Lettre n° 8383

Par la grâce de D.ieu,
8 Adar Chéni 5722,
Brooklyn, New York,

Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu et se consacre aux
besoins communautaires, ayant un comportement généreux,
issu d’une illustre famille, le Rav C. Z(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais suite au mémoire que je vous ai adressé(2) et que vous avez sûrement reçu en son temps. J’ai bon espoir que vous faites tout ce qui est en votre pouvoir, dans ce domaine. Ces jours-ci, j’ai reçu la visite de monsieur Moché Charet. Bien entendu, nous nous sommes entretenus également du contenu de ce mémoire, concernant les bâtiments qui doivent servir d’internats pour accueillir la Alya de la jeunesse. Le financement en sera intégralement accordé sur le budget du logement et non sur celui de l’éducation comme je le disais dans le mémoire. Monsieur Charet a indiqué qu’il en comprenait la raison et la logique. Ce projet étant légitime, il le soumettra aux délibérations à la première occasion. Il était également question qu’il le soutienne personnellement.

Bien entendu, j’ai souligné que chaque point, chaque clé concernant les partis politiques ne doivent pas intervenir, en la matière, en particulier pour déterminer où seront construits ces bâtiments. La seule approche valable consiste à accorder le rôle primordial à l’avis des parents et à l’origine des enfants, sans exercer aucune pression. Vous devez comprendre ce que je veux dire. Là encore, monsieur Charet m’a assuré qu’il en serait bien ainsi et il m’a expliqué que c’était, de toute façon, déjà le cas. Il aurait été nécessaire de détailler ce point fondamental, mais je suis sûr que vous-même faites preuve d’empressement, en la matière. Puisse D.ieu faire que tout soit comme si j’avais effectivement fourni ces détails.

Lors de notre conversation, passant d’une idée à une autre, j’ai abordé un autre point, dont je me suis entretenu, à différentes reprises, avec d’autres responsables communautaires de Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie. De fait, celui-ci est en relation directe avec votre domaine d’activité. En la matière, vous m’excuserez d’exprimer mon avis d’une manière aussi tranchée. Je fais référence aux émissaires de l’Agence juive en diaspora, dans le domaine culturel. Ceux-ci se répartissent en deux départements, culture générale et culture de la Torah.

Or, on peut vérifier dans la pratique que l’action du département pour la culture générale a été affaiblie, ces dernières années, par rapport à ce qu’elle était au début. Et, la raison en est très naturelle. Une telle action, pendant les premières années, constituait réellement un fait nouveau. Elle exerçait donc un grand effet et il paraissait légitime de mener campagne pour en protéger le domaine, l’aspect pionnier et l’édifice. Comme vous le savez, je souligne systématiquement l’influence que toute chose peut avoir sur les jeunes. Or, en ces dernières années, la situation est tout autre. D.ieu merci, la question sécuritaire s’est améliorée et l’esprit pionnier s’est quelque peu calmé. L’aspect nouveau a donc largement disparu. Il en résulte que l’influence(3) s’en trouve largement réduite, ce qui a une incidence directe sur l’assimilation des jeunes, sur leur disparition parmi les nations, sur les mariages mixtes, ce qu’à D.ieu ne plaise. Il n’en est pas de même, en revanche, pour l’action des émissaires du département pour l’éducation par la Torah. La mission qui leur a été confiée au cours de toutes ces années, “ comme un bouclier devant le malheur ”, celui de l’assimilation et de la disparition parmi les nations, n’a pas disparu et elle n’a pas été réduite, bien au contraire.

Si l’on tient compte de tout cela, et bien que je n’ais pas d’avis à donner sur la nécessité d’augmenter le nombre des émissaires du département pour l’éducation par la Torah, ce qui dépend des contraintes budgétaires, je formulerais cependant une proposition concrète, que j’ai déjà présentée à monsieur Charet. Il serait judicieux d’imposer aux émissaires, quel que soit le département auquel ils appartiennent, de mettre l’accent sur la Torah et tout ce qui la concerne. Nos Sages disent(4), en effet : “ grande est l’étude qui conduit à l’action ”. Ceci concerne également les personnes qui, pour l’heure, n’ont pas encore l’intention de s’installer en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie ou bien qui ne sont pas animées par l’esprit pionnier. En tout état de cause, il est nécessaire de renforcer leur situation, dans le domaine du Judaïsme, en l’endroit où elles se trouvent, afin d’éviter leur assimilation et leur disparition parmi les nations. Aucun examen attentif ne doit être nécessaire, en la matière. Leur mode de vie doit faire apparaître une différence évidente avec les non-Juifs parmi lesquels elles vivent. Je ne veux pas dire que les émissaires doivent eux-mêmes s’engager à agir de cette façon(5). De fait, cette initiative et cette revendication(6) existent d’ores et déjà en Erets Israël, où on leur demande d’avoir un comportement conforme à la Tradition juive. Je suggère uniquement que ce projet soit inclus dans leur domaine d’activité et dans leur effort.

