Lettre n° 1981

Par la grâce de D.ieu,
18 Tévet 5713,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre expresse de ce dimanche, dans laquelle vous évoquez la situation de la Yechiva de votre ville. Vous vous en plaignez et vous sollicitez mon conseil.

Je vous ai déjà clairement exprimé ma position à propos de la Yechiva que vous dirigez et, en particulier, de votre mission au sein de cette institution. Néanmoins, je la répéterai encore une fois, au moins brièvement, afin que mon opinion soit bien claire. J’écrirai en Yiddish, car vous souhaitez peut-être lire ma lettre à quelqu’un.

Une notion préalable doit être introduite, avant tout ce que je développerai par la suite. Comme vous le savez, le Baal Chem Tov souligne que l’on doit servir D.ieu joyeusement. Vous connaissez également la décision du Rambam, dans ses lois des opinions, celle du Tour Choul’han Arou’h Ora’h ‘Haïm, au chapitre 231 et de différents textes de la ‘Hassidout, selon lesquels le service de D.ieu doit être conforme au principe : “ En toutes tes voies, connais-Le ”. Il doit en être ainsi dans chaque acte du quotidien.

Les différents points constituant ma position sont les suivants :

A) Le temps est enfin venu de comprendre la chose suivante et vous même l’avez sans doute déjà perçu puisque vous pouvez constater de vos yeux de chair qu’il en est bien ainsi. On ne confie pas la direction de la Yechiva à une certaine personne pour l’accabler ou bien par soucis de l’envoyer dans un coin reculé. En fait, telle est la mission qui lui est dévolue ici-bas et donc le canal par lequel D.ieu a accordé, accorde et accordera Sa bénédiction, satisfaisant tous les besoins pour lui-même et pour tous les membres de sa famille, matériellement et spirituellement.

Il est sans doute inutile d’en dire plus car la moindre réflexion aux miracles évidents qui se sont passés pendant ces deux dernières années, en ce qui vous concerne personnellement comme dans vos occupations communautaires, permet de le comprendre et d’observer qu’il en est bien ainsi.

B) Puisque telle est la mission qui vous a été confiée et que vous appartenez à la communauté des ‘Hassidim Loubavitch, servant D.ieu joyeusement, il est absolument certain que, si vous refusez de sombrer dans la mélancolie et de noircir la situation, vous parviendrez à tout accomplir avec allégresse.

Cela n’exclut pas que certains accomplissements puissent parfois nécessiter un grand effort. De fait, nos Sages disent : “ Celui qui te dit ne pas avoir fait d’effort et avoir néanmoins connu le succès, ne le crois pas ”. Pour autant, l’effort et la joie ne sont pas contradictoires. Bien au contraire, de façon générale, et c’est bien ainsi que cela doit être, ce qui est obtenu au prix de l’effort procure plus de plaisir et de joie que ce qui est donné en cadeau et n’est que “ le pain de la honte ”.

C) Cette institution se développe et souhaite le faire encore, comme tout ce qui est vivant. En conséquence, elle a pu, au début et compte tenu de l’urgence, fonctionner grâce à une seule personne qui en endossait la pleine responsabilité, sans qu’il n’en résulte quoi que ce soit de négatif pour cette institution comme pour cette personne. Mais, il est bien clair qu’il ne peut en être ainsi qu’au début. Et, de fait, je ne suis même pas sûr que ce soit le cas.

En effet, l’institution continue à se développer et il n’est donc sûrement pas bon qu’une telle situation perdure, ni pour son développement ni pour l’homme qui continue à en porter la responsabilité.

D) Il est clair que quiconque assume un travail admet difficilement que celui-ci ne serait pas moins bien réalisé, s’il avait été confié à quelqu’un d’autre. Telle est précisément l’origine de la faute de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Chaque être possède une profonde conscience de lui-même.

Dans la pratique, il est vrai que cela se passe souvent ainsi, jusqu’à ce que le nouveau responsable s’habitue à ce travail. On constate alors des imperfections et, parfois, cela peut même durer un certain temps. Néanmoins, il faut se souvenir qu’il est judicieux de perdre quelques cents pour éviter la perte d’un dollar. Or, il n’y a, entre quelques cents et un dollar, qu’une différence quantitative.

Combien plus est-il justifié de perdre un petit acquis, que sa petitesse soit quantitative ou qualitative, plutôt que de perdre un élément essentiel, quantitativement ou qualitativement.

E) Voici ce qui découle de tout ce qui vient d’être dit. Il est absolument indispensable que vous consacriez tout votre temps aux relations publiques et assuriez la direction globale de la Yechiva, y compris pour ses décisions internes. A l’opposé, la fixation du programme, le recrutement des enseignants et des enseignantes, l’interrogation des élèves doivent être faits par d’autres.

Vous pouvez trouver, dans l’équipe enseignante de la Yechiva, quelqu’un qui assume ces fonctions, au moins de manière temporaire. S’il est impossible de confier ces fonctions à une seule personne, vous les répartirez entre plusieurs. Mais, en tout état de cause, vous ne devez pas vous y consacrer vous-même, ni, bien sûr, assurer personnellement l’enseignement d’une classe.

F) J’espère que vous ne serez pas heurté par ma proposition. De fait, même si c’était le cas, mon beau-père, le Rabbi, a rapporté une affirmation de son oncle, le Razah, selon laquelle, lorsque l’on s’emporte, on doit se mettre en attente pendant au moins soixante et une minutes. C’est uniquement à l’issue de ce délai que l’on peut retrouver une analyse objective de la situation.

Vous ne devez pas penser, même si, dans une certaine mesure, c’est bien le cas, que telle personne ne réussira pas, que telle autre est incapable de diriger une classe. Comme je l’ai dit, il faut savoir faire abstraction de ce qui est de moindre importance afin de préserver ce qui est fondamental.

Avec ma bénédiction pour que vous connaissiez réellement le calme et la largesse de l’esprit, qui vous apporteront la réussite dans vos préoccupations personnelles et communautaires, dans l’attente de vos bonnes nouvelles,