Lettre n° 8322

Par la grâce de D.ieu,
3 Chevat 5722,
Brooklyn, New York,

Mémoire(1)

Je me permets de vous rappeler quelques points, qui sont d’actualité. A n’en pas douter, ceux-ci ne vous ont pas échappé. Néanmoins, je n’ai pas eu connaissance que quoi que ce soit ait été fait, en la matière. Il est donc de mon devoir d’appeler votre attention sur leur grande importance :

A) Ces derniers mois, comme on le sait, sont arrivées en notre Terre sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie par notre juste Machia’h, très bientôt et de nos jours, des milliers de familles de nouveaux immigrants. Bien évidemment, certaines viennent de pays desquels on ne peut pas dire que tous les Juifs, sans la moindre exception, y respectaient la Torah et les Mitsvot. Pour autant, il est certain que bon nombre de ces nouveaux immigrants respectent eux-mêmes la Torah et les Mitsvot. Autre point, qui est essentiel, selon l’optique de notre Torah, Torah de vie, un Juif, quel qu’ait été son comportement de par le passé, reçoit, chaque jour(2) de nouveau, la Torah et ses Mitsvot et, bien plus, il est tenu de la recevoir. Toutefois, si son comportement préalable n’était pas conforme à ce qu’il devait être, une Mitsva supplémentaire lui incombe, celle de la Techouva. Or, quand arrivent de tels nouveaux immigrants, on les installe, bien souvent, dans des implantations nouvelles, que l’on crée spécifiquement pour eux. De la sorte, ils se trouvent, pendant un certain temps, en contact avec les représentants des différentes administrations qui sont chargées de l’implantation et de l’intégration. Et, la nature humaine veut que la première impression soit la plus forte, en particulier quand on reçoit de l’aide afin de s’installer et des directives dans les domaines agricole et industriel.

D’après les informations que j’ai reçues jusqu’à maintenant, les moniteurs et les inspecteurs qui accueillent ces immigrants au port maritime ou bien à l’aéroport, pour la plupart, ne respectent pas encore la Torah et les Mitsvot, à ma grande douleur. Ceci apparaît à l’évidence dans leur comportement, dès la première rencontre, même s’ils n’ont pas l’intention de mettre en évidence leur irréligiosité. Et, de fait, certains d’entre eux soulignent clairement cet aspect des choses. Bien plus, quelques-uns souhaitent profiter de cette situation pour écarter les immigrants de la Torah et des Mitsvot. Il est clair que, lorsque ces derniers sont soumis à une telle influence, il est difficile, par la suite, de les ramener vers le bien, de les rapprocher de D.ieu et de Sa Torah. En effet, il est un principe bien connu(3) selon lequel : “ celui qui commet une transgression puis le fait encore acquiert le sentiment que celle-ci est un acte permis ”. A fortiori est-ce le cas quand on la commet de nombreuses fois. Il en serait ainsi même s’il s’agissait d’une seule âme juive et cela est valable, a fortiori, pour des milliers de familles. Or, il semble que, dans un proche avenir, des milliers de familles de nouveaux immigrants viendront encore. Il faut donc agir, arrêter des moyens urgents et indispensables pour remédier à cette situation, dans la plus large mesure possible.

En fait, il faudrait qu’il y ait des représentants religieux, dans les lieux de rassemblement, à l’extérieur de la Terre Sainte et sur les bateaux. Mais, même si cela n’est pas possible, il est, en tout état de cause, indispensable, à mon sens, que ces représentants religieux accueillent les immigrants à l’aéroport ou bien au port maritime, puis qu’ils les accompagnent, pendant quelques temps, dans les endroits où ils s’installent. Quant aux immigrants arrivés ces derniers mois et d’ores et déjà confrontés à cette situation, il est sûrement possible de rectifier les choses, pour une large part si ce n’est en totalité. Bien entendu, je n’ignore pas que ceci pose, avant tout, un problème de personnel. Il faut trouver les hommes qui sont aptes à accueillir les immigrants et à les soutenir. Il y aura peut-être aussi un problème de financement. Néanmoins, on peut espérer, si l’on se consacre réellement à tout cela, que l’on résoudra l’un et l’autre(4), au-delà de ce que l’on peut imaginer d’emblée. De fait, il faut agir, y compris au bénéfice du doute et a fortiori lorsqu’il n’y a pas de doute, quand il est certain que l’on peut accomplir beaucoup.

