Lettre n° 2216

Par la grâce de D.ieu,
1er jour de Roch ‘Hodech Elloul 5713,
Brooklyn,

Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
se consacre aux besoins communautaires,
multiplie les réalisations positives,
le Rav Yochoua(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai lu avec effroi la lettre dans laquelle vous décrivez le malheur qui vous a frappé, avec la perte de votre épouse. Puisse D.ieu faire que vous ne connaissiez plus, désormais, la peine et le chagrin.

Peut-être avez vous déjà entendu le récit suivant(2), transmis par les plus anciens parmi les ‘Hassidim ‘Habad. Lorsque le Tséma’h Tsédek perdit son épouse, la Rabbanit, il en fut très découragé et mentionna de nombreuses fois, dans ses propos, l’affirmation du Zohar (tome 3, page 5a), selon laquelle “ un roi qui n’a pas de reine n’est pas un roi ”.

Son fils, le Rabbi Maharil(3) vint lui rendre visite et lui demanda:
“ Père, ne nous as-tu pas enseigné, d’après le traité Kiddouchin 30b, que le verset “ conçois ta vie avec la femme que tu aimes ” fait allusion à la Torah? ”.
Son père, le Tséma’h Tsédek, lui dit alors:
“ Mon fils, tu m’as fait revivre ”.

Les ‘Hassidim ont coutume de dire que ce récit soulève une difficulté. En effet, il s’agit là d’un célèbre enseignement de nos Sages, qui était sûrement bien connu du Tséma’h Tsédek. Dès lors que lui apporta son fils, le Rabbi Maharil?

L’explication est, en fait, la suivante. Il faut parfois faire descendre une notion du monde de l’idée et de la pensée jusqu’à celui de la parole et de l’action, dans lequel se trouve le corps, dont la valeur peut ainsi être établie. Dès lors, on prend conscience du manque que constitue une déficience de la vitalité. Et, c’est seulement dans ce monde matériel que ce manque peut être comblé.

En pareil cas, il faut prononcer une parole, qui est une petite action(4) et conduit même à l’action, au sens propre du terme. Nos Sages constatent que “ le prisonnier ne se libère pas lui-même ” et l’initiative doit donc venir de quelqu’un d’autre. Néanmoins il doit s’agir d’un proche, qui saura prononcer une parole ferme, exerçant son effet ici-bas, conduisant à l’action et, jusqu’à un certain point, comblant le manque.

Tel est donc le sens de ce dialogue entre un fils et un père. Ce dernier était un Décisionnaire. Il trancha donc, reprenant les termes de la Guemara, que la femme, dans ce verset, désignait la Torah. Or, celle-ci régit la nature et l’existence, y compris de manière rétroactive, comme l’indique le Yerouchalmi Ketouvot, chapitre 1, paragraphe 2. Ainsi, le manque disparaît.

Puisse D.ieu faire que vous combliez le manque, au moins partiellement, en redoublant d’ardeur dans l’étude de la Torah et, en particulier, de la ‘Hassidout, en multipliant les réalisations positives pour la Torah, pour la grandir, la parer et l’imprégner de crainte de D.ieu.

J’ai lu la feuille que vous avez jointe à votre lettre, près du saint tombeau de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera et qui est le Juste, fondement du monde.

Avec ma bénédiction pour que vous soyez inscrit et scellé pour une bonne année,

Notes

(1) Le Rav Y. Sheftman. Voir, à son sujet, la lettre n°1872.
(2) Voir, à ce propos, la lettre n°1463.
(3) Rabbi Yehouda Leïb, son second fils, qui devint le Rabbi de Kapoust.
(4) Celle de bouger les lèvres.