Lettre n° 521

J’ai reçu vos lettres en leur temps(1). Vous êtes sans doute habitué à recevoir mes réponses avec retard, mais, que faire, mes occupations ne diminuent pas, bien au contraire.

Je vous remercie d’avoir participé à la réunion avec le Rav Herzog(2) et de me l’avoir fait savoir. J’ai bon espoir que ceci aura des conséquences positives sur la situation des ‘Hassidim réfugiés en Terre Sainte.

Vous m’interrogez sur le commentaire du Ramban, à la fin de la Parchat A’hareï Mot, définissant trois caractéristiques du retranchement de l’âme, le Karet. Il dit, en particulier, que seule l’âme est retranchée. L’homme, en revanche, peut vivre longtemps. C’est à ce propos qu’il est dit: "l’âme sera retranchée", pour ceux qui commettent de nombreuses fautes.

Vous dites que cette affirmation contredit la question posée par l’Admour Hazaken, au quatrième chapitre d’Igueret Hatechouva et vous interprétez ainsi l’expression de l’Admour Hazaken "pour un grand nombre d’entre eux", de laquelle vous déduisez que certains d’entre eux n’ont pas commis de nombreuses fautes(3).

A mon humble avis, cette explication n’est pas acceptable. En effet:

A) L’Admour Hazaken dit que ceux qui ont commis de nombreuses fautes ne peuvent pas vivre longtemps, la relation avec la source de leur âme étant tranchée. Or, ils ne peuvent recevoir la vitalité d’aucune une autre source.

Et il est difficile de penser que celui qui a commis de multiples fautes reçoit, à titre personnel, le même statut que l’ensemble des Juifs vivant après la destruction du Temple(4).

B) A la fin du cinquième chapitre, l’Admour Hazaken cite, à propos du Karet des années, le verset "l’âme sera retranchée". Il est donc clair qu’il n’adopte pas la position du Ramban.

Le Be’hayé développe la même explication que le Rambam, mais l’Admour Hazaken, se basant sur les écrits du Ari Zal, applique les termes du verset "l’âme sera retranchée" au Karet du corps, sans faire aucune distinction.

Le Meïri, commentant le début du cinquième chapitre du traité Kiddouchin, parle des besoins que l’on doit satisfaire pour le Chabbat(5). Vous notez que ceci correspond à l’affirmation de l’Admour Hazaken, dans le Choul’han Arou’h Ora’h ‘Haïm, au chapitre 250(6). C’est une belle explication, mais il faut analyser attentivement les termes du Meïri pour vérifier son exactitude.

Vous me demandez aussi la signification du commentaire de Rachi sur le traité Kiddouchin 40a(7). C’est, à mon humble avis, la suivante. Au sens simple, il est difficile de comprendre l’affirmation de Rabbi Tsadok selon laquelle celui qui agit de la sorte peut consommer un tel aliment. La Torah interdit clairement de consommer un aliment impur et punit elle-même de flagellation celui qui le fait, alors qu’une relation avec une araméenne est uniquement interdite par nos Sages et punie par le fouet, selon leur décision.

Selon Rachi, Rabbi Tsadok se parlait à lui-même et ne s’adressait pas à l’araméenne. Il se demande donc ce que signifie la phrase "celui qui commet une telle action peut consommer un tel aliment". Il en déduit que, pour Rabbi Tsadok, celui qui a commerce avec une araméenne mérite de consommer un aliment impur.

Il y a là un enseignement important, car il s’agissait, en l’occurrence, d’un cas de force majeure. Or, D.ieu confronte les Justes à une situation pénible uniquement dans le domaine de la nourriture. Pour autant, ils peuvent aussi rencontrer la première situation. Et, Rabbi Tsadok, voyant qu’il en résultait la nécessité de consommer un aliment impur, en déduisit qu’il s’agissait bien, dans ce cas, de nourriture et il put ainsi établir quel était son propre niveau.

Les Avot de Rabbi Nathan rapportent un récit similaire à propos de Rabbi Tsadok, l’un des Sages de la Michna, qui était Cohen. Dans le traité Kiddouchin, en revanche, il s’agit vraisemblablement d’un Sage de la Guemara, puisqu’il est cité parmi ceux-ci.

Vous m’interrogez sur ce que j’ai écrit à propos de la supériorité de ceux qui accèdent à la Techouva(8). Vous me faites remarquer que le Talmud Babli tranche clairement en ce sens, qu’il n’y a donc pas de controverse, car la Hala’ha ne saurait retenir l’avis de l’élève(9). Néanmoins, je n’ai pas trouvé mention de ce principe dans le Talmud. Même si c’était le cas, je ne sais pas s’il pourrait s’appliquer, en l’occurrence, puisque l’on trouve, par ailleurs, une affirmation contraire.

Le Sdeï ‘Hemed précise dans quel cas ce principe s’applique.

Notes

(1) Cette lettre fut écrite en annexe à la précédente.
(2) Voir, à ce propos, la lettre n°509.
(3) Et ce serait donc uniquement ceux-là qui ont une longue vie.
(4) Dont la Techouva est prise en compte, puisque leur verdict est prononcé par le tribunal céleste, ce qui n’était pas le cas avant la destruction du Temple, quand les hommes étaient jugés par le tribunal des hommes.
(5) Et dit qu’il est préférable d’en effectuer soi-même les préparations, plutôt que de charger quelqu’un de le faire.
(6) Qui voit en cela un honneur dû au Chabbat plus qu’une Mitsva spécifique.
(7) "Une femme noble voulut débaucher Rabbi Tsadok. Il déclina son offre, expliquant qu’il se sentait faible, n’ayant pas mangé. Il lui demanda ce qu’elle pouvait lui proposer et elle lui indiqua qu’elle possédait uniquement un aliment impur. Il lui répondit: Quelle différence y a-t-il? Celui qui agit de la sorte peut consommer un tel aliment!".
(8) Dans une note écrite sur un discours ‘hassidique du précédent Rabbi, le Rabbi rappelle qu’une controverse oppose nos Sages pour déterminer qui est le plus élevé.
(9) Contre son maître.