Lettre n° 7765
Par la grâce de D.ieu,
jeudi, veille de Roch ‘Hodech Sivan,
Mal’hout de Yessod(1) 5702(2),
Newark, New Jersey,
A l’attention des dirigeants du
Merkaz Le Inyaneï ‘Hinou’h(3),
Je formule, en toute amitié, le souhait que vous alliez bien. J’ai pris connaissance, avec beaucoup de plaisir, de votre lettre du 23 Iyar(4) et de l’intérêt que vous avez manifesté pour mes remarques, relatives aux Conversations avec les jeunes, édités par vos soins. Bien plus, une note relative au fait que “ notre père Yaakov n’est pas mort ” m’a littéralement émerveillé et m’a éclairé les yeux. Vos propos me sont très précieux et je formulerai donc quelques remarques ici. Mon but n’est pas d’engager une correspondance et d’attendre votre réponse, mais uniquement de mettre en exergue une notion, qui pourra être approfondie pendant le temps libre :
A) D’après le Maharcha, l’affirmation selon laquelle Yaakov n’est pas mort doit être interprétée dans sa dimension morale. Ce n’est pourtant pas l’avis des Tossafot. Il faut en conclure que cette affirmation porte sur l’explication qui est envisagée et non sur la question posée : “ Est-ce en vain que l’on a prononcé son oraison funèbre ? ”. Le Maharcha cite d’abord les Tossafot, puis le commentaire de Rachi précisant que Yaakov avait été embaumé. Il semblait donc qu’il était mort, mais, en réalité, il était encore vivant. Le Maharcha constate, à ce propos : “ Cela est difficile à comprendre, mais j’ai entendu l’explication suivante ”, qu’il énonce ensuite. Il est donc évident qu’il a du mal à admettre les propos de Rachi et des Tossafot. En effet, pourquoi considérer qu’ils ne sont pas du même avis chaque fois que cela n’est pas dit clairement ? De ce fait, le Maharcha propose l’explication qu’il a entendue, sans qu’il soit nécessaire d’avancer que les Tossafot font référence à l’interprétation envisagée. Et, selon le commentaire, il n’est pas surprenant d’aller à l’encontre de Rachi et des Tossafot, comme le disent les Tossafot Yom Tov, chapitre 8, à la cinquième Michna du traité Nazir, précisant : “ Ces éléments n’ont pas d’incidence sur la Loi et une telle explication peut donc être avancée. Je ne constate pas non plus de différence entre la signification de la Michna et celle du verset, de sorte que l’on peut aussi proposer une lecture de ce verset, tout en observant de nos yeux les explications qui lui ont été données, depuis l’époque de la Guemara. En revanche, aucune Loi ne peut être introduite qui contredirait l’avis des maîtres de la Guemara. Ceci figure dans différents livres et l’on observe concrètement qu’il est différentes manières d’interpréter les versets ou les enseignements des Sages ”.
B) Vous indiquez, dans votre lettre, que cette précision permet de comprendre le changement de nom que l’on constate dans le verset Ichaya 41 : “ Ne crains rien, vers de Yaakov, morts d’Israël ”, en fonction de l’interprétation qui est donnée par le Midrash Béréchit Rabba, au chapitre 100. En effet,
1. On consultera le Ets Yossef, à cette référence du Midrash, citant le Yefé Toar, qui dit : “ La répétition : ‘vers de Yaakov, morts d’Israël’ fait allusion à Yaakov lui-même, qui délivre ainsi un enseignement à ses descendants. Tout comme les vers ne l’ont pas dévoré, les nations ne feront pas disparaître Israël.
2. Si l’on interprète littéralement les propos du saint Alché’h en parlant de mort à propos d’Israël, on ne comprendra plus ce passage du Midrash Rabba, qui dit : “ Pourquoi Yossef mourut-il avant ses frères ? Ne lui ai-Je pas dit : ‘Ne crains rien, vers de Yaakov’. Or, si la mort existait pour Israël, peut-être est-ce de ce fait qu’ils l’embaumèrent ”. Il convient donc de préciser tout cela.
