Lettre n° 6653

Par la grâce de D.ieu,
20 Tévet 5719,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre du jeûne du dixième mois(1), qui sera bientôt transformé en joie et en allégresse, dans laquelle vous me dites que vous vous trouvez à la Yechiva Tom’heï Temimim de votre ville depuis un mois et quelques jours. Or, certains aspects de la situation que vous y avez trouvée ne vous satisfont pas. Vous les détaillez dans votre lettre. Vous voudrez bien m’excuser de vous écrire ce qui va suivre. Je voudrais, tout d’abord, vous rappeler l’affirmation de nos Sages selon laquelle le mauvais penchant, bien qu’il soit présenté comme un “ insensé ”, n’en est pas moins habile à sa tâche, laquelle consiste à tenter un Juif. Les hommes ont des personnalités différentes et chacun a donc sa propre approche, en fonction de ses traits de caractère et de sa manière d’être.

Quand un jeune homme décide, par sa propre initiative et malgré les difficultés auxquels il fait face, d’étudier la Torah avec crainte de D.ieu, de s’élever dans la pratique des Mitsvot, de se lier à tout ce qui concerne la Torah et ses Mitsvot, bien plus, lorsqu’il a d’ores et déjà commencé à mettre sa décision en pratique, en s’introduisant dans un domaine où l’on met en avant la crainte de D.ieu et l’étude de la dimension profonde de la Torah, il est bien clair que s’il(2) se présente a lui en lui demandant de renoncer à sa bonne décision, ce qu’à D.ieu ne plaise et de revenir à sa pratique antérieure, il ne tiendra aucun compte de ses avances. Il intervient donc de la manière par laquelle il pense être en mesure de le convaincre. Il lui explique donc que ce n’est pas le bon endroit, pas la bonne façon d’atteindre son objectif. Bien entendu, il s’efforcera d’avancer des arguments logiques et peut-être même les trouvera-t-il, car la perfection n’existe pas, dans le monde. Le bien et le mal sont mélangés, en tout ce qui le concerne, même si, bien entendu, des différences fondamentales existent. Ainsi, au sommet du bien, le mal ne sera qu’un millième ou qu’un dix millième, occupant ainsi une part insignifiante. A l’autre extrême, l’inverse sera malheureusement vrai. Plus le mauvais penchant craint que l’homme réussisse sur la voie qu’il a choisie et dans l’endroit où il se trouve afin d’y mettre en pratique sa bonne résolution, plus il renforce ses avances. De la sorte, comme l’explique le Tanya, les mauvaises pensées et les attaques du mauvais penchant se renforcent pendant la prière, bien plus que pendant le reste de la journée. C’est une évidence.

Peut-être les arguments que vous mettez en avant sont-ils justifiés, au moins pour partie. Les jeunes gens avec lesquels vous étudiez ont peut-être les défauts que vous décrivez, mais l’on peut formuler, à ce propos, l’image suivante. Quelqu’un qui fait du commerce dans le but d’assurer sa subsistance matérielle s’efforcera de trouver, auprès des clients qui viennent le consulter, ce qui lui sera utile pour écouler sa marchandise, afin de lui procurer le plus grand profit. En revanche, il ne mettra pas en avant, auprès de ses clients, les éléments pouvant aller à l’encontre de son objectif. Or, il en est de même pour ce qui fait l’objet de notre propos. Quand un homme se lie à un autre, il doit souligner et mettre en avant l’aspect positif qu’il a en lui, s’efforcer de le raffermir et non l’inverse. Je suis convaincu que, parmi les amis et les jeunes gens de la Yechiva, nombreux sont ceux qui n’ont pas les défauts que vous décrivez, même si, comme tous les hommes qui ne connaissent pas la perfection, ils peuvent encore avoir certains points devant être améliorés ou parfaits. Le meilleur moyen est donc d’apprendre de chacun en considérant ce qu’il a de positif et en se liant à lui, mais non l’inverse. Il en découle que vous devez étudiez, avec constance et ardeur, en vous appuyant sur les jeunes gens que vous côtoyez, à la Yechiva Tom’heï Temimim. Chez ceux qui étudient avec ardeur même s’ils ne prient pas longtemps, vous rechercherez cette ardeur et chez ceux qui prient longtemps et avec émotion, même s’ils n’étudient pas avec ardeur, vous trouverez la manière de prier. Et, nos Sages nous donnent l’assurance que, lorsque l’on fait des efforts, ceux-ci sont couronnés de succès.

Puisse D.ieu faire que ces quelques lignes, peu nombreuses compte tenu de l’importance de l’enjeu, exercent leur effet. Vous y méditerez et vous en approfondirez la compréhension, car elles décrivent la réalité telle qu’elle est. Il ne fait pas de doute que mieux vous vous intègrerez à la Yechiva Tom’heï Temimim, mieux vous serez à même, le moment venu, d’exercer une influence sur les autres. Le mérite de ce qui est public vous viendra en aide, afin que vous puissiez surmonter ces prétendues difficultés et connaître la réussite pendant le temps que vous passerez à la Yechiva. Et, vous connaissez la causerie du Rabbi Rachab, publiée dans le Torat Chalom, selon laquelle celui qui doit être un guide spirituel et veut connaître le succès en cela doit, au préalable, recevoir de toutes les façons possibles. Selon l’expression de nos Sages, il sera un réceptacle exempt de tout intérêt accessoire, de toute difficulté pour accepter cette situation, laquelle pourrait émaner de son propre intellect. C’est de cette façon qu’à terme, on devient un guide spirituel.

J’ajoute que plusieurs de vos amis ont sûrement appris que vous avez pris la décision de modifier votre comportement et que vous vous êtes déjà engagé en ce sens. Tout recul leur fournira donc un argument, leur permettra de vous avancer des explications diverses et variées dans le but de vous prouver que votre décision n’est pas la bonne. En effet, leur âme divine leur suggère le remord, comme c’est le cas pour chaque Juif, dès lors qu’eux-mêmes n’ont pas pris la décision, comme vous, de revenir vers la vie véritable, celle de notre Torah, Torah de vie et la pratique de ses Mitsvot desquelles il est dit : “ On vivra par elles ”. Pour justifier leur propre position, le moyen le plus aisé consiste, pour eux, à ternir votre propre décision de revenir vers la voie de nos ancêtres, la Torah et la tradition. Avec ma bénédiction pour donner de bonnes nouvelles de tout cela,

Notes

(1) Du 10 Tévet.
(2) Le mauvais penchant.