Lettre n° 3657

Par la grâce de D.ieu,
21 Tamouz 5715,
Brooklyn,

Au grand Rav, distingué 'Hassid qui craint D.ieu,
aux multiples connaissances, le Rav C. Y.(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre du 15 Tamouz.

Je vous remercie de m'avoir annoncé une bonne nouvelle, puisque vous me dites que l'intervention chirurgicale subie par votre fils a été fructueuse. Je mentionnerai son nom, en un moment propice, près du saint tombeau de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera, afin qu'il ait une prompte guérison et qu'il aille de mieux en mieux.

Je suis surpris que vous ne me communiquiez pas le contenu de la réunion 'hassidique du jour de la libération(2) et surtout les décisions concrètes qui ont été prises, à cette occasion. Comme vous le savez, des propos ne sont considérés comme inutiles uniquement lorsqu'ils sont vides de sens. Ils le sont également quand ce qui devrait modifier l'action concrète reste au stade de la parole et n'affecte pas du tout le comportement.

J'ai bien reçu votre livre, les Sippoureï 'Hassidim et je vous en remercie. Conformément à mon habitude et me basant sur la remarque de nos Sages, qui disent: "Pensez-vous que je n'ai pas conscience qu'il ait bien parlé?"(3), je vous joins quelques remarques, pour lesquelles vous voudrez bien m'excuser.

Vous avez sûrement reçu ma lettre, qui répondait à vos précédents courriers. J'attends de bonnes nouvelles, à propos de ce qui y est dit.

Avec mes respects et ma bénédiction,

M. Schneerson,

N. B. Remarques d'ordre général:

A) En cette génération confuse, plus l'on peut clarifier et apporter des précisions, plus l'on est efficace. Dans l'endroit où l'on se trouve et de façon immédiate, cela peut ne pas sembler réellement utile. Cela le deviendra, en revanche, dans un autre endroit ou bien un peu plus tard. Il en est bien ainsi pour un recueil de récits sur les grands d'Israël, de toutes les époques et de tous les endroits(4).

Il est nécessaire de mentionner, en marge ou bien à la fin du livre, la référence de chaque histoire(5) et surtout son degré de fiabilité. S'il en est ainsi pour tous les chefs d'Israël, combien plus est-ce le cas pour les maîtres de la 'Hassidout. En effet, des informations imprécises et, parfois même, des falsifications, faites dans le but de nuire, ont causé beaucoup de tort à la diffusion de l'enseignement de la 'Hassidout, de ses usages et de ses pratique, auprès des cercles les plus larges.

Si l'on consulte les dernières lignes de votre livre et les deux pages de référence, quand on sait, en outre, à quel point vous êtes organisé, je suis sûr que vous connaissez l'origine de chaque récit que vous rapportez. Il serait donc judicieux de faire éditer maintenant les références de tous ces récits, sur un feuillet indépendant, ce qui réparera, au moins partiellement, cette lacune.

Dans la mesure du possible, il serait bon d'ajouter à cela quelques lignes pour exposer le degré de fiabilité des différents recueils de récits et de ceux qui les ont rédigés. Comme vous le savez, on retrouve ici deux situations extrêmes, c'est-à-dire, d'une part, ceux qui ont une fiabilité irréprochable et, d'autre part, ceux qui se trouvent dans le cas opposé. Mais, la plupart des auteurs se situent entre ces deux extrêmes.

Bien évidemment, on peut éditer un recueil de récits, même si l'on n'est pas certain de leur exactitude, dès lors que ceux-ci reflètent le mode de vie des 'Hassidim et de leurs descendants. Vous connaissez le dicton qui dit: "Même si ce n'est pas vrai, cela aurait pu l'être". Néanmoins, compte tenu de la place que vous occupez parmi les 'Hassidim, il est à peu près certain que vos récits seront considérés comme parfaitement dignes de foi, d'autant qu'ils sont consignés dans un livre. Il est donc nécessaire d'affirmer une position claire, en la matière.

B) Pour faire suite à ce qui vient d'être dit, certains récits 'hassidiques suscitent l'étonnement. Quelques personnes qui les écoutent en déduisent que l'homme duquel il est question a agi à l'encontre de la Hala'ha ou, en tout état de cause, n'a pas adopté le meilleur comportement possible. Ceci modifie la manière dont elles perçoivent les détenteurs de la 'Hassidout et la 'Hassidout elle-même, alors que quelques adaptations, pour certaines expressions de ce récit, auraient permis de faire disparaître leur étonnement. Combien plus est-ce le cas lorsqu'il s'agit d'une traduction(6).

