent d’ores et déjà de bonnes connaissances de la Guemara. En revanche, si l’une de ces conditions n’est pas remplie, il semble préférable d’augmenter le nombre des heures consacrées à la Guemara. Néanmoins, on pourra choisir les traités talmudiques dont le contenu est concrètement applicable.

Pour autant, il est clair qu’ils doivent connaître également les traités que l’on étudie dans les autres Yechivot.

D) Dans la liste portant sur l’étude du Tanya, vous m’écrivez que certains élèves le connaissaient, mais l’ont oublié. Il faut s’efforcer de trouver les mots qui sauront les convaincre de trouver le moyen de s’en rappeler.

Certes, cela est plus difficile pour ce qui est ancien que pour ce qui est nouveau. Néanmoins, différents textes précisent à quel point il est grave d’oublier ce que l’on a appris, même si la Michna traitant de ce sujet(7) ne s’applique pas à leur cas. En effet, leur situation est sans doute celle qui est décrite par les lois de l’étude de la Torah, de l’Admour Hazaken, au chapitre 2, à partir du paragraphe 7(8).

E) A l’avenir, il serait bon de préciser, dans les listes d’élèves récitant de la ‘Hassidout par cœur, de quels textes ou parties de texte il s’agit.

Comme je l’ai dit, il me semble important de choisir des discours ‘hassidiques pouvant être compris par ceux qui les écoutent.

F) Vous me décrivez également de quelle manière se déroulent les examens. Il serait bon, pour les faire passer, d’obtenir la participation, au moins une ou deux fois par an, de personnalités extérieures, en dehors des enseignants ou du recteur de la Yechiva.

Il peut s’agit d’un Rav de la ville ou de l’un des réfugiés. Bien évidemment, il ne doit en résulter aucun problème et vous prendrez donc conseil, à ce sujet, auprès du grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu et se consacre aux besoins communautaires, le Rav B. E. Gorodetski(9).

Ceci permettra de faire connaître la Yechiva et sera aussi un moyen de récolter des fonds. La renommée(10) se répandra également dans les autres pays.

G) Vous m’interrogez sur la manière d’enseigner la ‘Hassidout à la classe qui a déjà acquis son autonomie dans l’étude. Il est difficile d’émettre un avis tranché, sur ce point, quand on se trouve à distance.

Il appartient à la direction de la Yechiva, sur place, de prendre cette décision, en fonction des aptitudes de la majeure partie des élèves de cette classe, après avoir évalué quel effet aurait sur eux la répartition des études entre la partie révélée de la Torah et la ‘Hassidout, en fonction des différentes combinaisons qui peuvent être envisagées.

Puisse D.ieu faire que votre décision soit fructueuse.

H) Vous m’interrogez également sur le fait de réciter des textes de ‘Hassidout par cœur. Vous ne précisez pas pour quelle raison un relâchement est constaté, en la matière. Est-ce de la paresse, parce qu’il est plus simple qu’il en soit ainsi ? Vous savez à quel point la paresse est dommageable, surtout lorsqu’elle porte sur la ‘Hassidout.

En revanche, si l’étude par cœur empiète celle qui est menée sur texte, il est clair qu’en la matière, chacun est différent. Pour certains, il n’y a là qu’un prétexte. Pour d’autres, l’affaiblissement de la crainte de D.ieu peut être la cause.

En conséquence, il faut s’adresser à chacun en fonction de sa motivation.

I) Vous me posez une question sur l’étude du Choul’han Arou’h Yoré Déa à laquelle j’ai globalement répondu auparavant. J’ajoute que, pour avoir l’ordination rabbinique, il faut aussi connaître certains passages de la Guemara, de même que différentes notions, au moins superficiellement.

Pour ce qui est de l’étude proprement dite du Yoré Déa, vous savez que, globalement, les élèves consacrent maintenant moins de temps à l’étude de la Torah qu’auparavant. En conséquence, ils n’ont pas la possibilité d’apprendre avec autant de soin le Peri Megadim(11).

J) Concernant les élèves venus du Maroc, vous savez ce que nos Sages disent d’un enfant et leur enseignement s’applique également à celui qui est un enfant par le niveau de ses connaissances en Torah, de façon générale et en ‘Hassidout, plus particulièrement : “ Il faut le repousser de la main gauche(12) et le rapprocher de la droite(13) ”. Bien plus, pour eux particulièrement, il faut renforcer la main droite, qui rapproche et affaiblir la gauche, qui éloigne.

En effet, leur présence permettra d’attirer d’autres élèves, dans cette Yechiva et dans les autres. Or, dans de tels endroits et à pareille époque, il s’agit, à proprement parler, d’une action de sauvetage, compte tenu de l’obscurité du monde. On apporte là le luminaire de la Torah, qui en est la dimension profonde, tout en restant accessible à l’intellect humain. Et, “ le corps suit la tête ”(14).

En conséquence, il faut adopter, au moins dans un premier temps, une position conciliante pour ce qui concerne l’étude de la partie révélée de la Torah et la ‘Hassidout. Vous devez les encourager pendant les réunions ‘hassidiques, bien sûr avec des propos formulés en termes généraux et sans s’adresser à quelques uns en particulier, leur expliquer l’importance de la ‘Hassidout, partie profonde de la Torah, qui en est l’âme. Celle-ci vivifie la partie révélée de la Torah, qui en est le corps.

Il est à peu près certain que ces élèves du Maroc correspondent avec des amis se trouvant dans d’autres endroits et ceux-ci, à distance, seront influencés par leur satisfaction.

K) Concernant les élèves du Maroc, vous savez à quel point ceux-ci sont émerveillés par les récits des Justes, l’effet que ces contes exercent sur eux.

C’est de cette façon que vous pourrez les influencer également dans d’autres domaines.

L) J’ai déjà écrit et je répète encore qu’un retard d’une de mes réponses n’est, en général, à imputer qu’à mes nombreuses activités. Et, la Torah affirme que l’on doit suivre la majorité(15).

En conséquence, il faut écarter toutes les autres explications, en l’absence d’une indication contraire de ma part.

Notes

(1) Le Rav Nissan Nemanov, directeur de la Yechiva Loubavitch de Brunoy. Voir, à son sujet, la lettre n°1944.
(2) Vraisemblablement des élèves de la Yechiva.
(3) Aux élèves de la Yechiva.
(4) L’information circule de la sorte.
(5) Pour les élèves préparant l’ordination rabbinique.
(6) Par jour.
(7) Qui parle d’un oubli volontaire.
(8) Celle d’une personne fatiguée ou dont les moyens intellectuels sont limités.
(9) Le Rav Binyamin Elyahou Gorodetski, directeur du bureau d’aide aux réfugiés, à Paris.
(10) De la Yechiva.
(11) Qui commente le Yoré Déa.
(12) Faiblement.
(13) Avec force.
(14) Et adopte la pratique qu’il a bien comprise.
(15) Et, donc considérer que c’est systématiquement le cas.