C) Il est écrit que les paroles des Sages permettent de s’interroger sur le commentaire du saint Alché’h, d’après le Zohar, tome 2, à la page 50c et le commentaire de Rachi, de même que le Midrash Béréchit Rabba, au chapitre 96. En effet, la Guemara cite le verset : “ Et, maintenant, ne crains rien, Mon serviteur Yaakov… n’aie pas peur, Israël… : Il est encore en vie ”, ce qui établit clairement qu’il l’est bien par ses deux noms à la fois, Yaakov et Israël. Telle est aussi l’interprétation du Baal Ha Akéda, à la Parchat Vaye’hi, porte 32, qui écrit : “ On aurait pu dire, tout au moins, ‘Israël notre père n’est pas mort’. Or, le verset cité à ce propos précise à la fois ‘ne crains rien, Yaakov’ et ‘n’aie pas peur, Israël’. Ce passage établit donc que Israël n’est pas mort non plus ”.
Le commentaire du Béer Maïm ‘Haïm sur la Parchat Vaye’hi et celui du Or Ha ‘Haïm disent : “ Il fut saisi par la torpeur et il sembla qu’il était mort, mais, en réalité, il entra vivant dans le Gan Eden ”. Commentant le verset, “ les jours d’Israël approchèrent de la mort ”, le Yalkout constate aussi : “ Le Saint béni soit-Il déclara : Je promets que, même si tu es enterré, tu ne mourras pas ”. On verra, en outre, le Baal Ha Tourim, Béréchit, Paracha 50, au paragraphe 5, à propos du verset : ‘Je suis mort’, qui dit : “ Trois sont transmis par la Tradition… Bien que nos Sages disent : ‘Yaakov n’est pas mort’, dès lors que Moché affirma : ‘Je suis mort’, lui-même le dit aussi ”.
En conséquence, je suis surpris de constater que, dans ce que vous m’avez écrit, vous ne citez pas du tout les propos du Baal Ha Akéda, à la porte 32, qui élabore un long développement, à ce sujet. Et, le Malbim développe une explication en ce sens, à la Parchat Vaye’hi. A ce propos, je citerai également ce que j’ai vu dans les notes sur le Chass, imprimées dans le Talmud de Vilna, au traité Taanit. Selon le ‘Ho’hmat Manoa’h, notre père Yaakov ne mourut pas en Egypte, mais bien en Erets Israël. C’est le sens du verset : “ Voici, je suis mort dans ma tombe ”. Vous consulterez son explication.
(Le Rabbi ajoute ici :)
A) Aucune objection contre le Alché’h ne peut être soulevée à partir du Ets Yossef.
B) Il aurait été impossible d’embaumer Yaakov s’il n’était pas mort, car tout ceci concerne bien un seul et même corps. Et, l’on ne peut soulever aucune objection contre le Akéda à partir du Alché’h. Le Talmud explique que son corps resta vivant et qu’il perdit uniquement la vitalité accrue qui lui fut accordée quand il reçut le nom Israël. De ce fait, Yaakov put s’identifier à sa descendance, c’est bien évident.
(L’ajout du Rabbi s’arrête ici)
J’ai rédigé tout ceci dans le seul but de commenter la Torah et je ne demande aucune réponse à mes remarques, qui ont été formulées uniquement pour vous montrer à quel point vos propos me sont précieux. S’agissant de votre demande de diffuser les Conversations avec les jeunes, dans toute la mesure du possible, je suis, comme vous le savez, très occupé. Malgré cela, je le ferai, en fonction de mes moyens, avec l’aide de D.ieu. Avec mes respects et ma grande considération,
Moché Pin’has Kats,
Notes
(1) Le quarante deuxième jour de l’Omer.
(2) 1942.
