Lettre n° 7438

Par la grâce de D.ieu,
jours de Seli’hot 5720,
Brooklyn, New York,

A l’attention de monsieur Eliézer Aryé Ha Lévi,
qui est appelé professeur Finkelstein(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai reçu votre lettre en son temps. Du fait de mes nombreuses activités, je n’y ai pas répondu par écrit, mais, bien entendu, je suis informé des développements et des modifications de l’institution que vous dirigez et, avant tout, de l’état d’esprit de ses élèves. Ceci me conduit à vous souligner encore une fois le point suivant, dont nous nous sommes entretenus à différentes reprises et que j’ai également, me semble-t-il, évoqué dans une lettre que je vous ai adressée. Sous réserve d’une vérification, il n’y a jamais eu un moment aussi propice que l’heure actuelle pour conduire la jeunesse, les jeunes, à se soumettre à la Torah et aux Mitsvot, au sens le plus littéral, c’est-à-dire à la pratique de ces Mitsvot, au quotidien, à leur accomplissement concret. Chaque instant, chaque opportunité, chaque occasion dont on ne se sert pas de la manière qui convient est une perte irrémédiable. Bien entendu, je ne veux pas dire qu’en faisant de la morale, en prononçant de tels propos, on transformera aussitôt ceux qui les écouteront, en sorte qu’ils respecteront toute la Torah et ses six cent treize Mitsvot. Mais, il est certain, comme la pratique en a fait la preuve, que non seulement ces propos auront un effet théorique, mais, qu’en outre, ils prépareront les esprits pour un changement effectif et, comme je l’ai dit, conduiront à la pratique des Mitsvot. Or, c’est bien l’acte qui est essentiel.

Il est douloureux de constater que, précisément les responsables, les guides spirituels, naturellement plus âgés que ceux qui les écoutent, que les élèves, ceux dont la personnalité morale a été constituée il y a vingt ou trente ans, soient encore animés par une crainte qui avait cours à l’époque, qu’ils aient adopté le dicton : “ en voulant en faire trop, on ne fait rien ”, qu’ils prennent une pointe de cheveu pour une montagne, pour un immense résultat. Et, il est difficile de les convaincre, car ils ont un argument lié à la crainte de D.ieu : s’ils s’adressent aux jeunes et à ceux qui les écoutent de la manière définie au début de ma lettre, ils pourraient les effrayer, perdre tout contact avec eux ! Et, qui sait où les conduira cette chute ? J’écris tout cela clairement car, d’après ce que l’on dit, vous-même n’éprouvez pas une telle crainte. Mais, en tout état de cause, j’ai la certitude que vous ne vous servez pas pleinement de votre capacité d’exercer une influence, de la manière qui vient d’être dite, peut-être du fait de l’opposition marquée par ceux qui sont d’âge moyen et auxquels je faisais auparavant allusion. Or, vous m’excuserez de dire que cette crainte n’a pas lieu d’être, car, à n’en pas douter, ceux qui vous écouteront, les élèves, seront de votre côté. Aux Etats-Unis, en particulier, les parents suivent les enfants et les professeurs s’en remettent aux élèves.

De fait, c’est bien là un des signes de la période du talon du Machia’h(2), de la dernière génération de l’exil, juste avant le début de la délivrance. Conformément à la promesse du prophète, “ Il fera revenir le cœur des pères par les fils ” et Rachi explique : “ par l’intermédiaire des fils ”. Il semble que ceci soit le contraire de la bénédiction, comme l’indique la Tossefta, à la fin du traité Sotta : “ les jeunes gens feront pâlir les anciens, le fils conspuera son père ”. Pour autant, il nous est commandé de transformer l’obscurité en lumière et l’amertume en douceur. Vous me soulignez l’importance de l’étude et de l’analyse approfondie. La Hala’ha tranche effectivement que l’étude est grande, mais elle en énonce aussitôt la raison : parce qu’elle conduit à l’action. Bien plus, pour que l’étude soit fructueuse et gravée dans l’esprit, elle ne doit pas contredire, en tout cas pas de manière évidente, l’existence quotidienne de ceux qui s’y consacrent, l’enseignant et l’élève. En outre, selon l’analyse des traits de caractère de l’homme, telle qu’elle est établie par la ‘Hassidout, on prépare son esprit à intégrer les propos de notre Torah, qui est sainte et qui est également une Torah de vie, en ayant une existence quotidienne conforme à ses enseignements. En ce sens, il existe une différence fondamentale entre notre Torah, bien qu’elle soit définie comme “ votre sagesse et votre entendement aux yeux des nations ” et les autres sciences, les disciplines de la connaissance. Quand on étudie une science, même éthique, le fait d’adopter un comportement totalement contraire à ses conclusions n’empêche pas de la comprendre. Il n’en est pas de même, en revanche, pour la sagesse de la Torah, non seulement sa dimension morale, mais aussi, par exemple, les lois de l’impureté et de la pureté, comme le souligne un bref dicton de nos Sages : “ D.ieu est avec lui et la Hala’ha est systématiquement tranchée selon son avis ”. En effet, c’est uniquement quand “ D.ieu est avec lui ” que l’on peut déterminer la Hala’ha ou, selon la formulation de la Michna, quand “ la crainte de D.ieu précède la sagesse ”.

Tout ce qui vient d’être dit est basé sur la conception qui est exposée dans votre lettre, montrant la nécessité de l’étude, dans un premier temps. En revanche, selon ma propre optique, la valeur de l’action doit être soulignée, en tout état de cause, car c’est par son intermédiaire que l’on peut influencer les jeunes, d’une façon immédiate et durable, les conduire, par la suite à l’ardeur dans l’étude. Vous savez sûrement que cette année marque le bicentenaire de la Hilloula du Baal Chem Tov. A cette occasion, nous avons publié un livre qui s’appelle : “ Baal Chem Tov ”. Il vous a été adressé par envoi séparé. Je ne sais pas quelle est votre relation avec la ‘Hassidout, mais je suis sûr que cet ouvrage suscitera votre intérêt. Peut-être clarifiera-t-il et renforcera-t-il ce qui est dit ci-dessus. Avec mes respects, ma bénédiction pour donner de bonnes nouvelles et mes vœux afin que vous soyez inscrit et scellé pour une bonne et douce année,

Notes

(1) Voir, à son sujet, la lettre n°6529.
(2) A proximité immédiate de sa venue.