Lettre n° 709

Par la grâce de D.ieu,
8 Elloul 5710,

Au Rav, ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav I. C. Z.(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre du 24 Mena’hem Av, m’apprenant que mon beau-père, le Rabbi, avait donné son accord pour que votre fils aîné, ‘Haïm, s’occupe, à temps partiel, du jardin d’enfants et vous me demandez s’il doit continuer à le faire.

En effet, vous regrettez qu’il lui faille interrompre ses études pour cela, qu’il se distingue, en cela, de tous ses amis, élèves de la Yechiva Loubavitch. Vous me dites que vous-même et votre fils regrettez cette situation. Car, votre fils a des capacités.

Vous me demandez donc si votre fils doit poursuivre son activité, comme il l’a fait jusqu'à maintenant, ou bien s’il peut se rendre aux Etats Unis, pour y étudier à la Yechiva.

A mon avis, au moins pendant l’année(2), jusqu’au 10 Chevat 5711, il serait bon que votre fils continue à s’occuper du jardin d’enfants, tout en ayant un temps fixé pour l’étude, comme le lui a demandé mon beau-père, le Rabbi. Il fixera, en outre, une étude de l’enseignement de mon beau-père, le Rabbi.

Vous expliquerez à votre fils, et également à vous-même, qu’il n’y a pas lieu de regretter qu’il consacre une partie de son temps à un travail matériel et ne dispose que des quelques heures qui restent pour l’étude de la Torah.

Nos Sages disent, comme le cite le chapitre 22 d’Igueret Hakodech, qu’un homme ne peut savoir d’où il tirera sa subsistance et quand reviendra la royauté de David(3). L’Admour Hazaken en déduit que ces deux faits sont comparables. Et le Chneï Lou’hot Haberit explique que la Torah parle, au sens propre, de l’existence céleste et, au sens figuré, de l’existence matérielle.

En conséquence, lorsque nos Sages disent qu’un homme ne sait d’où il tirera sa subsistance, ils font aussi, et même essentiellement, allusion, à la récompense et à la subsistance morale. La comparaison est faite, également dans ce domaine, avec la date de la venue du Machia’h, que "le cœur ne révèle pas à la bouche". L’explication de cette expression est la suivante.

Il s’agit ici du Cœur céleste et de la Bouche céleste. En d’autres termes, la Bouche céleste elle-même n’a pas connaissance de la date de la délivrance. Or, selon l’Admour Hazaken, il en est de même pour la récompense et la subsistance morale.

Que l’on médite donc. Pourquoi faut-il bâtir son propre raisonnement, se demander ce qui est moralement préférable pour soi-même? Or, nous pouvons nous estimer heureux du simple fait de savoir que la spiritualité existe, car il est clair que nous n’en percevons pas la nature. En l’occurrence, une instruction claire a été donnée par le chef de la génération, qui est le cœur de tout Israël, plus élevé que la bouche.

Bien plus, la ‘Hassidout explique que le Rabbi, chef de la génération, est l’intermédiaire entre la Quintessence de D.ieu et le peuple d’Israël. Il a dit où l’on pouvait trouver sa subsistance morale. Cet endroit est donc assurément le meilleur pour l’âme et pour le bien être du corps. L’âme est elle-même en bonne santé lorsqu’elle met en pratique le Dessein et la Volonté de D.ieu.

Ce qui vient d’être dit est, de façon générale, la réponse aux questions que se posent les ‘Hassidim, en Australie. Ceux-ci ne cessent de se plaindre de leur sort, qu’ils considèrent comme amer, parce qu’ils sont éloignés de tel endroit et de telles personnes. Il n’y a là qu’une intervention de leur mauvais penchant, destinée à troubler leur service de D.ieu, à les empêcher de mener à bien la mission qui leur a été confiée par mon beau-père, le Rabbi, lequel possède une âme collective. La ‘Hassidout explique ce qu’est une règle transcendant les détails, y compris tels qu’ils sont partie intégrante de cette règle.

Vous connaissez la sentence du Rabbi Rachab(4) selon laquelle les élèves de la Yechiva sont "des bougies, qui éclairent". On peut en déduire plusieurs enseignements. Voici deux d’entre eux:
1. Une bougie, lorsqu’elle en allume une autre, ne perd rien de sa clarté.
2. Une bougie qui éclaire s’acquitte simplement de la mission qui lui a été confiée, ce qui est la plus haute élévation à laquelle une créature limitée peut prétendre, accomplissant ainsi la Volonté de son Créateur. Elle peut, de la sorte, se lier à Lui. De fait, différents textes de ‘Hassidout montrent que Mitsva est de la même étymologie que Tsavta, le lien.

Je comprends parfaitement que l’on puisse se sentir seul en Australie, surtout lorsque l’on se souvient de l’endroit où l’on habitait tous ensemble, constituant une large communauté. Le soleil éclairait alors comme à midi et la lumière d’une bougie était donc insignifiante. Néanmoins, il faut conclure que cela n’était qu’une préparation pour intégrer les forces permettant d’éclairer l’obscurité et de faire de votre pays actuel un endroit lumineux, baigné de Torah et de son luminaire, c'est-à-dire de la ‘Hassidout, dont les sources doivent se répandre jusqu’aux extrémités de la terre.

Ainsi, nous avons la certitude que la royauté de David sera restaurée, comme l’explique longuement la causerie de Sim’hat Torah 5690(5). C’est là la récompense, spirituelle et matérielle, la plus considérable qui soit. Nous avons vu, en effet, que, selon l’Admour Hazaken, cette récompense est bien comparable au retour de la royauté de David.

Je conclus en vous donnant ma bénédiction afin d’être inscrit et scellé, de même que les membres de votre famille et toute votre communauté, pour une bonne année. Vous voudriez bien communiquer le contenu de cette lettre à tous les ‘Hassidim qui se plaignent de la mission leur ayant été confiée par mon beau-père, le Rabbi. Je vous en remercie d’avance.

Mena’hem Schneerson,

Notes

(1) Le Rav Chnéor Zalman Sérébrianski, d’Australie. Voir, la lettre n°623.
(2) Du deuil.
(3) La venue du Machia’h.
(4) Voir la lettre n°445.
(5) 1929, du précédent Rabbi.