(3) Le Rabbi introduisit quelques lignes, qui sont signalées ci-dessous, dans la présente lettre, dont l’auteur est le Rav Moché Pin’has Kats. Voir à son sujet, les lettres n°4684, 7781, 7799, 7802, 7841, 7858 et 7984.
jeudi, veille de Roch ‘Hodech Sivan,
Mal’hout de Yessod(1) 5702(2),
Newark, New Jersey,
A l’attention des dirigeants du
Merkaz Le Inyaneï ‘Hinou’h(3),
Je formule, en toute amitié, le souhait que vous alliez bien. J’ai pris connaissance, avec beaucoup de plaisir, de votre lettre du 23 Iyar(4) et de l’intérêt que vous avez manifesté pour mes remarques, relatives aux Conversations avec les jeunes, édités par vos soins. Bien plus, une note relative au fait que “ notre père Yaakov n’est pas mort ” m’a littéralement émerveillé et m’a éclairé les yeux. Vos propos me sont très précieux et je formulerai donc quelques remarques ici. Mon but n’est pas d’engager une correspondance et d’attendre votre réponse, mais uniquement de mettre en exergue une notion, qui pourra être approfondie pendant le temps libre :
A) D’après le Maharcha, l’affirmation selon laquelle Yaakov n’est pas mort doit être interprétée dans sa dimension morale. Ce n’est pourtant pas l’avis des Tossafot. Il faut en conclure que cette affirmation porte sur l’explication qui est envisagée et non sur la question posée : “ Est-ce en vain que l’on a prononcé son oraison funèbre ? ”. Le Maharcha cite d’abord les Tossafot, puis le commentaire de Rachi précisant que Yaakov avait été embaumé. Il semblait donc qu’il était mort, mais, en réalité, il était encore vivant. Le Maharcha constate, à ce propos : “ Cela est difficile à comprendre, mais j’ai entendu l’explication suivante ”, qu’il énonce ensuite. Il est donc évident qu’il a du mal à admettre les propos de Rachi et des Tossafot. En effet, pourquoi considérer qu’ils ne sont pas du même avis chaque fois que cela n’est pas dit clairement ? De ce fait, le Maharcha propose l’explication qu’il a entendue, sans qu’il soit nécessaire d’avancer que les Tossafot font référence à l’interprétation envisagée. Et, selon le commentaire, il n’est pas surprenant d’aller à l’encontre de Rachi et des Tossafot, comme le disent les Tossafot Yom Tov, chapitre 8, à la cinquième Michna du traité Nazir, précisant : “ Ces éléments n’ont pas d’incidence sur la Loi et une telle explication peut donc être avancée. Je ne constate pas non plus de différence entre la signification de la Michna et celle du verset, de sorte que l’on peut aussi proposer une lecture de ce verset, tout en observant de nos yeux les explications qui lui ont été données, depuis l’époque de la Guemara. En revanche, aucune Loi ne peut être introduite qui contredirait l’avis des maîtres de la Guemara. Ceci figure dans différents livres et l’on observe concrètement qu’il est différentes manières d’interpréter les versets ou les enseignements des Sages ”.
B) Vous indiquez, dans votre lettre, que cette précision permet de comprendre le changement de nom que l’on constate dans le verset Ichaya 41 : “ Ne crains rien, vers de Yaakov, morts d’Israël ”, en fonction de l’interprétation qui est donnée par le Midrash Béréchit Rabba, au chapitre 100. En effet,
1. On consultera le Ets Yossef, à cette référence du Midrash, citant le Yefé Toar, qui dit : “ La répétition : ‘vers de Yaakov, morts d’Israël’ fait allusion à Yaakov lui-même, qui délivre ainsi un enseignement à ses descendants. Tout comme les vers ne l’ont pas dévoré, les nations ne feront pas disparaître Israël.
2. Si l’on interprète littéralement les propos du saint Alché’h en parlant de mort à propos d’Israël, on ne comprendra plus ce passage du Midrash Rabba, qui dit : “ Pourquoi Yossef mourut-il avant ses frères ? Ne lui ai-Je pas dit : ‘Ne crains rien, vers de Yaakov’. Or, si la mort existait pour Israël, peut-être est-ce de ce fait qu’ils l’embaumèrent ”. Il convient donc de préciser tout cela.
