Lettre n° 6972

Par la grâce de D.ieu,
16 Mena’hem Av 5719,
Brooklyn, New York,

A l’attention du distingué ‘Hassid qui craint D.ieu et se
consacre aux besoins communautaires, le Rav M. Lisman,

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre, dans laquelle vous me décrivez brièvement l’objectif de votre action. J’ai appris, en particulier, avec satisfaction, par les exemplaires de “ l’organe pour l’unité d’Israël ”, que vous donnez un cours public de Guemara. Conformément à l’enseignement de nos Sages, j’espère que cette étude conduira à l’action dans la vie quotidienne, en particulier ceux qui exercent une influence sur un certain milieu. En effet, toute étude, même si elle n’a pas d’incidence sur l’action, au moins à première vue, n’en forge pas moins une conception du monde. En l’occurrence, elle conditionne donc celle de vos élèves. A notre époque, une attention particulière est nécessaire, en la matière et différents points fondamentaux doivent même être rectifiés, même si le principe de la Michna selon lequel l’acte est essentiel reste toujours valable.

Vous appartenez à un mouvement, d’après ce que vous me dites dans votre lettre, dont l’une des règles fondamentales est l’obéissance, l’application des ordres, l’enrôlement non seulement en période de combat, mais aussi en se tenant prêt à se conformer aux paroles de l’officier, y compris durant les périodes qualifiées de “ normales ”. De ce fait, je voudrais vous préciser, plus spécifiquement, le point suivant. D’après le dicton et l’enseignement déterminant de notre maître le Baal Chem Tov, que répétait sans cesse mon beau-père, le Rabbi, “ tout ce qu’un Juif voit ou entend est un effet de la divine Providence et lui délivre une leçon pour atteindre son objectif et la mission qu’il reçoit dans le monde, l’accomplissement de la Torah et des Mitsvot en toutes tes voies ”. Or, il semble difficile de satisfaire pleinement une telle requête. Car, le sentiment et la compréhension de l’homme peuvent évoluer, non seulement en des périodes différentes, mais aussi dans la même année, le même mois, le même jour. Il n’en est pas de même pour la requête ainsi formulée, qui est toujours la même.

L’explication de tout cela peut être trouvée dans une notion fondamentale, qui est énoncée dans la Me’hilta, à la Parchat Yethro, selon laquelle la condition préalable au don des dix Commandements et de la Torah fut la suivante : “ Quand on acceptera Ma Royauté, J’émettrai pour vous des Décrets ”. Et, l’on accepte Sa Royauté en se soumettant à Lui, ce qui, de fait, ne dépend ni de la compréhension, ni du sentiment. En effet, l’intellect et l’émotion ne sont que des moyens de percevoir ou de ressentir, mais, en la matière, ils ne sont pas essentiels. Bien plus, une soumission au-delà de toute rationalité permet ensuite de comprendre et de ressentir plus profondément. La règle de base du mouvement auquel vous appartenez offre donc une possibilité spécifique de transmettre notre Torah, Torah de vie et la pratique concrète des Mitsvot, au quotidien, d’une manière particulière, plus favorable, en se démarquant ainsi de ceux qui commettent l’erreur de dire que les jeunes, à notre époque, ne supportent pas l’obéissance et la soumission. C’est, bien au contraire, l’un des moyens les plus efficaces de conquérir le cœur de la jeunesse, non seulement celle qui est religieuse ou qui l’est à moitié mais bien de tous les jeunes qui s’enrôlent, qui répondent effectivement à l’appel, à condition qu’on leur apporte une explication véritable et profonde.

A première vue, un tel appel n’enthousiasme pas leur intellect et leur émotion, mais, au final, il en sera bien ainsi, quelle que soit la manière dont on l’explique, d’une façon très grossière ou bien un peu plus fine, en écoutant l’âme animale qui dira que l’enrôlement et l’assujettissement à un officier, dont on ne peut contester l’autorité, libère celui qui a été engagé de sa responsabilité et de la nécessité de prendre une décision à chaque pas. Mais, l’explication véritable est : “ la bougie de D.ieu (qui) est l’âme de l’homme ”, celle de l’âme divine. Cette âme est, de manière naturelle, une parcelle de Divinité et elle est attirée vers sa source et son origine. Selon les termes de l’Admour Hazaken, cette nature “ transcende l’entendement, l’intellect perçu et compris ”, qui ne sont que des instruments extérieurs de l’essence de cette âme. En tout état de cause, ce point fondamental et décisif existe chez chaque jeune. Nous avons pu constater, à notre époque, à quel point c’est précisément la soumission qui a su conquérir le cœur des jeunes, par le nombre de leurs années comme par leurs forces cachées et leur courage. De fait, en ces dernières années, les déceptions se sont multipliées, dans différents domaines. Des milliers, des dizaines de milliers de jeunes ne trouvent pas de fondement, de base sur lesquels ils peuvent se tenir. Heureux est donc le sort de quiconque lance l’appel suivant : “ Engagez-vous dans les armées de D.ieu, Qui donne la Torah et ordonne la Mitsva ! ”. De la sorte, on convaincra, l’un après l’autre, tous les milieux de la jeunesse égarée. En effet, ici se réunissent et s’assemblent deux points, les traits de caractère spécifiques à chacun, d’une part, une armée au sens propre, d’autre part, car la Torah de vérité est une Torah de vie, insufflant la vie de ce monde, non seulement dans un moments fort comme la prière de la Neïla de Yom Kippour, mais aussi, de la même façon, à chaque instant de la semaine.

Cette conquête de la jeunesse, d’un milieu après l’autre, d’un cercle après l’autre, est la condition nécessaire à la fin du présent exil, qui diffère de ceux qui l’ont précédé. Les délivrances passées n’ont pas été complètes et une partie des Juifs est alors restée en exil, matériellement ou spirituellement. Il n’en sera pas de même pour le présent exil. L’assurance nous a été donnée que nous connaîtrons la délivrance véritable et complète, de l’exil apparent comme de l’exil profond, de l’exil physique comme de l’exil moral. Le salut de chaque âme juive hâtera donc la délivrance collective. C’est également là le fondement de la ‘Hassidout, qui souligne l’importance du Précepte : “ Tu aimeras ton prochain comme toi-même ” et de la diffusion de ses sources à l’extérieur. Chaque pas dans cette direction rapproche la fin de l’exil et le début de la délivrance, qui sera véritable et complète. Il ne faut donc négliger aucune action. Qui peut mesurer l’importance de ce qui est accompli, quand un seul jeune homme porte les Tefillin ou une seule jeune fille récite le Chema Israël ? Il ne s’agit pas uniquement d’un accomplissement spécifique, effectué par une personne spécifique en un jour spécifique. Tout cela s’additionne pour constituer un grand ensemble, dont chaque détail est la condition qui permet de hâter la délivrance collective. Avec mes respects et ma bénédiction,