Lettre n° 7535

Par la grâce de D.ieu,
8 Tévet 5721,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre de ce dimanche, de même que celle qui la précédait. Je vous remercie pour cette bonne nouvelle, la réussite du traitement médical. Puisse D.ieu faire qu’elle(1) recouvre bientôt ses forces et qu’elle puisse annoncer elle-même de bonnes nouvelles, en la matière.

Vous faites également référence à cette institution(2), dont vous envisagez le transfert à une certaine organisation. Il est bien évident qu’il convient, avant tout, de vérifier la compétence, dans le domaine de l’éducation basée sur les valeurs sacrées, de ceux qui en recevront la responsabilité, car ceci est bien l’essentiel, en la matière, puisque les élèves doivent grandir sur les bases de notre Torah et de ses Mitsvot. Certes, il semble qu’en la matière, il n’y ait pas de limite(3), mais, en l’occurrence, il convient de vérifier que l’éducation qu’ils reçoivent actuellement ne soit pas réduite. Je ne sais pas si l’on peut en obtenir la garantie dans le cadre du contrat de transfert ou de vente. En effet, on peut vérifier, dans la pratique, que tout ce qui concerne l’esprit et les conceptions morales, y compris quand un engagement est pris, se maintient uniquement dans la mesure où celui qui s’engage y adhère, car, si ce n’est pas le cas, on peut toujours trouver un moyen de se justifier(4).

Si cette condition est satisfaite de la manière qui convient, il est bon de se demander encore une fois si tout cela est bien justifié. Il serait judicieux d’y réfléchir après avoir déterminé clairement les chances d’obtenir une subvention pour la prochaine année scolaire. Je fais allusion à l’aide qui est accordée par les administrations et par les différentes organisations. Celles-ci, à n’en pas douter, détermineront, ces prochaines semaines, les budgets qu’elles accorderont. Alors, la situation sera claire et l’on pourra également vérifier les autres facteurs. En fonction de ces deux éléments, vous et votre épouse déciderez ce qu’il y a lieu de faire. D.ieu accorde Sa Providence à chacun et Il révèlera donc le bien, en tout point, pour cette institution et pour ce qui vous concerne personnellement. Voici pour ce qui est de l’action concrète.

J’ai maintenant l’obligation, et ceci est peut-être même un mérite, de préciser ma position sur les points que vous exposez dans votre lettre, afin de justifier ce que vous envisagez de faire. L’idée profonde de votre argumentation est, en l’occurrence, la suivante. Beaucoup d’efforts, d’empressement, de santé ont été investis dans cette institution. Or, quand on observe sa situation actuelle, on n’est pas encouragé à poursuivre l’action.

Vous comprendrez que je sois surpris et étonné par une telle manière de formuler le problème. En effet, l’objectif de cette institution est d’assurer l’éducation des fils et filles d’Israël. Or, si l’on établit un bilan, si l’on veut tirer une conclusion sur l’efficacité de l’empressement et des efforts consentis, on doit, avant tout, vérifier la qualité de l’éducation dispensée, c’est-à-dire combien de garçons et de jeunes gens mettent les Tefillin et prient, grâce à la formation qu’ils ont reçue. Il en est de même pour les filles et les jeunes filles. A n’en pas douter, bon nombre d’entre elles sont déjà mariées, elles ont construit ou construisent des foyers juifs. Il faut donc s’assurer que leur maison est basée sur les fondements de la Torah et des Mitsvot, se demander ce qui se serait passé si elles n’avaient pas reçu leur éducation dans cette institution. Il est sûrement aisé de l’établir, au moins d’une manière approximative, grâce aux statistiques établies sur les élèves d’autres écoles. Nos Sages disent que le salut d’une seule âme juive est équivalent à celui d’un monde entier. Combien plus est-ce le cas quand il s’agit de dizaines d’âmes ou peut-être même plus encore, de dizaines de foyers juifs, dont la situation, concernant la Torah et les Mitsvot, a une incidence pour eux-mêmes, pour les générations qui les suivent et pour celles qui viendront ensuite, jusqu’à la fin du monde.

Une telle analyse est uniquement basée sur le Choul’han Arou’h et peut-être également sur les livres du Moussar. Combien plus en est-il ainsi si l’on observe la situation avec l’éclairage de la ‘Hassidout, de l’enseignement du Baal Chem Tov, celui de l’Admour Hazaken et leurs principes fondamentaux. Je n’en mentionnerai ici que deux idées. Selon un dicton du Baal Chem Tov(5), “ une âme descend ici-bas et s’introduit dans un corps pendant soixante dix ou quatre vingt ans uniquement dans le but de rendre un service, matériel ou spirituel, à un Juif ”. En outre, un proverbe de l’Admour Hazaken affirme qu’en accomplissant une Mitsva, quelle qu’elle soit, “ l’unification qui en résulte là-haut est immuable et éternelle ”, selon le chapitre 25 du Tanya. Cela veut dire que, s’il y a quelque part, un jeune homme ou une jeune fille qui récite des bénédictions ou lit le Chema Israël, la descente, “ d’une cime élevée vers une fosse profonde ”, pendant soixante dix ou quatre vingt ans, de toutes les âmes qui ont permis d’obtenir un tel résultat se trouve ainsi justifiée. Bien plus, ce que ces âmes ont accompli là-haut est effectivement éternel et immuable.

