Lettre n° 2150

Par la grâce de D.ieu,
28 Sivan 5713,
Brooklyn, New York,

Au Rav, grand érudit, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre fidèlement aux besoins communautaires,
homme enthousiaste, aux multiples accomplissements
positifs, aux comportements généreux,
le Rav Ben Tsion Meïr ‘Haï Ouzyel(1), Richon Letsion
et grand Rabbin(2),

Puissiez-vous connaître une grande paix,

J’ai reçu avec plaisir votre lettre et les deux textes qui y étaient joints. J’ait attendu, d’un jour à l’autre, votre livre Hégyoneï Ouzyel, tome 1, que vous annonciez dans votre lettre. C’est la raison pour laquelle ma réponse a été retardée jusqu’à maintenant. Vous voudrez bien m’en excuser et ne pas m’en tenir rigueur.

Je vous remercie beaucoup pour ce cadeau et surtout pour ce livre, dont le contenu est digne de son auteur. Néanmoins, nos Sages rapportent, au traité Baba Metsya 84a, que “ il m’a posé vingt quatre questions et je lui ai donné vingt quatre réponses. De la sorte, notre étude s’est développée ”. En conséquence, je me permets une remarque, d’ordre général, concernant votre livre.

Une notion préalable sera introduite, basée sur l’affirmation de nos Sages selon laquelle “ chaque enseignement développé par un érudit a d’ores et déjà été donné sur le mont Sinaï ”. L’Admour Hazaken, auteur du Tanya, le cite dans son Kountrass A’haron, page 159b. Le Sifteï Cohen, dans son commentaire de la Torah, le Torat Ha Ola, tome 2, chapitre 55 et le Maté Menaché, deuxième porte, d’après le Midrach Vaykra Rabba, chapitre 22, en font de même.

Je fais allusion à l’enseignement profond de la Torah, à la ‘Hassidout. En effet, tant qu’un érudit n’a pas délivré son enseignement, chacun peut rechercher sa propre explication. Car, on ne peut savoir qui sera l’érudit appelé à donner celle qui fut prononcée sur le mont Sinaï.

En revanche, après que l’érudit ait révélé une telle explication, qu’elle ait été diffusée et acceptée par de nombreux Juifs, bien plus, que la réalité concrète ait fait la preuve de son exactitude, il n’est plus possible de dire : “ Nous ne voulons pas nous préoccuper de ce qui est caché ”. Chacun doit prendre en compte l’idée introduite par cet érudit et agir en conséquence.

Les idées dont vous traitez dans votre livre sont des notions fondamentales de notre foi, qui sont liées à la partie cachée et profonde de la Torah. Avant que cet enseignement ésotérique ne devienne la propriété naturelle de tout érudit de la Torah, il était suffisant d’analyser et de traiter ces sujets d’un point de vue philosophique, par exemple.

Selon les termes de l’Admour Hazaken, auteur du Tanya et du Choul’han Arou’h, au chapitre 26 d’Igueret Hakodech, le Zohar et l’ensemble de la Kabbala “ restaient cachés, à leur époque et n’étaient pas révélés aux érudits de la Torah, si ce n’est à une élite, qui s’y consacrait discrètement et n’en faisait pas état publiquement ”.

Il n’en est pas de même, à l’époque actuelle. En ces dernières générations, le Ari Zal a indiqué qu’il est permis, qu’il est même une Mitsva de révéler cette sagesse. En conséquence, conformément à l’affirmation du Sdeï ‘Hémed, Décisionnaires, chapitre 16, paragraphe 8, il ne convient pas de mener une analyse précise de telles notions sans citer les explications et les conclusions que donnent, à leur propos, l’enseignement ésotérique de la Torah, la Kabbala et la ‘Hassidout.

D’après ce qui vient d’être dit, on peut comprendre aisément que Rabbi Saadya Gaon, le Rambam ou l’auteur des Ikarim, figurant parmi les grands philosophes juifs, fidèles à D.ieu et à Sa Torah, aient commenté ces notions sans faire référence à la Kabbala, bien que, selon différents avis, celle-ci leur était connue. En effet, comme nous l’avons dit, l’érudit chargé d’expliquer et de diffuser l’enseignement ésotérique de la Torah n’était pas encore venu.

A n’en pas douter, vous connaissez les livres de Kabbala et de ‘Hassidout traitant de ces questions. Depuis toujours, les érudits et les autorités rabbiniques des Sefardim ont affectionné l’enseignement caché de la Torah. Or, à l’heure actuelle, comme l’a dit le Ari Zal, il n’y a plus lieu de le cacher et, bien plus, il est une Mitsva de le révéler(3).

J’espère que vous ne m’en voudrez pas pour cette remarque et que vous me jugerez avec bienveillance, d’autant que le Baal Chem Tov rapporte, dans l’une de ses lettres, une réponse que lui fit le Machia’h, selon laquelle sa venue dépendait de la diffusion à l’extérieur des sources de la partie ésotérique de la Torah et de la ‘Hassidout. Et vous savez également ce que signifie l’expression “ à l’extérieur ”.

Avec mes respects, ma déférence et ma bénédiction,

Pour faire suite à ce qui vient d’être dit, il vous a été envoyé, par colis séparé, le Taameï Hamitsvot(4) du Tséma’h Tsédek, qui commente plusieurs notions dont vous traitez dans votre livre, comme en atteste son index.

Je formulerai une autre remarque, de moindre importance mais grave, néanmoins, du fait de ceux qui, au sein de notre peuple, s’écartent du droit chemin. J’ai vu que vous citiez, dans votre lettre, les ouvrages suivants : le Guide des égarés de notre période et le livre de l’époque. Certes, il y a du bien dans tout ce qui se trouve en ce bas-monde. Pour autant, tous ne sont pas capables d’en rejeter le mal pour mettre en évidence ce bien et ne conserver que lui, afin de l’adopter.

Dès lors que vous citez ces livres dans votre lettre, bien que vous les contestiez par ailleurs, vous semblez leur donner votre accord, pour de nombreux lecteurs. Ceux-là considéreront qu’ils doivent aussi posséder ces livres, chez eux. Or, ceux qui habitaient en Russie et en Pologne, en particulier, connaissent le mal qu’ont fait ces ouvrages et que D.ieu nous en protège !

Notes

(1) Voir à son propos la lettre n°1030.
(2) Séfarade d’Israël.
(3) Voir, à ce sujet, les lettres n°2136 et 2230.
(4) Il s’agit du Dére’h Mitsvoté’ha.