Lettre n° 6429

Par la grâce de D.ieu,
Roch ‘Hodech Mena’hem Av 5718,
Brooklyn, New York,

A l’attention du docteur Reouven Meïr,

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre du 23 Tamouz et je vous remercie d’avoir bien voulu me décrire l’état du malade(1). L’avis des plus grands spécialistes en la matière se trouvant ici, sur la base de plusieurs cas qui ont été traités, est le suivant. Lorsque la maladie se prolonge pendant plusieurs années et que tous les traitements s’avèrent inutiles, ceux-ci penchent pour l’opération. Bien entendu, il vous appartient de déterminer si le présent cas entre dans cette catégorie, la malade se trouvant dans l’hôpital que vous dirigez. Avec mes respects et ma bénédiction,

Conformément à l’injonction de nos Sages selon laquelle : “ vous serez irréprochables devant D.ieu et devant Israël ”, je réponds également au second point figurant dans votre lettre et à la formulation que vous employez à mon égard. Vous vous dites surpris que je veuille exercer mon influence sur un autre continent(2). Vous concluez votre lettre par : “ Israël est un pays nouveau, mais…(3) ”. Il est bien clair que mon propos n’est pas de manquer de respect à Erets Israël ni à quiconque, encore moins à des personnes que je ne connais pas. Néanmoins, le traitement de la lobotomie, qui a été mis au point ces dernières années, est nécessairement considéré d’une manière différente par les médecins, d’une année à l’autre, comme c’est, du reste, le cas pour toute réalisation scientifique, surtout s’il s’agit d’un traitement médical. Il est appliqué d’une manière différente et, plus l’on accumule de l’expérience, plus ces changements sont fondés. On peut donc penser qu’ils seront adoptés pour un certain temps. Vous devez savoir tout cela mieux que moi.

Il en résulte que l’on doit avoir recours à un traitement que l’on ne pourra pas modifier par la suite, par exemple à une opération, uniquement après avoir essayé toutes les autres possibilités, comme vous le faites vous-même remarquer dans votre lettre. Il faut opérer uniquement quand on ne peut faire autrement, quand il est impossible d’attendre ou de rester passif. C’est la raison pour laquelle, même aux Etats-Unis, on évite de pratiquer cette intervention. Et, après avoir suivi un patient pendant plusieurs années, on effectue une lobotomie, dans la plupart des cas, seulement quand il n’a pas été possible de le suivre comme il l’aurait fallu, par manque de moyens financiers. Après tout cela, comme vous le savez sûrement mieux que moi, y compris quand l’opération a réussi, et malgré votre affirmation selon laquelle “ tous retrouvent une vie normale ”, les cas constatés ici dans lesquels le patient retrouve une vie normale sont particulièrement rares. On peut même se demander s’il y en a eu un seul.

Je reprends votre formulation, puisque vous dites : “ je ne veux pas apporter mon appui à un crime ”. Or, une telle opération n’atteint pas uniquement le corps, mais aussi le psychisme, peut-être même la vie morale. Il y a donc bien là une forme de crime, mais, ne pouvant faire autrement, on choisit le mal sous sa forme la plus réduite. Tout ce qui vient d’être dit justifie ma position, par rapport à ce traitement, conformément aux enseignements de nos Sages, exprimés dans notre Torah, Torah de vie, selon lesquels il convient de faire tous les efforts pour sauver quelqu’un, y compris si c’est uniquement pour quelques heures. Combien plus est-ce le cas quand il s’agit d’un malade mental. En la matière, en effet, plusieurs points ne sont pas encore clairs, qu’il s’agisse des causes de la maladie et de la manière de la traiter. Bien plus, ces dernières années, on découvre souvent, en la matière, de nouveaux traitements et des changements importants interviennent. Il est donc justifié de surseoir à cette lobotomie, pour quelques temps encore, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus du tout le choix. Vous m’excuserez de vous écrire pour m’exprimer dans un domaine qui est le vôtre. Et, que Celui Qui guérit toute chair et accomplit des merveilles vous accorde une pleine réussite en votre mission. Le mérite de ce qui concerne toute la communauté vous vient en aide.

Notes

(1) Voir la lettre n°6358.
(2) En disant s’il convient de faire cette opération ou non.
(3) Ne pensez pas que nous commettons des imprudences dans les traitements médicaux.