C) Il est écrit que les paroles des Sages permettent de s’interroger sur le commentaire du saint Alché’h, d’après le Zohar, tome 2, à la page 50c et le commentaire de Rachi, de même que le Midrash Béréchit Rabba, au chapitre 96. En effet, la Guemara cite le verset : “ Et, maintenant, ne crains rien, Mon serviteur Yaakov… n’aie pas peur, Israël… : Il est encore en vie ”, ce qui établit clairement qu’il l’est bien par ses deux noms à la fois, Yaakov et Israël. Telle est aussi l’interprétation du Baal Ha Akéda, à la Parchat Vaye’hi, porte 32, qui écrit : “ On aurait pu dire, tout au moins, ‘Israël notre père n’est pas mort’. Or, le verset cité à ce propos précise à la fois ‘ne crains rien, Yaakov’ et ‘n’aie pas peur, Israël’. Ce passage établit donc que Israël n’est pas mort non plus ”.
Le commentaire du Béer Maïm ‘Haïm sur la Parchat Vaye’hi et celui du Or Ha ‘Haïm disent : “ Il fut saisi par la torpeur et il sembla qu’il était mort, mais, en réalité, il entra vivant dans le Gan Eden ”. Commentant le verset, “ les jours d’Israël approchèrent de la mort ”, le Yalkout constate aussi : “ Le Saint béni soit-Il déclara : Je promets que, même si tu es enterré, tu ne mourras pas ”. On verra, en outre, le Baal Ha Tourim, Béréchit, Paracha 50, au paragraphe 5, à propos du verset : ‘Je suis mort’, qui dit : “ Trois sont transmis par la Tradition… Bien que nos Sages disent : ‘Yaakov n’est pas mort’, dès lors que Moché affirma : ‘Je suis mort’, lui-même le dit aussi ”.
En conséquence, je suis surpris de constater que, dans ce que vous m’avez écrit, vous ne citez pas du tout les propos du Baal Ha Akéda, à la porte 32, qui élabore un long développement, à ce sujet. Et, le Malbim développe une explication en ce sens, à la Parchat Vaye’hi. A ce propos, je citerai également ce que j’ai vu dans les notes sur le Chass, imprimées dans le Talmud de Vilna, au traité Taanit. Selon le ‘Ho’hmat Manoa’h, notre père Yaakov ne mourut pas en Egypte, mais bien en Erets Israël. C’est le sens du verset : “ Voici, je suis mort dans ma tombe ”. Vous consulterez son explication.
(Le Rabbi ajoute ici :)
A) Aucune objection contre le Alché’h ne peut être soulevée à partir du Ets Yossef.
B) Il aurait été impossible d’embaumer Yaakov s’il n’était pas mort, car tout ceci concerne bien un seul et même corps. Et, l’on ne peut soulever aucune objection contre le Akéda à partir du Alché’h. Le Talmud explique que son corps resta vivant et qu’il perdit uniquement la vitalité accrue qui lui fut accordée quand il reçut le nom Israël. De ce fait, Yaakov put s’identifier à sa descendance, c’est bien évident.
(L’ajout du Rabbi s’arrête ici)
J’ai rédigé tout ceci dans le seul but de commenter la Torah et je ne demande aucune réponse à mes remarques, qui ont été formulées uniquement pour vous montrer à quel point vos propos me sont précieux. S’agissant de votre demande de diffuser les Conversations avec les jeunes, dans toute la mesure du possible, je suis, comme vous le savez, très occupé. Malgré cela, je le ferai, en fonction de mes moyens, avec l’aide de D.ieu. Avec mes respects et ma grande considération,
Moché Pin’has Kats,
Notes
(1) Le quarante deuxième jour de l’Omer.
(2) 1942.
(3) Le Rabbi introduisit quelques lignes, qui sont signalées ci-dessous, dans la présente lettre, dont l’auteur est le Rav Moché Pin’has Kats. Voir à son sujet, les lettres n°4684, 7781, 7799, 7802, 7841, 7858 et 7984.