Lettre n° 507

Par la grâce de D.ieu,
24 Tamouz 5709,

Au distingué ‘Hassid, qui craint D.ieu,
le Rav C. Z. Levitin(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre, avec retard, pour une certaine raison et vous voudrez bien m’en excuser. Vous m’adressez les notes du Rabbi(2) sur la fin du chapitre 6 et le début du chapitre 7(3). Vous y ajoutez les explications du Rav Y. Kadoner(4) et une analyse sur la concordance de ces commentaires.

De fait, je recherche, depuis de nombreuses années, les explications du Rav Y. K.(5), dont nous avons besoin, ici, pour différentes raisons. Pour l’heure, je ne les ai pas trouvées et il m’est donc difficile de comprendre ce qu’il dit ici. Bien plus, vous dites vous-même, dans votre lettre, ne pas vous souvenir clairement de ses propos.

D’après ce que vous écrivez, il semble que vous ayez des difficultés à interpréter les notes du Rabbi(2) et à comprendre pourquoi elles se concluent pas une interrogation, pourquoi le Rabbi(2) n’adopte pas la conclusion du Rav Y. K.(5).

Le contenu du commentaire que vous citez, au nom du Rav Y. K., est le suivant. Le corps est la combinaison des quatre éléments fondamentaux(6) se trouvant dans une créature. Celui des minéraux, végétaux, animaux et humains, inerte, émane de la force du mal qui conserve la possibilité de l’élévation. Sa vitalité est issue de la force combinant ces quatre éléments.

Certes, on pourrait dire que tout cela ne nous a pas été précisé parce qu’il n’en résulte rien pour le service de D.ieu de l’homme. Néanmoins, la connaissance de la source des âmes des minéraux, végétaux et animaux n’a pas non plus d’implication directe sur notre manière d’agir.

De plus, le début du chapitre 7 évoque l’existence des minéraux sans la distinguer de celle des Juifs et des animaux. Dès lors, pourquoi, à la fin du chapitre 6, cette distinction est-elle effectivement faite?

Par ailleurs, les minéraux, au début du chapitre 7, auraient dû être cités après les végétaux, puisque aucune distinction ne peut être faite entre leur aspect physique. D’autres questions se posent également sur ce passage, que nous ne développerons pas ici.

A mon humble avis, voici ce que dit le Rabbi(2), dans ces notes. Selon lui, le Tanya évoque ici uniquement ce qui peut se trouver sous l’emprise des forces du mal, que celle-ci puisse connaître l’élévation ou qu’elle soit totalement impure. Il souligne, en revanche, que le corps est créé et se perpétue par la Lumière de D.ieu qui entoure la création.

Certes, le corps des nations et des animaux émane également de ces forces, comme l’expliquent le Torah Or et, de manière plus détaillée, le Chaareï Ora, aux références indiquées en annexe des résumés et notes sur le Tanya. Je ne possède pas les discours ‘hassidiques auxquels le Rabbi(2) fait allusion dans ces notes. Néanmoins, ces textes expliquent que la Lumière qui entoure la création se révèle par l’intermédiaire de celle qui la pénètre. En ce sens, les animaux purs sont liés uniquement à la force du mal qui peut connaître l’élévation et réintégrer le domaine de la sainteté. A ce stade, la Lumière de D.ieu qui entoure les mondes ne se cache donc pas et elle est principalement à l’origine de l’existence du corps.

Ainsi, au chapitre 6, le Tanya introduit une distinction entre un potentiel et son utilisation effective, mais celle-ci concerne uniquement la Lumière de D.ieu qui pénètre les mondes. Vous consulterez également le chapitre 40, qui évoque le voile imposé à cette Lumière par la force du mal qui peut recevoir l’élévation.

Les animaux impurs, en revanche, sont également en relation avec les trois forces du mal totalement impures et ils ne peuvent donc jamais connaître l’élévation. La Lumière qui entoure les mondes se voile totalement et, se trouvant en eux, elle ne peut être reconnue. Ces animaux tirent ainsi leur vie des forces totalement impures, comme le disent les résumés et notes sur le Tanya, à la page 143, citant le discours intitulé "Il a libéré mon âme dans la paix" de 5670(7).

Le commentaire sur la circoncision, qui figure dans le Sefer Hamitsvot du Tséma’h Tsédek, précise également la différence entre la force du mal qui peut connaître l’élévation et celles qui sont totalement impures. Il définit la Lumière qui entoure le monde à partir de celle qui le pénètre.

Cette distinction peut aussi être précisée à partir des images, volonté de se construire un palais ou désir de s’enrichir, qu’énonce la ‘Hassidout à ce propos, par exemple dans le Chaareï Ora. Chaque aspect du palais ou chaque acte contribuant à procurer la richesse ne peut, en effet, contredire la volonté de l’homme, si ce n’est le fait de se trouver dans un lieu de déchets et d’immondices, qui remettent en cause la notion même de palais, ou bien la perte financière, même si elle permet de s’enrichir par la suite. Tout cela est bien évident.