J’ai indiqué, en outre, qu’à toutes ces raisons s’ajoute aussi l’application du principe selon lequel : “ dans deux cents pièces, il y en a cent”(7), ce qui veut dire que, de la sorte, l’influence des émissaires, quelle que soit la catégorie à laquelle ils se rattachent, n’en sera nullement diminuée. Bien au contraire, on leur fournira ainsi une direction et un domaine d’activité supplémentaires. C’est bien évident.

Un Juif a l’habitude de lier toute chose à la Paracha de la semaine ou bien à la présente période, conformément au dicton de l’Admour Hazaken selon lequel : “ un Juif doit vivre avec le temps ”. Et, peut-être est-ce là également l’idée de Pourim, qui approche. Avant que le miracle se produise, il y avait une différence entre ceux qui avaient pris part au festin d’A’hachvéroch et ceux qui étaient restés fidèles à Morde’haï. Puis, par la suite, il y eut des pressions extérieures, le décret de Haman l’impie pour exterminer tous(8) les Juifs, “ des jeunes gens aux vieillards, les enfants et les femmes ”, sans distinction, sans différence, tous ceux qui étaient définis comme des Juifs. Dès lors, tous s’unirent et se tinrent prêts au sacrifice de leur propre personne. Selon les termes de l’Admour Hazaken, dans son Torah Or, à la page 97a, “ ils firent don d’eux-mêmes afin de sanctifier le Nom de D.ieu. En effet, s’ils avaient accepté d’abjurer, Haman ne leur aurait rien fait, puisque son décret s’appliquait seulement aux Juifs. Ils furent donc prêts à la mort, pendant toute une année(9). Aucun d’entre eux n’eut une pensée étrangère(10), ce qu’à D.ieu ne plaise. Grâce à cette abnégation, ils effectuèrent la réception(11) d’une manière parfaite et ils reçurent, à proprement parler, la Lumière de l’En Sof, béni soit-Il ”.

Puisse D.ieu faire que nous atteignons nous-mêmes ce niveau, “ la lumière, la joie, l’allégresse et la valeur ”. Avec mes respects, ma bénédiction pour donner des nouvelles bonnes et réjouissantes, de même que pour un joyeux Pourim,

M. Schneerson,

J’ai fait allusion, ci-dessus, à un affaiblissement naturel de l’activité. De fait, il m’importe peu qu’on ne lui reconnaisse pas ce caractère naturel et, bien au contraire, qu’on le lui dénie. En effet, la fin de l’exil et la venue du juste libérateur sont proches. Alors, s’accomplira la promesse selon laquelle : “ la terre s’emplira de connaissance de D.ieu ”. On ressent donc, d’ores et déjà, les pas de la délivrance, même si l’obscurité de l’exil recouvre encore la terre. Je vous ai vous-même entendu prononcer cette expression. En tout état de cause, il convient d’adopter une conclusion positive et puisse donc D.ieu faire que, très prochainement, l’obscurité se transforme en lumière, une Lumière céleste évidente, car “ l’Eternel sera ta Lumière pour l’éternité ”.

Notes

(1) Monsieur Chnéor Zalman Chazar. Voir, à son sujet, la lettre n°8254.
(2) Il s’agit de la lettre n°8322.
(3) Du département pour la culture générale.
(4) Dans le traité Kiddouchin 40b.
(5) A mettre en pratique la Torah et les Mitsvot.
(6) Voir, à ce sujet, la lettre n°8513.
(7) Qui peut le plus peut le moins.
(8) Le Rabbi souligne le mot : “ tous ”.
(9) Puisque le tirage au sort eut lieu en Nissan et désigna le mois d’Adar suivant, soit douze mois plus tard.
(10) Celle d’abandonner le Judaïsme.
(11) De la Torah, en montrant qu’ils l’acceptaient délibérément et de leur plein gré.