Bien entendu, mon but n’est pas de formuler des propositions dans le but de remédier à la situation, en interrogeant la Knesset ou bien par tout autre moyen officiel. D’une part, on peut craindre que, de cette façon, les esprits s’enflamment. A l’opposé, il sera ainsi plus facile de motiver l’opinion publique et de recruter des volontaires. De plus, et même si l’on ne fait pas d’intervention officielle, tout cela ne restera pas secret et ceux qui veulent alerter les esprits s’empresseront de le faire. En pareil cas, ceux qui craignent la Parole de D.ieu ne l’emporteraient pas. Or, pour reprendre l’expression de nos Sages(5), “ le juge ne peut se baser que sur ce qu’il voit de ses yeux ”, en son endroit et à son époque. De fait, toute situation a systématiquement une qualité et un défaut. S’agissant de l’immigration actuelle, ceux qui arrivent ne respectent pas tous la Torah et les Mitsvot, d’après ce que l’on dit. Il est donc encore plus clairement nécessaire de les accueillir de la façon qui vient d’être décrite. En effet, si tous les immigrants étaient pratiquants, on pourrait attendre qu’ils exigent eux-mêmes la satisfaction de leurs besoins religieux, ce qui n’est pas le cas de ces personnes. Si l’on n’introduit pas tout cela dès le premier instant de leur arrivée, elles n’en prendront pas elles-mêmes l’initiative.

B) Cette question reçoit une acuité particulière parce qu’une partie de ces immigrants s’installent dans des zones nouvelles. Même si l’implantation nouvelle se trouve à proximité d’un kibboutz religieux ou bien d’une grande ville, il reste nécessaire d’instaurer une relation étroite avec cet endroit, au moins au début de l’installation. Combien plus est-ce le cas lorsque cette installation a lieu dans une bande nouvelle. En effet, ces bandes ont été conçues pour être indépendantes et pour ne pas avoir recours aux kibboutzim et aux villes. Tout doit s’y trouver et ceux qui sont chargés de les développer, pour des raisons bien évidentes, appartiennent au parti politique majoritaire. Dans ces conditions, les nouveaux immigrants sont totalement isolés et ils ont des contacts uniquement avec les représentants, les délégués et les moniteurs qui ne respectent pas la Torah et les Mitsvot. Les conséquences en sont bien claires et il est inutile d’en dire plus.

Nos Sages disent(6) que tout dépend du Mazal. Pour les premières centaines d’enfants, on a tempêté et mené campagne et, jusqu’à un certain point, il est certain que cela aura des conséquences effectives. Or, en l’occurrence, il s’agit de plusieurs milliers de familles et l’on n’entend pourtant aucun écho. Il semble donc que rien n’ait été fait.

C) Pour faire suite à la fin du paragraphe précédent, concernant l’intégration des jeunes dans le cadre de l’Alya de la jeunesse ou même des enfants plus jeunes encore, le problème est non seulement de leur assurer une éducation religieuse, mais aussi de disposer d’un nombre suffisant de lieux susceptibles de les intégrer. La difficulté posée par ces lieux n’est pas uniquement liée au coût de la nourriture, de la boisson, du coucher ou des frais d’éducation. En tout état de cause, les lieux qui existent seront bientôt à pleine capacité et ils n’auront plus de place à proposer. Le problème essentiel est donc de trouver des bâtiments nouveaux, des internats et des lieux d’intégration, ce qui rend nécessaire de larges montants, au-delà de ce qu’il est possible de se procurer.

A l’opposé, les budgets du gouvernement, ceux des différents ministères et de l’Agence juive, comportent des montants importants qui sont affectés à l’habitat et à l’intégration. D’une manière ou d’une autre, il est nécessaire de loger les nouveaux immigrants. Cela veut dire que ce moment est propice pour agir, d’une manière systématique et fondamentale, afin qu’une partie de ces crédits destinés à l’habitat soit consacrée aux internats pour les jeunes de l’âge de l’Alya de la jeunesse et pour ceux des enfants plus jeunes ne pouvant pas résider avec leurs parents, quelle qu’en soit la raison, ou bien du fait de difficultés familiales, ou parce que les parents ne sont pas encore arrivés en Terre sainte ou encore du fait de la taille des familles. De fait, on peut définir un internat comme une habitation normale. Car, pourquoi distinguer le logement de toute une famille de celui qui ne concerne qu’une partie de celle-ci ? Il n’y a nullement lieu de le faire !

A mon sens, il est nécessaire de poser cette question et de formuler des exigences au plus vite, car lorsque le budget du logement sera réparti entre les différentes administrations, une négociation avec leurs responsables sera nécessaire, ce qui n’est pas le cas, en revanche, tant que cette répartition n’a pas encore été faite. L’opposition n’aura alors qu’une formulation générale, même s’il est à peu près certain que celle-ci se manifestera car, à n’en pas douter, l’autre camp devinera l’intention d’une telle requête.

Notes

(1) Voir, à ce sujet, les lettres n°8323, 8383 et 8446.
(2) Voir le Séfer Ha Si’hot 5752, tome 2, à la page 332.
(3) Dans le traité Yoma 86b.
(4) Le personnel et le financement.
(5) Dans le traité Baba Batra 131a.
(6) Dans le Zohar, tome 3, à la page 134a.