Lettre n° 3124

Par la grâce de D.ieu,
19 Kislev 5715,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre du dimanche de la Parchat Vaychla’h, dans laquelle vous me dites que vous avez eu des difficultés à comprendre la première partie de mon courrier(1), qui répondait au vôtre. En effet, comment celui qui étudie la Torah et trouve une contradiction dans un livre accepté par tout le peuple juif peut-il se permettre d’écarter ce qui y est dit ?

A) J’ai énoncé, dans ma lettre, plusieurs raisons à cela. Et, même si l’on n’en connaissait pas les causes, on rencontre fréquemment de telles situations, chez les élèves de certaines Yechivot, dans lesquelles on n’étudie pas l’enseignement profond de la Torah. Ceux-ci rejettent certains livres et certains auteurs, parmi les derniers Sages ou même…(2).

Je ne souhaite pas répéter ce que disent ces personnes et, de fait, à quoi cela servirait-il ? Pourtant, tout cela est dit publiquement et les auteurs rejetés ne sont autres, par exemple, que le Maguen Avraham et le ‘Hatam Sofer.

B) Un autre point vous paraît déroutant. Comment créer le lien profond qui doit exister entre l’âme de l’élève et celle de son maître ? Comment être sûr d’avoir trouvé celui qui convient ?

Selon vous, ce lien profond ne peut se créer que dans la mesure où il existe d’abord un lien superficiel. Or, s’agissant de la responsabilité que cela implique,(3) nous assistons, chaque jour, à un fait qui est beaucoup plus fort, dans le domaine des fiançailles.

Le Zohar, tome 1, page 85b, explique qu’un homme et une femme partagent les deux moitiés d’une même âme, laquelle, descendue ici-bas, se répartit entre ces deux corps. Si les deux moitiés de l’âme ne se réunissent pas, il n’y aura qu’un demi corps et l’on comprend l’immense responsabilité qui en résulte. Une âme spécifique doit se rapprocher de l’âme collective à laquelle elle appartient. Malgré cela, on assiste à des fiançailles tous les jours!

Il faut bien en conclure que D.ieu dirige le monde et lui accorde Sa Providence. Lorsqu’un homme s’acquitte de son obligation, telle qu’elle émane de la Torah, D.ieu lui vient en aide et Il le conduit là où il doit aller, afin de mener à bien la mission qui lui est confiée.

Il en est de même pour l’attachement du disciple à son maître et du ‘Hassid à son Rabbi.

C) Vous me demandez comment étudier l’enseignement profond de la Torah. Cette question est également surprenante. Il s’agit bien, en effet, d’une partie de la Torah, comme son nom l’indique. On l’étudie donc de la même manière que toutes ses autres parties, c’est-à-dire en mettant en pratique le principe : “ Nous ferons et (ensuite) nous entendrons ”, ce qui signifie “ nous comprendrons ”, comme dans le verset “ Parle, car ton serviteur entend(4) ”.

Dans un premier temps, on ne saisit donc chaque notion que de manière superficielle. Mais, si l’on n’étudie pas pour humilier les autres, si l’on désire réellement comprendre l’enseignement du Saint béni soit-Il, D.ieu accorde la réussite et l’on parvient à une perception profonde. Dès lors, on peut, selon l’expression de nos Sages, “ déduire la Hala’ha d’un certain passage ”. Alors, comme le disent les Sages au traité Sanhédrin 93b, “ la Hala’ha retient son avis, car D.ieu est avec lui ”.

Il en est de même pour ce qui vous concerne. Vous devez étudier intensément la ‘Hassidout. Dans un premier temps, vous ne vous approfondirez pas sur chaque détail, comme c’était le cas lorsque vous avez commencé l’étude de la Guemara. Puis, peu à peu, vous connaîtrez la réussite.

D) Je suis surpris de constater votre incapacité de prendre conscience que toutes ces questions et ces hésitations ne sont qu’une attaque de votre mauvais penchant qui recherche, par tous les moyens, à retarder le moment où vous commencerez enfin l’étude de la partie profonde de la Torah.

Il vous trouble donc par des interrogations, des incertitudes. Vous dites vous-même, dans votre lettre, que, depuis lors, vous tâtonnez dans l’obscurité. Sept mois se sont écoulés(5), pendant lesquels vous auriez pu étudier, chaque jour, au moins quelques lignes de la partie profonde de la Torah, de l’arbre de vie. Au lieu de cela, vous hésitez, vous vous demandez s’il est bon d’entreprendre cette étude, s’il est possible de le faire.

Puisse D.ieu faire qu’à l’avenir, au moins, vous utilisiez convenablement votre temps, pour ce qui est réellement bon pour vous.

Avec ma bénédiction,

Pour le Rabbi Chlita,
le secrétaire,

Notes

(1) Il s’agit de la lettre n°2625.
(2) Parmi les premiers Sages.
(3) De s’attacher à un maître.
(4) C’est-à-dire “ comprend ”. Le mot Chema à les deux sens, en Hébreu.
(5) La précédente lettre était écrite le 2 Iyar 5714.