Lettre n° 7282

Par la grâce de D.ieu,
premier jour de Roch ‘Hodech Iyar 5720,
Brooklyn,

Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
aux multiples connaissances, le Rav C. Y.(1),

Je vous salue et vous bénis,

Après une interruption inhabituelle de votre part, jusqu’à maintenant, j’ai bien reçu votre lettre de l’issue du Chabbat et j’attends la suite de vos bonnes nouvelles concernant ces fonctions rabbiniques(2). J’ai également écrit, à ce propos, au ‘Hassid, Rav C. D. Zyslin(3) et à mon proche parent, le ‘Hassid Rav A. Z. Slonim(4). Votre lettre semble indiquer que le poste rabbinique de la synagogue ‘Habad de Tel Aviv est uniquement une question interne. Bien entendu, mon but n’est pas de me plaindre du passé, mais surtout d’évoquer l’avenir proche. Il est particulièrement important de faire en sorte que ce poste rabbinique ait un statut officiel, ce qui permettra à celui qui en est titulaire d’exercer une influence à l’extérieur de cette synagogue, comme je l’ai dit. Pour passer d’un détail à un autre en restant dans le même contexte, j’aimerai avoir votre avis, quant au candidat qui serait en mesure d’être le Rav de la synagogue ‘Habad de Tel Aviv.

Dans l’ordre, votre lettre évoque ensuite la manière d’écrire 5720(5) et vous cherchez à tirer une preuve du fait que, dans certains calendriers, un Kaf, en milieu de mot, est écrit comme s’il était final. Vous en déduisez qu’il doit, a fortiori, en être ainsi lorsque cette lettre se trouve bien à la fin du mot. A mon avis, on ne peut pas tenir un tel raisonnement. En effet, quand on écrit un Kaf final au début ou au milieu d’initiales, il ne peut pas s’agir, à proprement parler, d’une lettre finale. Mais, peut-être votre propos était-il simplement d’écarter un Noun final, dont la forme pourrait évoquer le Kaf final. Vous dites aussi que, dans certains discours et lettres de nos maîtres, il est fait mention de l’année 5720 avec un Kaf final. Il me semble avoir répondu à une question qui m’était posée, à ce sujet, de la ville sainte de Jérusalem, dont vous avez reçu une copie, que l’on ne peut tirer aucune preuve de références isolées. Bien plus, les Juifs ont l’habitude d’avoir recours à des figures de style et à des tournures allusives. C’est ainsi qu’à différentes références, on mentionne la séquence de discours ‘hassidiques intitulée : “ Sonnez du Chofar ” de 5650(6) avec un Noun final, alors que, dans plusieurs écrits et lettres, on parle de l’année Rénat(7). Or, il s’agit de la manière courante d’écrire ces termes, au quotidien. A mon sens, ceci écarte les preuves que vous mentionnez dans votre lettre.

Vous évoquez également les coutumes relatives à la manière de soulever un Séfer Torah(8). Or, il semble que celle-ci(9) ait déjà été instaurée, un certain nombre de fois, dans votre synagogue, parce que l’on procède de la sorte, dans la synagogue où a prié mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera. Peut-être avez-vous raison de dire qu’une coutume ne doit pas être modifiée, d’autant que les ‘Hassidim âgés pratiquaient déjà ainsi, dans les générations passées, avant leur arrivée en Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie. Néanmoins, la question qui se pose actuellement est la suivante. Faut-il remettre en cause l’attachement d’une personne à nos maîtres, même si ce sentiment va au-delà de la mesure ? Cette question peut être liée au récit suivant de nos Sages, rapporté par le traité Soukka 32b : “ Il agissait de la meilleure façon(10)… puisque c’est ce qu’il(11) avait exprimé par sa bouche ”. Or, le maître qui a donné cet enseignement ne prenait pas nécessairement lui-même une “ branche avec deux et un ”. Il avait seulement indiqué qu’il était loisible de le faire. Malgré cela, son disciple “ agissait de la meilleure façon ” en se conformant à son avis et, de la sorte, il mettait en avant son attachement à lui. Combien plus en est-il ainsi pour ce qui fait l’objet de notre propos, puisqu’il s’agit, en l’occurrence, d’une action concrète. Bien plus, celui qui constate le changement(12) sera conduit à poser une question et on lui apportera alors une réponse, on lui dira que tel est l’usage de nos maîtres, comme le rapportent nos Sages à propos de ‘Hevron(13). Je le disais auparavant, le point essentiel, en la matière, est le suivant. Le retour à la pratique préalable affaiblirait la position selon laquelle on doit s’efforcer d’adopter les coutumes en vigueur dans la synagogue de mon beau-père, le Rabbi. Avec mes respects et ma bénédiction pour donner de bonnes nouvelles,

M. Schneerson,

Notes

(1) Le Rav Chlomo Yossef Zevin, de Jérusalem. Voir, à son sujet, la lettre n°7066.
(2) Voir, à ce sujet, la lettre n°7265.
(3) Le Rav Chaoul Dov Ber Zyslin, de Tel Aviv.
(4) Le Rav Azryel Zelig Slonim, de Jérusalem, arrière-petit-fils de la Rabbanit Menou’ha Ra’hel, fille de l’Admour Haémtsahi.
(5) Tav, Chin, Kaf avec un Kaf de milieu de lettre ou bien final. Voir, à ce sujet, la lettre n°7190.
(6) Soit Tav, Reïch, Noun.
(7) Soit Reïch, Noun, Teth.
(8) Après sa lecture.
(9) La pratique sur laquelle le Rav Zevin s’interroge.
(10) En adoptant la position de son maître, bien que celle-ci n’ait pas été partagée par les autres Sages, en l’occurrence le choix, pour la fête de Soukkot, d’une branche de myrte de laquelle émanent, à chaque point de la tige, une feuille allant dans un sens et deux, dans l’autre sens.
(11) Son maître, ici Rav Kahana.
(12) Dans la manière de soulever le Séfer Torah.
(13) Où reposent les Patriarches. De ce fait, le nom de cette ville était mentionné avant d’effectuer le sacrifice perpétuel du matin.