Lettre n° 2825

Par la grâce de D.ieu,
21 Tamouz 5714,
Brooklyn,

Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et possède de multiples connaissances,
le Rav Yaakov Hacohen(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre du 3 de ce mois. Vous voudrez bien m’excuser d’avoir retardé ma réponse jusqu’à maintenant, du fait de mes nombreuses activités, en particulier en ces jours qui ont précédé et suivi la fête de la libération de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera. Ce sont, en effet, des jours d’inspiration morale et de réunions ‘hassidiques, pour tous ceux qui suivent sa voie et multiplient les actions conformes à son enseignement, afin que nous le suivions pour l’éternité, selon l’expression de l’Admour Hazaken, au chapitre 27 d’Iguéret Hakodech.

Vous m’interrogez, dans votre lettre, sur un discours ‘hassidique de mon beau-père, le Rabbi, prononcé le premier jour de Roch Hachana 5703(2), selon lequel: “ Lorsque Roch Hachana est un Chabbat, il faut dire qu’il n’est pas nécessaire de sonner du Choffar et non que cette Injonction a été écartée ”.

Vous soulevez une objection à partir du traité Yebamot 90b et du commentaire que Rachi donne de ce texte, selon lequel “ les Sages ont supprimé la nécessité de sonner du Choffar, lorsque Roch Hachana est un Chabbat ”. Vous en déduisez que, sans cela, il serait également une Mitsva de le faire, en ce jour.

On peut s’interroger sur cette affirmation, car pourquoi aller chercher aussi loin(3) ? On retrouve, dans le même passage talmudique, l’idée par laquelle mon beau-père, le Rabbi, introduit son propos. Le traité Roch Hachana 29b dit que les Sages ont interdit de sonner du Choffar pendant le Chabbat. Mais, peut-être vous basez-vous sur la formulation du traité Roch Hachana, qui dit : “ La Torah le permet ”. En revanche, Rachi, au traité Yebamot, parle de “ Commandement positif ”. Néanmoins, Rachi lui-même n’emploie pas l’expression “ Commandement positif ” à propos du Chabbat et l’on peut donc en conclure que cela est permis(4), pendant le Chabbat.

Ce discours ‘hassidique est basé sur celui de l’Admour Hazaken, qui se trouve dans le Likouteï Torah, à la Parchat Devarim, page 56a et sur un autre, de son fils, l’Admour Haémtsahi, figurant dans le Sidour, à la “ porte des sonneries du Choffar ”, comme je l’indiquais dans les références que j’ai rédigées, sur ce discours de mon beau-père, le Rabbi.

Nos Sages soulignent que “ les paroles de la Torah sont...(5) et riches dans un autre ”. On peut donc comprendre le discours de mon beau-père, le Rabbi, d’après ces références. En l’occurrence, le Likouteï Torah dit, à la page 57b, que: “ Pendant le Chabbat, la révélation se fait d’elle-même et le Choffar est donc inutile. C’est pour cela que cette Injonction est alors repoussée ”. Le Sidour, “ porte des sonneries du Choffar ”, page 27d, est, à ce sujet, encore plus clair: “ la Torah ne supprime pas la Mitsva, du fait du Chabbat. Seuls les Sages le font ”.

Ainsi, il est établi, d’après ces textes, que la Mitsva de sonner du Choffar n’est pas supprimée pendant le Chabbat, qu’elle est seulement inutile, car, pendant ce jour, la révélation peut être obtenue sans y avoir recours. En conséquence, si ce n’était la décision des Sages, ou bien avant celle-ci, on sonnait effectivement du Choffar, durant le Chabbat. Puis, il y eut cette décision et l’on cessa de le faire.

Mais, il faut savoir que, d’après la partie révélée de la Torah, la seule décision de Rabba, de peur qu’on le porte(6), n’aurait pas suffi pour supprimer la sonnerie du Choffar pendant le Chabbat, comme l’expliquent les Tossafot, au traité Roch Hachana, à la même référence.

Vous consulterez, avec attention, ce que dit le Rambam, lois du Choffar, chapitre 2, paragraphe 6: “ Bien que la sonnerie(7)..., pourquoi n’est-elle pas faite(8)...? ”. Or, la longueur de cette formulation semble inutile. En fait, on peut la comprendre d’après les Tossafot et d’après ce que dit l’Admour Hazaken, dans son Choul’han Arou’h(9), au chapitre 588, paragraphe 4. Vous consulterez également le Ma’hatsit Ha Shekel et les références qu’il cite.