Je citerai ici deux exemples:

1. Le récit n°301, à partir de la page 309: Il y a là un fait contradictoire avec la fonction du Maguid(7). Plusieurs en concluront donc qu'en ayant recours au service d'un Maguid, on entendait se passer de l'effort nécessaire pour étudier la Torah, ou bien, en tout état de cause, lui donner une forme minimale.

Pour dire vrai, je me posai moi-même cette question depuis longtemps, lorsque j'ai eu connaissance d'un récit rapporté par mon beau-père, le Rabbi, au nom du Tséma'h Tsédek. A ce dernier, lorsqu'il était jeune, l'Admour Hazaken proposa de lui faire cadeau de la connaissance de la Torah. De la manière dont ce récit est énoncé, le Tséma'h Tsédek lui répondit que la Torah devait être acquise au prix de l'effort, qu'il voulait l'étudier par ses propres moyens et qu'il entendait donc consentir cet effort.

Mais, par la suite, il regretta de ne pas avoir accepté ce cadeau et il en expliqua la raison. Après avoir acquis toutes ses connaissances, il aurait encore pu introduire son propre effort et les approfondir. En effet, la Torah est "plus longue que la terre". De la sorte, le Tséma'h Tsédek aurait cumulé les deux qualités à la fois, une connaissance plus large et un plus grand effort.

2. Le récit n°313: Rabbi Mechoulam Zoussya fit ouvrir une tombe et il demanda d'y pratiquer une fouille. D'après le Choul'han Arou'h, il est difficile de justifier une telle pratique. Or, une petite modification eut été suffisante, en la matière. On aurait pu dire qu'il ne s'agissait pas, à proprement parler, d'une tombe, mais que l'on se trouvait à proximité de celle-ci, dans ses quatre coudées. Dès lors, il n'y aurait plus eu lieu de s'étonner. De fait, en rapportant ce récit, on n'a pas nécessairement précisé que cela se passait effectivement à l'intérieur de la tombe, comme le retiendra le lecteur de ce livre.

A ce propos, on cite, à ce récit, une référence claire dans le Yerouchalmi. J'aimerais savoir si vous la connaissez et, le cas échéant, je vous remercie, par avance, de me la communiquer.

* * *

Concernant le montant qui a été collecté pour la fille aînée de cet homme, il me semble judicieux de les placer dans une caisse de bienfaisance fiable, dont l'objet est de venir en aide aux mariages, en Terre Sainte ou ici-même, jusqu'à ce qu'elle se marie et qu'elle en ait besoin.

Se préoccupe-t-on d'éditer les manuscrits du Rav E. Y. Rivlin(8)?

Peut-être, sans remettre en cause cette édition, ses descendants peuvent-ils publier immédiatement son livre Ohaleï Yossef(9). Celui-ci est épuisé depuis plusieurs dizaines d'années. Or, une édition par offset peut être très rapide. Le quatre vingt dixième anniversaire de sa disparition vient d'être célébré. On pourra sans doute y ajouter(10) une brève description de sa biographie, évoquer ses parents, ses descendants, les manuscrits qu'il possédait dans sa collection, ses voyages à Loubavitch.

Notes

(1) Le Rav Chlomo Yossef Zevin de Jérusalem, auteur de l'Encyclopédie talmudique. Voir, à son sujet, la lettre n°3405.
(2) Du précédent Rabbi, les 12 et 13 Tamouz.
(3) Le fait de formuler des remarques sur un livre ne remet pas en cause la qualité du travail accompli.
(4) Ce qui est l'objet des Sippoureï 'Hassidim.
(5) Voir, à ce sujet, les lettres n°3405 et 3732.
(6) Ces récits sont présentés en Hébreu, alors que l'original est parfois en Yiddich.
(7) Les "prédicateurs" qui, à l'époque, visitaient les communautés et leur faisaient des remontrances.
(8) Le Rav Elyahou Yossef Rivlin, Rav de Drivin. Voir, à ce sujet, la lettre n°3763.
(9) Voir, à ce sujet, les lettres n°3026, 3215 et 3763.
(10) A ce livre.