Le Rabbi(2) conclut son explication par une interrogation et l’on peut le justifier de différentes manières. On peut, de fait, se poser des questions sur ce qui vient d’être dit, car pourquoi, la nourriture que l’on consomme sans aucune intention particulière ne pourrait-elle appartenir à la sainteté? Et pourquoi l’existence matérielle apporte-t-elle une vision plus concrète?

Il est difficile de voir, dans ces deux situations, l’intervention du corps et non de sa vitalité, c'est-à-dire de l’esprit minéral ou végétal qui l’habite. La logique indique que l’inverse est vrai. De plus, le Torah Or précise que la Lumière qui entoure les mondes ne fait qu’apporter vigueur et puissance. Or, selon ce qui vient d’être dit, elle perpétue, à proprement parler, le corps. On pourrait formuler également d’autres questions.

* * *

Vous citez la question posée par le Rav Y. K., que deviendront les nations et les animaux impurs, dans le monde futur, lorsque "Je supprimerai l’esprit d’impureté de la terre"? Je ne comprends pas comment on peut y répondre en faisant une distinction entre le corps et sa vitalité. Et, si l’on veut dire que la force combinant les éléments fondamentaux sera modifiée alors que cette combinaison elle-même ne le sera pas, pourquoi ne pas envisager plutôt que la force qui est à l’origine de l’existence du corps sera modifiée, sans que le corps lui-même ne le soit?

Je ne comprends pas non plus pourquoi vous ne posez pas de question sur celui qui se convertit, à l’heure actuelle(8) ou bien sur l’aliment interdit qui, consommé en situation de force majeure, devient totalement permis, ou encore sur les fautes intentionnellement commises qui sont transformées en bienfaits(9)?

Tout cela est bien simple. Les trois forces du mal totalement impures ne peuvent pas perpétuer ou insuffler la vie. Que D.ieu nous garde d’envisager une telle éventualité. Seules les parcelles de sainteté qu’elles contiennent le peuvent. Pour autant, une telle vitalité est bien considérée comme émanant de ces forces totalement impures, tant elle est obscurcie, au point de s’identifier à ce mal. C’est ce qu’explique le discours "Il a libéré mon âme dans la paix" de 5670(7), précédemment cité.

Dans le monde futur, ou même à l’heure actuelle, lorsque la transformation est réalisée, les trois forces du mal totalement impures seront brisées et disparaîtront. Dès lors, ces parcelles pourront acquérir une existence indépendante. Vous consulterez, à ce propos, le traité Pessa’him 68a et le commentaire sur la circoncision, précédemment cité.

Il faut garder à l’esprit l’explication de nos Sages à laquelle je fais allusion, dans mes notes(10) sur la séquence de discours ‘hassidiques intitulée "les eaux nombreuses" 5636(11), page 87: "Pourquoi le porc est-il appelé ‘Hazir(12)? Parce qu’il reviendra". On peut en déduire que le chameau, le lièvre et le lapin(13) resteront interdits.

Mais, tout cela ne pose aucune difficulté. En effet, Igueret Hakodech, au chapitre 26 et le traité Pessa’him 68a distinguent deux périodes de la délivrance(14). Dans la première, les notions d’interdit et d’impureté subsisteront. Alors, seul le porc sera pur. Dans la seconde, l’impureté disparaîtra de la terre et, dès lors, le chameau le sera également.

De fait, Igueret Hakodech précise que l’impureté provoquée par l’enfantement sera maintenue, pendant la première période. Il en sera bien ainsi. Le Midrach Tehilim explique, en effet, qu’une femme Nidda deviendra elle-même pure. Il le déduit de différentes interprétations des versets. Vous consulterez, à ce propos, le Or Hatorah Béréchit, page 51a. Ce sujet ne sera pas développé ici.

En vous souhaitant tout le bien,

Notes

(1) Le Rav Chnéor Zalman Levitin. Voir la lettre n°664.
(2) Rachab.
(3) Parus dans les résumés et notes sur le Tanya, page 115.
(4) Le Rav Yaakov Kadoner, auteur du recueil des "histoires merveilleuses". Ces explications sont reproduites dans le Tanya avec des références, recueil de commentaires, page 157.
(5) Le Rav Yaakov Kadoner.
(6) Le feu, l’air, l’eau et la terre.
(7) 1910, du Rabbi Rachab.
(8) Voir, à ce propos, la lettre n°516.
(9) Par la Techouva, à son stade le plus parfait.
(10) Voir, à ce propos, la lettre n°448.
(11) 1876, du Rabbi Maharach.
(12) De la même étymologie que ‘Hazor, retourner.
(13) Ces quatre animaux ne possèdent qu’un seul des deux signes de pureté. Ils ruminent ou ont le sabot fendu.
(14) Voir, à ce propos, la lettre n°200.