Lettre n° 2054
Par la grâce de D.ieu,
15 Adar 5713,
Brooklyn,
Au Rav, grand érudit, homme qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav Its’hak(1),
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre du 9 Adar, dans laquelle vous m’interrogez sur les Biyoureï Ha Zohar, Parchat Vaye’hi, page 30a. Vous me demandez de quelle manière la Sefira du Fondement, Yessod, peut exercer son influence sans passer par le canal de celle de la Royauté, Mal’hout.
Vous avez raison de dire que toutes les influences parvenant aux mondes passent par la Sefira de Mal’hout. Néanmoins, certaines s’en imprègnent alors que d’autres ne font que la traverser. Dans le premier cas, on retient effectivement le nom du niveau dont l’influence s’est imprégnée.
Le Tanya explique tout cela dans le Kountrass A’haron, à la page 158a, de même que le discours ‘hassidique intitulé “ Mon alliance, jour et nuit ”, dans la séquence de 5666(2) que vous possédez, me semble-t-il et de nombreux autres textes de ‘Hassidout.
Je vous remercie pour votre remarque concernant l’explication du Biyoureï Ha Zohar(3) sur la différence entre la méditation et la pensée, basée sur les commentaires du Rachba au traité Bera’hot, page 15, selon lesquels : “ la méditation n’est pas liée à une langue particulière ”. Elle consiste donc à réfléchir à une idée sans avoir recours à des mots.
Or, on peut s’interroger. D’où le Talmud déduit-il que l’on peut, même dans ce cas, assimiler la méditation à la parole, auquel cas il faudrait déduire deux principes du terme “ écoute ”(4), la nécessité de le lire suffisamment fort pour que l’on entende les mots que l’on prononce et la possibilité de le faire dans toutes les langues?
Peut-être est-il possible d’avancer, mais cette explication est difficile à accepter, que, selon le Rachba, on ne prend pas en compte la sainteté et l’élévation de la langue. Une telle interprétation serait conforme à ce que dit le Biyoureï Ha Zohar.
Je viens de trouver dans le Tsyoun Le Néfech ‘Haya, à la page 15d, que “ l’on consultera les commentaires du Rachba selon lequel, si l’intention du cœur suffit, on doit pouvoir s’acquitter de son obligation en toute langue. En effet, cette intention est essentielle ”. J’en ai été satisfait.
Avec mes respects et ma bénédiction,
Notes :
A) Les propos du Biyoureï Ha Zohar sont basés sur le Likouteï Torah du Ari Zal Béréchit, au paragraphe “ pourquoi la Torah commence-t-elle ”, selon lequel la pensée, la réflexion, la parole et l’action correspondent aux quatre mondes, Atsilout, Brya, Yetsira et Assya.
Vous savez que le monde de Brya(5) est ainsi appelé parce qu’il introduit la création à partir du néant, comme le dit le Ramban, au début de son commentaire de la Torah. C’est en ce monde qu’apparaissent les réceptacles(6). Or, différents textes les identifient aux mots.
On peut s’interroger, si l’on considère le Zohar, tome 3, page 229b, selon lequel la réflexion et la pensée correspondent aux forces de la découverte intellectuelle, ‘Ho’hma, et de l’analyse raisonnée, Bina. Or, ceci va à l’encontre de ce qui vient d’être dit. Et, l’on trouve la même affirmation dans le Pardès, partie Ar’heï Hakinouyim, à l’article “ pensée ”. Pour autant, je n’ai vu aucun commentateur soulever cette objection.
Il semble que l’on puisse distinguer une réflexion qui transcende la pensée et une autre, qui lui est inférieure. De façon générale, la réflexion est légère et même insignifiante. Si elle est inférieure à la pensée, elle est donc fine par rapport à la parole. Si elle la dépasse, elle possède ce même caractère par rapport à la pensée.
On peut lier tout cela à ce qui va être expliqué maintenant.
B) Dans différents textes, la réflexion est mise en opposition avec la pensée. Dans d’autres, en revanche, il est bien clair qu’elle intègre cette pensée, y compris la plus abstraite. C’est souvent le cas, en particulier, pour des termes synonymes qu’une nuance permet de distinguer, surtout lorsqu’ils apparaissent dans le même texte. Il est alors fréquent, lorsque l’on rencontre le premier terme, d’en trouver également un second et un troisième.
