Lettre n° 6529

Par la grâce de D.ieu,
25 Tichri 5719,
Brooklyn, New York,

A l’homme distingué, aux multiples connaissances, versé
dans les sciences, qui craint D.ieu, le Rav Eliézer Aryé
Ha Lévi, qui est appelé docteur Finkelstein(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre du 17 Elloul et les livres que vous avez bien voulu m’envoyer pour ma bibliothèque. Je vous en remercie et j’ai bon espoir qu’à l’avenir, vous continuerez, de temps à autre, à m’adresser les livres qui seront publiés. Vous voudrez bien excuser le retard apporté à ma réponse, qui a été causé par les jours chargés qui se sont écoulés entre temps. Certains s’étonnent de l’affirmation de nos Sages selon laquelle : “ Rabbi honorait les riches ”. Pour ma part, je la comprends très bien, d’après une idée fondamentale de la pensée du Baal Chem Tov, qui est la suivante. Tout événement du monde, même le plus insignifiant est un effet de la divine Providence. A fortiori en est-il ainsi si cet événement a une portée globale et s’il concerne de nombreuses personnes.

Les riches sont des personnes auxquelles la divine Providence a accordé les moyens de multiplier les accomplissements dans le monde du Saint béni soit-Il. A n’en pas douter, ils possèdent donc les forces morales qui leur permettent d’assumer cette mission, bien plus déterminante que celle de l’homme moyen et, combien plus, de celle du pauvre. Notre saint maître(2) vécut durant une époque transitoire dans l’histoire du peuple d’Israël, lequel passait d’une vie relativement tranquille à la période des persécutions et des poursuites. Il devait donc mobiliser toutes les forces afin que le peuple d’Israël surmonte cette épreuve, qu’il en sorte intègre et renforcé. De ce fait, il lui incombait d’observer chacun et de faire en sorte que toutes les capacités soient utilisées. En conséquence, il marqua de la déférence envers ceux qui avaient reçu de D.ieu des possibilités supplémentaires, lesquelles devaient, bien sûr, être mises au service de toutes les valeurs d’Israël, au même titre que toutes les autres actions de notre saint maître. Toutefois, conformément à la règle du monde, chacun reçoit le libre-arbitre et D.ieu le met à l’épreuve afin de vérifier s’il Le craint, s’il respecte Ses Mitsvot et écoute Sa Voix. Là encore, le libre choix est accordé à chaque homme riche, ainsi qu’il est dit : “ Vois, J’ai placé devant toi, en ce jour, la vie et le bien…(3) ”, afin que l’on puisse mettre en pratique la fin de ce verset : “ Et, tu choisiras la vie ” ou bien le contraire de celle-ci, ce qu’à D.ieu ne plaise.

Il est clair que ce qui est vrai pour ceux qui sont riches d’or et d’argent l’est a fortiori pour ceux qui sont riches par leur force d’influencer les autres, leur entourage proche ou éloigné. Bien entendu, le monde a un Dirigeant et rien n’y est inutile. La richesse doit, de ce fait, être utilisée d’une manière active et positive. Car, il n’est nullement suffisant de ne pas s’en servir de la manière opposée. En effet, une utilisation imparfaite est également un désordre introduit dans la création, dont toutes les parties doivent concourir résolument à la finalité ultime et unique. Il est inutile de préciser que je fais allusion à la mission véritable de notre peuple, le peuple du D.ieu d’Avraham, globale et spécifique à la fois, qui est une vie basée sur notre Torah, Torah de vie, Torah intègre sans compromis, dont la grandeur est de conduire à l’action, c’est-à-dire à la pratique effective des Mitsvot, desquelles il est dit : “ On vivra par elles ”, dans l’existence quotidienne.

Vous voudrez bien m’excuser d’aborder une idée aussi fondamentale dès ma première lettre. Vous pourriez, certes, en concevoir de l’étonnement. Ai-je vraiment l’espoir que ces quelques lignes auront l’effet escompté ? En fait, on peut apporter plusieurs réponses à cette question. Tout d’abord, nous vivons en une époque où se déroulent de nombreux événements qui, il y a quelques temps, auraient paru inconcevables. Quiconque médite, même sommairement, observera, à chaque pas, ce qui transcende la raison. Nos Sages avaient bien raison de dire qu’il ne faut pas croire que certaines choses ne peuvent pas arriver. Second point, en lequel on a, dans la ‘Hassidout, une foi profonde, chaque Juif est défini par le verset comme “ la source des jardins, un puits d’eaux vivres ”. Sa nature et ses traits de caractère font que, quand on s’adresse à lui, quand on lui présente largement la Torah et les Mitsvot, il n’est nul besoin d’en dire plus car, au fond de lui, il accepte tout cela d’emblée. Il faut simplement ôter ce qui peut faire obstacle, d’une quelconque façon et, dès lors apparaît “ la source des jardins, un puits d’eaux vives ”, qui s’écoule de lui-même. Selon l’expression du Zohar, il peut en être ainsi, “ en un moment et en un instant ”.

Une autre idée est essentielle également. La divine Providence vous a accordé un pouvoir d’influence, que vous exercez sur de nombreuses personnes, dont certaines sont elles-mêmes des dirigeants, influents dans certains milieux. Si ces quelques lignes sont à l’origine d’un changement effectif, celui-ci se diffusera et s’intensifiera, par l’intermédiaire de ces hommes qui bénéficient de votre influence. J’ai quelque peu développé ces notions, dans ma lettre, adressée à tous, à l’occasion de Roch Hachana(4), dont je vous joins une copie. J’espère que celle-ci vous intéressera. Avec mes respects et ma bénédiction,

Notes

(1) Voir, à son sujet, les lettres n°6958 et 7020.
(2) Rabbi Yehouda le prince, codificateur de la Michna, celui qui “ honorait les riches ”.
(3) De même que le contraire de cela.
(4) Il s’agit de la lettre n°6499.