Lettre n° 7190

Par la grâce de D.ieu,
11 Chevat 5720,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre du 4 Chevat, avec ce qui y était joint. Vous m’interrogez sur la rumeur selon laquelle j’aurais adressé une circulaire(1) à toutes les institutions et à tous les ‘Hassidim ‘Habad, sur la manière d’écrire la date de cette année, Tav, Chin, ‘Haf, 5720, avec un ‘Haf recourbé(2) et non pas long(3). Et, que personne n’ose…(4). Cette formulation n’est pas exacte. En fait, l’une des institutions ‘Habad m’a interrogé, en la matière, à la fin de l’année dernière. J’ai donné mon avis, selon lequel on doit écrire un ‘Haf recourbé, mais, pour différentes raisons, je n’ai pas écrit : “ que personne n’ose… ”. Tout d’abord, je n’accepte pas de faire de toute chose l’instruction la plus sévère. En la matière, nous pouvons nous suffire de ce qui a, d’ores et déjà, été énoncé, mais, pour l’heure, n’a pas encore été adopté par tous les milieux du peuple juif.

La raison pour laquelle j’ai écrit cela est essentiellement la suivante. Le même doute existe pour numéroter les paragraphes et les chapitres de nos livres sacrés, de même que pour leur pagination. Il existe, à ce propos, une coutume juive, en vigueur depuis plusieurs centaines d’années. Il est particulièrement judicieux d’en tenir compte et de s’y conformer, surtout si l’on se rappelle qu’auparavant, la publication de tels ouvrages était qualifiée de mission sacrée. Elle était assumée avec un grand scrupule, jusque dans le moindre détail. De fait, de nombreux imprimeurs étaient dignes de confiance et versés dans l’étude, en différents endroits où se trouvaient des Juifs. Or, il est bien évident, et tous l’admettent, que les paragraphes du Tour et du Choul’han Arou’h sont numérotés avec un Kaf recourbé.

Bien entendu, aucune preuve ne peut être tirée du fait que certains textes portent un Kaf long. Ceci s’applique, en fait, au groupe de lettres Mêm, Noun, Tsaddik, Pé, Kaf. De même, on écrit(5) tantôt Reïch, Noun(6), Teth, tantôt Tav, Reïch, Noun(7). Et, l’on peut citer des centaines, des milliers d’exemples, de manière concrète, dans les livres de nos frères, les enfants d’Israël Sefardim et dans leurs lettres. Une autre raison explique ma position, même si, à mon sens, celle qui a été énoncée au préalable est, à elle seule, déterminante. En effet, les livres développant le sens allusif et le sens ésotérique disent que les lettres Mêm, Noun, Tsaddik, Pé, Kaf, correspondent à des nombres, le Kaf long, le Tav Kouf(8). Dès lors, pourquoi instaurer une manière d’écrire qui contredit ces nombres, même s’il n’en est ainsi que d’après le sens allusif ? A ce propos, vous évoquez, dans la circulaire qui est jointe à votre lettre, l’accent tonique des lettres longues. Or, votre lettre a été reçue à la veille du Chabbat Bo, dont la Haftara se conclut par un Kaf long et portant un accent tonique.

Je conclus encore une fois comme j’avait introduit la présente. Malgré tout cela, je n’apprécie pas une telle manière de formuler, concernant un point aussi fondamental et essentiel, même si cela ne correspond pas à la manière de numéroter les paragraphes du Choul’han Arou’h, pourvu que l’on mette en pratique le contenu de ces paragraphes. Avec mes respects et ma bénédiction,

Notes

(1) Il s’agit de la lettre n°6918. Voir aussi, à ce propos, les lettres n°7199, 7254 et 7282.
(2) Celui du début ou du milieu d’un mot.
(3) Celui de la fin d’un mot.
(4) En faire autrement.
(5) Pour désigner l’année 5650 (1890)
(6) Qui est alors un Noun recourbé.
(7) Qui est alors un Noun long.
(8) Qui correspond à cinq cents.