Prenons pour exemple l’affirmation de nos Sages selon laquelle “ la réflexion à la faute est plus grave que la faute ”. Il en est ainsi également lorsqu’il s’agit de la pensée la plus fine, qui ne s’exprime pas encore par les mots ou même d’une forme encore plus abstraite.
C’est ce qu’explique le Be’hayé, dans son commentaire de la Torah, à la Parchat Nitsavim 29, 18, au paragraphe “ et si l’on s’interroge ”. Vous consulterez également le Guide des égarés, chapitre 2, selon la référence qu’indique le Be’hayé et qui correspond vraisemblablement au chapitre 8 de la troisième partie.
De même, le Tanya, au chapitre 12, dit : “ Dès qu’elle surgit…(7) ”.
C) Cette distinction entre la réflexion et la pensée permettent d’expliquer le traité Kritout 19b, faisant une différence entre l’intention et la pensée.
Car, de fait, si quelqu’un se trouve en situation d’oubli au moment où il agit, à quoi bon s’interroger sur la pensée qu’il avait auparavant ? Il faut en conclure que cette intention subsiste, pendant l’action, même si elle prend une autre forme.
On peut l’expliquer en fonction de ce qui vient d’être dit. En effet, il s’agit de réflexion dans un cas et de pensée dans l’autre(8). La pensée est ici le contenant dont il est question dans le traité Be’horot 41a. On n’en dira pas plus dans cette lettre.
Je vous joins le fascicule dont j’ai conseillé l’étude pendant ce Pourim.
Notes
(1) Le Rav I. Hutner. Voir, à son propos, la lettre n°1868.
(2) 1906, du Rabbi Rachab.
(3) Page 1d. Voir, à ce sujet, la lettre n°2077.
(4) Le premier mot du Chema Israël.
(5) Qui signifie création.
(6) De la Lumière divine constituant les Sefirot.
(7) Dès que la mauvaise pensée surgit, l’homme parvenu à la perfection du service de D.ieu parvient aussitôt à la repousser.
(8) Avant et pendant l’action.
15 Adar 5713,
Brooklyn,
Au Rav, grand érudit, homme qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav Its’hak(1),
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre du 9 Adar, dans laquelle vous m’interrogez sur les Biyoureï Ha Zohar, Parchat Vaye’hi, page 30a. Vous me demandez de quelle manière la Sefira du Fondement, Yessod, peut exercer son influence sans passer par le canal de celle de la Royauté, Mal’hout.
Vous avez raison de dire que toutes les influences parvenant aux mondes passent par la Sefira de Mal’hout. Néanmoins, certaines s’en imprègnent alors que d’autres ne font que la traverser. Dans le premier cas, on retient effectivement le nom du niveau dont l’influence s’est imprégnée.
Le Tanya explique tout cela dans le Kountrass A’haron, à la page 158a, de même que le discours ‘hassidique intitulé “ Mon alliance, jour et nuit ”, dans la séquence de 5666(2) que vous possédez, me semble-t-il et de nombreux autres textes de ‘Hassidout.
Je vous remercie pour votre remarque concernant l’explication du Biyoureï Ha Zohar(3) sur la différence entre la méditation et la pensée, basée sur les commentaires du Rachba au traité Bera’hot, page 15, selon lesquels : “ la méditation n’est pas liée à une langue particulière ”. Elle consiste donc à réfléchir à une idée sans avoir recours à des mots.
Or, on peut s’interroger. D’où le Talmud déduit-il que l’on peut, même dans ce cas, assimiler la méditation à la parole, auquel cas il faudrait déduire deux principes du terme “ écoute ”(4), la nécessité de le lire suffisamment fort pour que l’on entende les mots que l’on prononce et la possibilité de le faire dans toutes les langues?
Peut-être est-il possible d’avancer, mais cette explication est difficile à accepter, que, selon le Rachba, on ne prend pas en compte la sainteté et l’élévation de la langue. Une telle interprétation serait conforme à ce que dit le Biyoureï Ha Zohar.
