Lettre n° 7113

Par la grâce de D.ieu,
10 Kislev 5720,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre, que vous introduisez d’emblée par une explication. Bien évidemment, cela était tout à fait inutile, d’autant que, quand on écrit à quelqu’un, on attend de lui une réponse en retour et l’on désire, en outre, que cette lettre soit utile. Il faut donc l’écrire comme on le sent. Pour autant, je dois vous répondre sur cette explication, qui était destinée à justifier votre affirmation selon laquelle : “ vous n’êtes pas un ‘Hassid ”. Puis, tout de suite après cela, vous précisez que votre père, pour sa part, en était un. Il y a bien là une contradiction, car les qualités évidentes se transmettent par héritage. Il en résulte qu’on doit retrouver, d’une manière beaucoup plus profonde et beaucoup plus forte, chez les enfants, les qualités morales que les parents avaient eux-mêmes intériorisées et acquises.

Selon votre lettre, j’imagine que vous savez à quel point un ‘Hassid est profondément pénétré de son sentiment. Combien plus en était-il ainsi à l’époque de vos parents, comme l’indique l’expression courante qui dit : “ de la manière dont cela se passait là où nous résidions auparavant ”. Et, ce sentiment était intimement lié à la vie de leur âme. Il est donc une certitude que les enfants en héritent, mais, comme c’est également le cas pour d’autres caractères, certains aspects se révèlent et sont évidents, alors que d’autres attendent le moment propice pour le faire. Et, il en est d’autres encore que l’on souhaite cacher ou, en tout cas, empêcher leur révélation. Il est pourtant certain qu’ils sont là, qu’ils existent, comme tout ce qui vie et qu’ils se trouve dans le monde. On ne peut en aucune façon les faire disparaître. Tout au plus peut-on en changer la forme, mais il n’est jamais arrivé qu’on les détruise, avant même leur formation. Et, si l’on entend lutter contre eux, mais je suis certain que ce n’est pas le cas pour ce qui vous concerne, ou, tout au plus, leur retirer toute influence, ayant le sentiment qu’il en est mieux ainsi, que, de la sorte, on ne pourra pas exiger ce que la ‘Hassidout demande, on risquera de s’en trouver déstabilisé, de se distinguer de son entourage, ce qui rend nécessaire l’effort auquel on ne veut pas consentir.

Bien entendu, cette longue introduction n’a pas été écrite pour prononcer un discours, comme on dit, encore moins pour vous faire de la morale, ce qu’à D.ieu ne plaise, mais bien pour vous faire connaître ma conception, à propos de ces personnes, issues de différents milieux, en espérant qu’elles prennent conscience que chacune d’elles, au profond d’elles-mêmes, possède un trésor d’une immense valeur. De ce fait, chaque jour perdu est regrettable, s’il n’est pas utilisé pour parvenir à ce but, jusque dans l’existence quotidienne. Et, à n’en pas douter, ce sentiment sera si intense que, malgré l’effort qu’il exige, on voudra révéler à l’évidence ce trésor qui est profondément caché en soi.

Je passe au second paragraphe de votre lettre et je précise qu’il n’est nul besoin d’avoir confiance en l’autre, mais bien d’avoir confiance en soi, en son Judaïsme, c’est-à-dire, selon l’expression de l’Admour Hazaken dans le Tanya, en “ la seconde âme d’Israël qui est une parcelle de Divinité céleste véritable ”. Je me permets également de vous écrire, quoique brièvement, à propos de la conclusion de votre lettre, dans laquelle vous me parlez de votre fille. La meilleure manière de guider les élèves et d’influencer les enfants n’est pas tellement verbale, y compris quand on se répète de nombreuses fois. Elle consiste, plus exactement, à consister un exemple vivant. Si l’on attend de l’autre une adhésion intégrale, on doit soi-même avoir une attitude plus qu’intégrale. Si l’on se dit qu’il s’agit d’une influence qui changera la vie de ses enfants pour de nombreuses années, puis de ses petits-enfants, lorsque D.ieu accorde la bénédiction d’en avoir, on comprendra que chaque effort en ce sens est justifié et qu’il peut exercer son effet “ jusqu’à la fin du monde ” et des générations. Avec mes respects et ma bénédiction afin de donner de bonnes nouvelles de tout cela,