Je possède vos ouvrages sur les traités Roch Hachana et Makot(10). Si vous me faisiez l’honneur de m’offrir vos autres publications, je vous en saurais gré. Bien évidemment, vous pourrez recevoir en échange ce qui est paru aux éditions Kehot, dont le catalogue vous a déjà été adressé.

Avec mes respects et ma bénédiction,

Puisque votre lettre m’est parvenue, et par marque d’affection, j’ai feuilleté votre livre sur le traité Roch Hachana. Je l’ai fait rapidement, en fonction du temps dont je dispose, qui ne me permet pas une étude fixe. De fait, nos Sages précisent, au traité Baba Metsya 84a qu’en posant des questions, on élargit le sujet traité. Je formulerai donc quelques remarques :

Page 1a : Vous demandez si un acte officiel, dont la date, rédigée en fonction du règne, ne fait pas référence à Nissan(11) est sans valeur, même a posteriori. Vous pouvez écarter ce doute en fonction de l’affirmation du Baal Ha Maor, selon lequel il est effectivement sans valeur.

Il ne fait pas de doute que ce document n’a pas de valeur en tant qu’acte officiel, comme l’indique le Talmud, à cette référence. Selon la Michna, en effet, une reconnaissance de dette antidatée n’est pas valable. Ceci permet d’écarter la preuve du Baal Ha Maor, qui parle uniquement du cas susvisé. Il contredit, en outre, le commentaire de Rachi et il explique ce que dit Rabbénou ‘Hananel, à la fin de la Michna, faisant allusion aux reconnaissances de dette, après avoir expliqué que ce principe s’applique aux actes officiels.

Le doute est, en l’occurrence, le suivant. Cet acte est-il complètement disqualifié, y compris en tant que preuve matérielle de la dette, par exemple? On peut répondre à cette question d’après le traité Baba Metsya 72a. En effet, les Tossafot affirment que ce document ne permettra nullement de recouvrer la dette, alors que, selon Rachi, on pourra le faire à partir des biens non hypothéqués.

Pour ne pas multiplier les controverses, on pourrait dire que, selon les Tossafot également, un tel acte n’est pas totalement annulé. Néanmoins, les reconnaissances de dettes sont un cas particulier, car il y a lieu de craindre que la dette soit encaissée à la première date. En revanche, on ne craint pas que l’acte n’ait pas été daté selon les prescriptions des Sages. C’est ce qu’indique une analyse rapide de ce texte, dans le traité Baba Metsya.

Paragraphe 108 : Vous dites que la lecture de la Torah a été instaurée par la Torah. C’est surprenant, car il s’agit d’une disposition des prophètes, comme le dit le traité Baba Kama 82a. Le Yerouchalmi et le Rambam désignent Moché, notre maître.

Il y a une exception, la Parchat Za’hor et peut-être la Parchat Para. Bien entendu, ce que dit le Maguen Avraham, à la fin du chapitre 685, n’a rien à voir avec tout cela.

Fin du tome 1, page 65d : Vous répondez à la question du Tiféret Israël de la manière suivante.

Selon les Sages qui s’opposent à Rabban Gamliel, au début du premier chapitre du traité Bera’hot, il est interdit de lire le Chema Israël durant la seconde partie de la nuit, si l’on n’a pas encore dit la prière d’Arvit. Ce serait alors comme si on lisait la Torah, ce qui est interdit avant la prière, comme le dit Rachi, commentant le traité Bera’hot 5b. Mais, les Tossafot ne sont pas du même avis. Et, vous verrez également le Likouteï Torah de l’Admour Hazaken, Parchat Bera’ha, page 96b.

Certes, il y aurait là une belle explication. Néanmoins, il est inconcevable qu’une telle manière d’étudier la Torah conduise l’homme à oublier de prier. En effet, ce texte(12) est partie intégrante de la prière, ce qui est encore plus fort que l’affirmation suivante du traité Bera’hot 31a : “ En étudiant la Hala’ha tranchée ”(13).

Une affirmation similaire figure dans le traité Pessa’him 11a. C’est la raison pour laquelle les Tossafot, au traité Bera’hot 5b, ne soulèvent pas d’objection sur ce que dit Rachi, au traité Bera’hot 31a, précédemment cité.

Responsa, paragraphe 1 : Concernant l’opération de la prostate,

A) J’ai toujours été surpris que l’on ne fasse pas obligation de consulter un Rav, avant de pratiquer cette intervention, qui est une forme de stérilisation, ou, en tout cas, qui risque fortement de l’être.