Je viens de trouver dans le Tsyoun Le Néfech ‘Haya, à la page 15d, que “ l’on consultera les commentaires du Rachba selon lequel, si l’intention du cœur suffit, on doit pouvoir s’acquitter de son obligation en toute langue. En effet, cette intention est essentielle ”. J’en ai été satisfait.
Avec mes respects et ma bénédiction,
Notes :
A) Les propos du Biyoureï Ha Zohar sont basés sur le Likouteï Torah du Ari Zal Béréchit, au paragraphe “ pourquoi la Torah commence-t-elle ”, selon lequel la pensée, la réflexion, la parole et l’action correspondent aux quatre mondes, Atsilout, Brya, Yetsira et Assya.
Vous savez que le monde de Brya(5) est ainsi appelé parce qu’il introduit la création à partir du néant, comme le dit le Ramban, au début de son commentaire de la Torah. C’est en ce monde qu’apparaissent les réceptacles(6). Or, différents textes les identifient aux mots.
On peut s’interroger, si l’on considère le Zohar, tome 3, page 229b, selon lequel la réflexion et la pensée correspondent aux forces de la découverte intellectuelle, ‘Ho’hma, et de l’analyse raisonnée, Bina. Or, ceci va à l’encontre de ce qui vient d’être dit. Et, l’on trouve la même affirmation dans le Pardès, partie Ar’heï Hakinouyim, à l’article “ pensée ”. Pour autant, je n’ai vu aucun commentateur soulever cette objection.
Il semble que l’on puisse distinguer une réflexion qui transcende la pensée et une autre, qui lui est inférieure. De façon générale, la réflexion est légère et même insignifiante. Si elle est inférieure à la pensée, elle est donc fine par rapport à la parole. Si elle la dépasse, elle possède ce même caractère par rapport à la pensée.
On peut lier tout cela à ce qui va être expliqué maintenant.
B) Dans différents textes, la réflexion est mise en opposition avec la pensée. Dans d’autres, en revanche, il est bien clair qu’elle intègre cette pensée, y compris la plus abstraite. C’est souvent le cas, en particulier, pour des termes synonymes qu’une nuance permet de distinguer, surtout lorsqu’ils apparaissent dans le même texte. Il est alors fréquent, lorsque l’on rencontre le premier terme, d’en trouver également un second et un troisième.
Prenons pour exemple l’affirmation de nos Sages selon laquelle “ la réflexion à la faute est plus grave que la faute ”. Il en est ainsi également lorsqu’il s’agit de la pensée la plus fine, qui ne s’exprime pas encore par les mots ou même d’une forme encore plus abstraite.
C’est ce qu’explique le Be’hayé, dans son commentaire de la Torah, à la Parchat Nitsavim 29, 18, au paragraphe “ et si l’on s’interroge ”. Vous consulterez également le Guide des égarés, chapitre 2, selon la référence qu’indique le Be’hayé et qui correspond vraisemblablement au chapitre 8 de la troisième partie.
De même, le Tanya, au chapitre 12, dit : “ Dès qu’elle surgit…(7) ”.
C) Cette distinction entre la réflexion et la pensée permettent d’expliquer le traité Kritout 19b, faisant une différence entre l’intention et la pensée.
Car, de fait, si quelqu’un se trouve en situation d’oubli au moment où il agit, à quoi bon s’interroger sur la pensée qu’il avait auparavant ? Il faut en conclure que cette intention subsiste, pendant l’action, même si elle prend une autre forme.
On peut l’expliquer en fonction de ce qui vient d’être dit. En effet, il s’agit de réflexion dans un cas et de pensée dans l’autre(8). La pensée est ici le contenant dont il est question dans le traité Be’horot 41a. On n’en dira pas plus dans cette lettre.
Je vous joins le fascicule dont j’ai conseillé l’étude pendant ce Pourim.
Notes
(1) Le Rav I. Hutner. Voir, à son propos, la lettre n°1868.
(2) 1906, du Rabbi Rachab.
(3) Page 1d. Voir, à ce sujet, la lettre n°2077.
(4) Le premier mot du Chema Israël.
(5) Qui signifie création.
(6) De la Lumière divine constituant les Sefirot.
(7) Dès que la mauvaise pensée surgit, l’homme parvenu à la perfection du service de D.ieu parvient aussitôt à la repousser.
(8) Avant et pendant l’action.