Lettre n° 3084

Par la grâce de D.ieu,
6 Kislev 5715,
Brooklyn,

Au groupe de jeunes filles…(1),
que D.ieu vous accorde longue vie,

Je vous bénis et vous salue,

Je viens de recevoir votre lettre du 18 Mar’hechvan et j’ai lu sa conclusion avec plaisir, puisque vous m’indiquez que vous poursuivez les réunions ‘hassidiques. Des orateurs y interviennent et vous donnent des explications sur ce qui n’est pas clair pour vous.

Mais, il est clair que je proteste énergiquement contre l’expression que vous employez, à la fin de votre lettre, “ la mer de froideur qui nous a déjà envahi ”. Vous conviendrez qu’il s’agit d’une figure de style, plus que d’une description de la situation telle qu’elle est. Malgré cela, j’expliquerai pourquoi je proteste contre l’emploi de cette expression, même à titre de figure de style.

De façon générale, le mauvais penchant se sert d’un tel argument pour expliquer à l’homme qu’il y a bien peu de chances qu’il évolue, compte tenu de sa situation. Il n’y a donc pas lieu de lutter, puisque la victoire est éloignée et très difficile.

Voici ce qui est à l’origine de ma protestation. Quiconque est issu d’un foyer ‘hassidique, ou, plus généralement, d’un foyer juif, qui a dû, dernièrement(2), faire preuve d’abnégation pendant plusieurs mois ou même pendant plusieurs années, ne peut pas passer outre à ce qui s’est passé et ne pas le transmettre à ses enfants. Les qualités des parents, surtout celles qui se révèlent, pendant un certain temps, dans l’existence quotidienne, sont gravées dans l’esprit des enfants et deviennent partie intégrante de leur personnalité.

Certes, lorsque les conditions de vie sont modifiées, qu’il n’est plus nécessaire de révéler ces facultés à chaque pas, celles-ci se cachent. Mais, profondément, elles restent entières. En effet, tout ce qui est acquis par un choc moral et une vie difficile ne peut plus disparaître par la suite, pas même volontairement et encore moins de façon naturelle.

Tout ce qui vient d’être dit s’applique à votre situation. Pendant des décennies, vos parents ont lutté âprement et ils ont connu une victoire totale. Nombre d’entre eux et d’entre vous ont pris part à ce combat, activement ou au moins passivement, afin de ne pas s’assimiler à son entourage. Ces facultés sont donc gravées au profond de votre cœur et de votre âme.

Néanmoins, votre vie est désormais plus confortable. Vous avez donc l’impression qu’il n’est plus nécessaire de lutter afin de conserver votre identité véritable. Nul ne vous poursuit et n’exige de vous d’abjurer, ce qu’à D.ieu ne plaise. Tout naturellement, ces facultés, prévenant l’homme du danger qui guette son existence, s’endorment.

En pareil cas, le danger de l’ennemi prend l’apparence d’un amour particulièrement intense et il en est bien ainsi, pour ce qui vous concerne. Si l’on attaquait ouvertement les principes de votre foi, vous n’auriez même pas cherché à engager le dialogue. Vous auriez dit non, avec conviction et fermeté. Mais, l’on vous attire par ce qui vous semble être de moindre importance, une légère entorse par rapport à la voie royale, celle du Roi du monde, le Saint béni soit-Il. Dès lors, certaines personnes peuvent se tromper et dire : “ Je ne cours aucun risque de m’écarter du chemin tracé. Tout cela est léger. De fait, quand je le voudrais, je retournerai vers la voie de nos ancêtres, celle de la Torah et des Mitsvot ”.

Vous connaissez la parabole de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera, selon laquelle un citadin qui s’égare dans une forêt touffue, emplie de bêtes sauvages et de dangereux brigands, ne se trouve pas dans une telle situation de but en blanc. Il ne peut pas, en un instant, passer, sans transition de la capitale du Roi au cœur de cette forêt. Il doit, d’abord, quitter la ville, puis s’écarter de la voie royale, celle qui est tracée, d’abord de la distance d’un cheveu. Mais, dès lors qu’il s’est engagé sur cette voie, il s’écartera de plus en plus, sans même en avoir conscience. Quittant la route, il se trouvera sur un chemin, puis sur un passage et, au final, éloigné de tout lieu habité, de tout endroit où se trouvent des hommes. Il sera alors encerclé par les bêtes sauvages et le danger le guettera à chaque pas.

Vous devez comprendre ce que tout cela veut dire.

En ces jours qui précèdent la date lumineuse du 19 Kislev, lorsque l’Admour Hazaken fut libéré, après avoir été emprisonné parce qu’il désirait diffuser l’enseignement du Baal Chem Tov, la ‘Hassidout, ses voies et ses pratiques, auprès de chaque Juif, alors que sa libération marque également la victoire de sa conception, D.ieu permettra que vous compreniez tout cela vous-mêmes, non pas par vos vêtements extérieurs, mais bien par le profond de votre personnalité, par votre âme, qui est en éveil pour toutes les valeurs sacrées, la Torah, ses Mitsvot et ses enseignements. Ainsi, vous trouverez en vous-même la force de ne pas vous affecter de ceux qui se moquent de vous, de montrer, par votre manière de vivre, que vous êtes fières d’avoir été élevées dans des foyers ‘hassidiques, que vous conservez cet esprit dans votre existence quotidienne. Et, rien ne résiste à la volonté.

Avec ma bénédiction de réussite dans cet accomplissement, très bientôt et au plus vite, ce qui apportera la réussite également à toutes vos préoccupations personnelles,

Notes

(1) Cette lettre fait suite à la lettre n°2942. Voir également la lettre n°3200.
(2) Lors de la guerre mondiale.