Même si, pour une quelconque raison, vous et votre épouse n’êtes pas optimistes, je suis convaincu qu’y compris selon votre propre évaluation, des centaines d’âmes juives ont effectivement été sauvés, par votre intermédiaire, d’une complète assimilation, ce qu’à D.ieu ne plaise, qu’elles ont adopté un mode de vie basé sur la Torah et les Mitsvot, au moins de temps à autre. Des dizaines de milliers d’actions positives sont effectuées grâce à votre intervention et à votre effort. Si la conclusion est que tout cela était bien justifié, il faut immédiatement changer d’optique quant à votre action au sein de cette institution. Vous devez vous emplir d’une joie immense et d’un enthousiasme véritable pour tout ce que vous avez eu le mérite d’accomplir avec succès, en la matière. Une réflexion, même sommaire, à tout cela, vous montrera que la difficulté selon laquelle vous devez actuellement travailler tous les deux pour gagner votre vie, alors que, dans d’autres domaines, il suffirait qu’un seul d’entre vous travaille, ne doit même pas être soulevée. En effet, le moyen de gagner votre vie est spirituel. Il est “ planté en terre, mais son sommet parvient jusqu’au ciel ”(6), ce qui veut dire qu’il est plus élevé que le ciel tout en étant planté plus bas que la terre. Partant du point le plus bas, il parvient donc au sommet le plus haut. En outre, votre épouse a le mérite d’avoir elle-même accompli toutes ces actions. Par ailleurs, elle apporte également sa contribution aux réalisations de son mari. Il n’est pas de sort plus enviable.

Tout ceci pourrait être développé, mais, pour quelqu’un comme vous, je me contenterai de citer quelques points. Si vous analysez objectivement la situation, vous vous passerez d’une longue lettre, qui est expédiée d’un autre continent. Bien au contraire, quelqu’un qui se trouve sur place pourrait largement développer tout cela. Bien entendu, je n’ignore pas l’explication la plus première, selon laquelle on peut également agir pour la Torah et les Mitsvot, de même que pour leur diffusion, sans être confronté aux difficultés que vous avez subies, au sein de cette institution. Mais, point essentiel, on ne rencontre pas une telle situation chaque jour. Et, vous-même écrivez que la situation actuelle est surnaturelle. Il s’agit de la seule institution qui dépende de particuliers. En outre, chaque âme a sa propre mission, ses capacités. Un homme n’est donc pas toujours en mesure d’échanger une mission contre une autre, alors qu’il peut assumer sa mission ou ne pas le faire, puisque “ tout est dans les mains de D.ieu, sauf la crainte de D.ieu ”. Les Juifs ont donc le choix, reçoivent le libre-arbitre.

Cette constatation nous conduit à un autre point, que vous mentionnez aussi et qui apparaît, en outre, entre les lignes. Vous considérez que son état de santé(7) ayant rendu nécessaire une intervention chirurgicale et un traitement médical est la conséquence de la fatigue et des efforts qu’elle a investis dans cette institution. Or, qui peut l’affirmer ? En outre, le verset dit clairement que : “ si vous marchez dans Mes Décrets ”, et Rachi précise : “ en faisant porter vos efforts sur la Torah ”, dès lors “ Je donnerai ” toutes les bénédictions mentionnées dans la Paracha. Il y a donc tout lieu de penser que le contraire est vrai, que la réussite du traitement médical et le fait qu’elle recouvre la santé sont bien les conséquences de l’effort et du travail fournis pour cette institution et ce qui la concerne. Si, comme votre lettre semble l’indiquer, vous êtes convaincu que votre contribution à des causes de Tsédaka est intervenue dans la réussite du traitement, vous devez admettre qu’un don financier, aussi important qu’il puisse être, n’est nullement comparable à une contribution physique ou morale, laquelle permet d’investir les forces de son âme et de son corps dans la Tsédaka. Je fais allusion à la notion qui est introduite par le verset : “ La Tsédaka élève un peuple ”.

Il me semble vous avoir déjà écrit, dans mon précédent courrier que, de façon générale, mon propos n’est pas de faire de la morale ni de me plaindre du passé. Bien au contraire, j’envisage l’avenir. En l’occurrence, je souhaitais uniquement établir le bilan final de ce que vous avez accompli dans cette institution, tel que je le vois et, à mon sens, il est clair que celui-ci est exact. Comme je l’ai dit, ceci devrait susciter en vous une joie et un enthousiasme véritables. D.ieu agit “ mesure pour mesure ”(8), mais en proportion largement accrue. Puissiez-vous donc concevoir une satisfaction véritable de tous vos descendants, une satisfaction juive et ‘hassidique. Vous serez également satisfait des élèves que vous avez conduits au monde futur et, dans notre génération, également à ce monde, car, quand ils s’écartent, leur vie matérielle périclite également. J’espère obtenir de bonnes nouvelles de tout cela. Puisse D.ieu faire que vous me les donniez en bonne santé, dans la joie et l’enthousiasme. Avec ma bénédiction,

Notes

(1) Vraisemblablement, l’épouse du destinataire de cette lettre.
(2) Une école dirigée par le destinataire de cette lettre.
(3) Que l’on peut toujours faire mieux.
(4) Quand on ne tient pas son engagement. Textuellement : “ les portes des explications ne sont pas fermées ”.
(5) Voir, à ce sujet, la lettre n°2985.
(6) A l’image de l’échelle du rêve de Yaakov.
(7) Celui de l’épouse.
(8) De la manière dont on agit envers Lui.