Lettre n° 8240

Par la grâce de D.ieu,
10 Mar ‘Hechvan 5722,
Brooklyn,

Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav Nathan Mena’hem(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre de ce mercredi et, en son temps, votre livre Rayonot Nathan(2) sur la Torah. Je vous en remercie. Conformément à mon habitude, en pareil cas, je vous joins, ci-dessous, deux ou trois remarques que je formule, dans la limite de ce que mon temps me permet. Puisse D.ieu faire que vous vous serviez de vos capacités et de cette opportunité qui se présente à vous pour tout ce qui concerne la Torah et les Mitsvot. En effet, nos Sages constatent que : “ grande est l’étude qui conduit à l’action ” et ils disent que : “ l’acte est essentiel ”(3). Vous le ferez dans la joie et l’enthousiasme, ce que nous enjoint également notre Torah, Torah de vie, comme le dit le Rambam, à la fin des lois du Loulav. Avec mes respects et ma bénédiction pour donner de bonnes nouvelles,

Vous savez que, de façon générale, on ne soulève pas d’objection contre un commentaire(4), comme le dit le Chaar Ha Pessoukim, à propos du verset Chemot 1, 14. Néanmoins…,

sur l’introduction : Il faudrait en modifier au moins la forme, car il est clair que, de manière concrète, il est ici question du fait de réciter la bénédiction de la Torah quand on en rédige un commentaire. Il aurait donc convenu de préciser que ceci concerne uniquement celui qui les rédige avant(5) d’avoir récité la bénédiction de la Torah figurant dans les bénédictions du matin(5).

au début du livre, à la page 19 : Pourquoi la Torah commence-t-elle par un Beth plutôt que par un Aleph ? De fait, on peut objecter(6) que plusieurs termes commençant par un Beth décrivent le contraire de la bénédiction. Pour ce qui est du fait que la Torah aurait pu commencer par : “ Voici les descendances des cieux ”, vous consulterez, sur la question, le Tana Dveï Elyahou Rabba, qui dit, à la fin du chapitre 31 : “ En quoi le Beth se distingue-t-il ? Parce qu’il est dit : ‘au commencement, D.ieu créa’. Or, il aurait fallu dire : ‘D.ieu a créé au commencement’(7). En fait, il s’agit ici de commencer par un Beth, initiale de Bera’ha, bénédiction. Et, si tu objectes que le Beth introduit également le verset : ‘pleurer (Ba’ho), tu pleureras’… ”. Vous verrez aussi le Zohar, tome 1, à la page 205b, qui dit : “ Le Beth survint, qui est un signe de bénédiction. Ce n’est pas par le Aleph que le monde a été créé, afin de ne pas faire de place à ‘l’autre côté’(8), qui est appelé ‘maudit’(9). ”

à la même référence : S’agissant de l’antériorité des points(10), voici ce que dit le Pardès, au début de la porte 28 : “ Il est établi que les Sages d’Israël ont reçu une tradition, d’une génération à l’autre depuis Ezra le scribe, qui lui-même la reçut, d’une génération à l’autre, depuis Moché notre maître, puisse-t-il reposer en paix, qui l’entendit de D.ieu sur le mont Sinaï, selon laquelle les différents points sont au nombre de douze ”. Les positions des références que vous citez ont déjà été contredites depuis bien longtemps. Et, observez combien fut grande la peine de l’auteur du Sdeï ‘Hémed, qui ne cita leurs propos que pour les écarter résolument(5) ! Vous consulterez, à ce propos, la longue explication de son discours Pekouot Sadé, qui se trouve à la fin du Sdeï ‘Hémed(11).

à la fin du livre, à la page 274 : Un Grand commente la proximité qui peut être constatée entre la conclusion de la Torah et son début. Or, il aurait fallu revoir la formulation de ce passage. En effet, il semble que vous fassiez allusion à l’explication bien connue selon laquelle un miracle accompli par Moché, notre maître est plus important que ceux qui se produisirent par la suite, y compris dans le même contexte(5). Ce fut le cas, par exemple, pour le passage de la mer Rouge et l’ouverture du fleuve Guinaï, décrite par le traité ‘Houlin 7a. En effet, le miracle de Moché fut l’entrée en matière, le premier. Or, l’origine de cette explication est le commentaire du Baal Chem Tov sur l’affirmation de nos Sages selon laquelle : “ le monde entier est nourri pour(5) ‘Hanina mon fils ”, qui lui-même réalisa une telle entrée en matière. Vous consulterez le Séfer Toledot Yaakov Yossef, au début de la Parchat Kedochim, de même que ce qu’écrit l’Admour Hazaken, dans le Likouteï Torah, à la fin de la Parchat Tazrya. Pour ce qui est de cette proximité, on peut aussi rappeler la question que posent nos Sages, au traité Nedarim 39b : “ N’est-il pas dit qu’il n’y a ‘rien de nouveau sous le soleil’ ? ”. C’est le sens de la suite des versets : “ pour tous les signes et pour tous les miracles qu’il accomplit ”. Et, cela ne fut pas un fait nouveau, car : “ au commencement, D.ieu créa… ” et “ le Saint béni soit-Il fixa une condition à la création originelle ”, qui s’applique aussi aux miracles, comme l’expliquent nos Sages, dans le Midrash Béréchit Rabba, chapitre 5, au paragraphe 5, le Zohar, tome 2, à la page 198b, le commentaire de la Michna et les Tossafot Yom Tov sur le traité Avot, chapitre 5, à la Michna 6.

Notes

(1) Le Rav N. M. Mandel, de Kew Garden. Voir, à son sujet, les lettres n°2488 et 2553.
(2) Les réflexions de Nathan.
(3) Voir le traité Kiddouchin 40b. Voir aussi la lettre n°8238.
(4) Un même concept pouvant recevoir plusieurs commentaires, divergents le cas échéant.
(5) Le Rabbi souligne les mots : “ avant ”, “ matin ”, “ résolument ”, “ y compris dans le même contexte ” et “ pour ”.
(6) A la réponse d’ordinaire apportée à cette question, le fait que Beth est l’initiale de Bera’ha, bénédiction.
(7) “ Au commencement (Béréchit), D.ieu créa ” fait commencer la Torah par un Beth, alors que : “ D.ieu (Elokim) créa au commencement ” l’aurait faite commencer par un Aleph.
(8) Celui du mal.
(9) Arour, terme qui commence par un Aleph.
(10) A l’origine des Attributs de D.ieu, par lesquels la création fut réalisée.
(11) Tome 9, chapitre 4, à partir de la page 1916d.