B) Le sperme est formé par les testicules, mais différents éléments qui le constituent proviennent de la prostate. Lorsque celle-ci est retirée, ces éléments manquent et, dès lors, d’après la Torah, on peut se demander si ce liquide est encore considéré comme du sperme.

C) Cette opération empêche ou gêne fortement l’éjaculation, mais non l’écoulement de sperme, si l’on veut bien le considérer comme tel.

En fonction de tous ces éléments, on peut répondre à la question posée(14) après vérification, auprès des médecins, du mode opératoire, de manière concrète, car, à ce stade également, des différences existent.

Responsa, paragraphe 22: Selon le Rambam, la consommation des prélèvements agricoles fait partie du service de D.ieu(15). Il le dit clairement, à la fin de ses lois des prélèvements agricoles. Vous consulterez, à cette même référence, le Yad Ethan.

Responsa, explications nouvelles, paragraphe 1: Vous consulterez le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, partie Ora’h ‘Haïm, chapitre 328, paragraphe 3, selon lequel le Chabbat est totalement suspendu, en pareil cas et il ne s’agit donc pas d’une transgression.

Au paragraphe 16, est donnée la raison du Rabad, bien que, selon l’Admour Hazaken, le Chabbat est repoussé, mais non annulé. Vous verrez qu’il associe cette explication à celle de Rabbénou Nissim. Ce point ne sera pas développé ici.

Responsa, explications nouvelles, paragraphe 7: La coutume juive veut que l’on ne se marie pas, pendant les dix jours de Techouva. Et, l’on ne peut soulever aucune objection à partir du traité Yoma, car celui-ci parle d’un cas où l’on ne peut pas faire autrement.

Différents avis considèrent que l’on peut retarder une Mitsva pour mieux l’accomplir, le Teroumat Hadechen, le Maharil, le ‘Ha’ham Tsvi, le Tour et Choul’han Arou’h, le Ramah, le Divreï Malkyel et d’autres encore.

Dans la pratique, on adopte un tel comportement chaque jour, par exemple lorsque l’on se rend à une synagogue plus éloignée ou bien lorsque l’on est appelé à la Torah pour la sixième montée ou pour la Haftara, d’après ceux qui considèrent que ces montées sont plus importantes.

Combien plus est-ce le cas, en l’occurrence(16), puisqu’une préparation est nécessaire, qui doit même être importante. Différents avis, parmi les derniers Sages, considèrent qu’on ne retarde pas l’accomplissement de la Mitsva, en pareil cas. Ces avis sont recensés dans le Sdeï ‘Hémed, Péat Ha Sadé, principes 1, 47.

Que D.ieu nous garde de supprimer des coutumes juives en discutant la Loi, en débattant et en commentant, alors que ceux-ci ont pour but d’accomplir les Mitsvot de la meilleure façon, ainsi qu’il est dit “ tous les mets gras sont pour D.ieu ”. Vous consulterez, à ce sujet, ce que dit le Rambam, à la fin des lois de ce qui est interdit pour l’autel.

Le Midrach Ha Gadol, Béréchit 4, 4, dit, à ce propos, que “ celui qui apporte le meilleur sacrifice, avec largesse, fera qu’il soit agréable pour D.ieu. C’est à son propos que le verset dit: ‘L’offrande de Yehouda et de Jérusalem sera agréable à D.ieu, comme les jours éternels et les années d’antan’. ”

Notes

(1) Le Rav Y. Meskin. Voir, à son sujet, les lettres n°2842 et 2876.
(2) 1942.
(3) Textuellement, “ pourquoi aller chercher son pain aussi loin ? ”.
(4) De sonner du Choffar, si ce n’était l’Interdiction des Sages.
(5) “ Pauvres dans un endroit ”. Un texte en complète un autre.
(6) Que l’on porte le Choffar dans le domaine public pour le conduire chez quelqu’un qui sait le sonner et que l’on transgresse ainsi le Chabbat.
(7) Du Choffar soit une Mitsva.
(8) Pendant le Chabbat.
(9) Voir la fin de la lettre n°295.
(10) Le Even Yaakov et le Makel Yaakov.
(11) Roch ‘Hodech Nissan étant le nouvel an des rois.
(12) Le Chema Israël.
(13) Ce qui ne doit pas faire obstacle à la prière.
(14) Sur l’opportunité d’effectuer cette intervention.
(15) Effectué dans le Temple par les Cohanim.
(16) Pour un mariage.