Lettre n° 8555
[8 Kislev 5723]
J’ai eu connaissance de ce qui concerne l’étude publique de la Torah qui aura lieu ce vendredi soir, veille du saint Chabbat. Conformément à l’enseignement du Choul’han Arou’h(1), je me devais donc de répondre au plus vite, afin de formuler mon humble avis, au moins brièvement, en fonction de ce que mon temps me permet. L’interrogation(2) porte, en l’occurrence, sur ce que dit le Zohar, tome 1, à la page 53b : “ Et, Il renvoya l’homme : Rabbi Eléazar dit : Je ne sais pas qui a répudié qui. En fait, le terme doit être renversé et il faut dire, assurément, que l’homme a renvoyé la Présence divine. C’est pour cela qu’il est dit : l’Eternel D.ieu le renvoya du Gan Eden. Pourquoi le renvoya-t-Il ? Parce que l’homme avait répudié la Présence divine ”.
En effet, ce texte soulève de nombreuses(3) interrogations. Avant tout, que signifient les propos de Rabbi Eléazar, “ Je ne sais pas… ” ? Pourquoi écarter, de cette façon, le verset de son sens simple, surtout pour être ensuite conduit à dire que : “ le terme doit être renversé ”, qu’il ne faut pas retenir l’ordre dans lequel le verset est énoncé ? De même, comment comprendre la répétition du Zohar ? Et, d’autres questions se posent encore. Très brièvement, nous comprendrons tout cela en introduisant deux notions préalables :
A) Le Zohar, dimension profonde de la Torah, montre l’aspect profond des choses et révèle ce qui, en apparence extérieure, n’apparaît que d’une manière allusive. A l’opposé, le Talmud constitue la partie révélée de la Torah. Toutefois, toutes les parties de la Torah sont incluses les unes dans les autres et, de ce fait, on trouve également, dans le Zohar, des explications simples, des Hala’hot, de même que des allusions et des secrets dans le Talmud.
B) Certaines punitions, de même que quelques rétributions peuvent être qualifiées de “ naturelles ”, selon l’expression employée par les philosophes d’Israël(4) et conformément aux termes du verset : “ Ton mal te fera souffrir ”. D’autres, en revanche, sont “ surnaturelles ”, ce qui veut dire que D.ieu voulut infliger telle peine pour telle faute, sans que l’une entraîne nécessairement l’autre. C’est le cas, par exemple, pour les Mitsvot qui sont des Décrets transcendant la logique.
Tel est donc le doute dont fait état Rabbi Eléazar. Le sens simple de cette notion et de ce verset est, bien entendu, le renvoi de l’homme du Gan Eden. Toutefois, à une dimension plus profonde, de ce renvoi, qui fut la punition de la faute de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, on peut dire : “ Je ne sais pas qui a répudié qui ”. Ce peut être le Saint béni soit-Il(3), ce qui veut dire que le Saint béni soit-Il(3) voulut renvoyer l’homme, du fait de cette faute de l’arbre de la connaissance. Ce peut être aussi Adam, le premier homme, lui-même(3), ayant commis un acte dont la conséquence “ naturelle ” est ce renvoi. Certes, de façon générale(3), D.ieu agit “ mesure pour mesure ”(5). Cependant, pour l’arbre de la connaissance du bien et du mal, le verset parlait effectivement de mort et non de renvoi.
La réponse à la question qui vient d’être posée sera trouvée dans une précision qui semble inutile dans ce verset, faisant suite à celui qui le précède : “ Et, l’Eternel D.ieu le renvoya ”. En effet, il aurait suffi de dire ici : “ Il le renvoya et il s’installa ”. Pourquoi ajouter ici la précision : “ l’homme ” ? En plus du sens simple de cette expression, on peut voir là une allusion, en renversant l’ordre, à la dimension profonde, ainsi qu’il est dit : “ Et, Adam renvoya Et(6) ”. Et, c’est à cause de cela(3) qu’il est écrit : “ Il le renvoya ”, ce qui semble incompréhensible, car qui a évoqué un renvoi quand on a mis l’homme en garde contre cette faute et, dès lors, pourquoi est-il renvoyé ? Il faut en conclure que ce renvoi exprime effectivement la conséquence naturelle de l’acte de l’homme, “ mesure pour mesure ”. On n’en dira pas plus ici.
* * *
Le terme Et fait ainsi allusion à la Présence divine et, dans différents textes, il désigne ce qui est accessoire(7). La Présence divine désigne la Divinité Qui “ réside et s’introduit en tous les mondes afin de les vivifier et de les perpétuer ”(8). Or, tous les mondes sont insignifiants, par rapport à D.ieu. Une seule lettre du Nom de D.ieu, le Hé, permit la création de ce monde et le Youd, celle du monde futur, comme le Tanya l’explique longuement(9). La création des mondes n’est donc pas l’aspect essentiel de la Divinité(10) et c’est précisément pour cela qu’est employé ici le terme Et.
Comme on l’a dit, toutes les parties de la Torah sont incluses l’une dans l’autre et cette explication relative au mot Et fait ainsi allusion(3) à toutes les lettres à la fois, du début à la fin, du Aleph jusqu’au Tav. De fait, Et peut être rapproché de Ot, la lettre. Et, il est dit : “ Par ma chair, je perçois le Divin ”. Ainsi, celui qui désire manifester sa volonté et son intellect, par exemple dans le but de les transmettre à son prochain, doit avoir un discours construit, qui sera composé de mots. C’est le sens du rapprochement(11) qui peut être fait également entre Ot, la lettre et le verset : “ le matin est venu (Ata) ”. Et, il en est de même pour D.ieu, si l’on peut s’exprimer ainsi, car Il créa le monde par dix Paroles, y révéla Sa Sagesse et Sa Volonté, exprimée par les dix Commandements. C’est là ce que l’on appelle la Présence divine.
Notes
(1) Le Rabbi note, en bas de page : “ Yoré Déa, chapitre 246, au paragraphe 14. Certes, ce texte fait uniquement allusion à la priorité. Néanmoins, il est largement accepté que l’étude publique est effectivement prioritaire. On peut également le déduire de ce que dit le Choul’han Arou’h, à la même référence, au paragraphe 15 ”.
(2) Vraisemblablement celle qui doit être traitée lors de ce cours du vendredi soir.
(3) Le Rabbi souligne les mots : “ nombreuses ”, “ Saint béni soit-Il ”, “ Saint béni soit-Il ”, “ Adam, le premier homme, lui-même ”, “ de façon générale ”, “ cela ” et “ allusion ”.
(4) Voir les Iguerot Kodech du Rabbi Rachab, tome 1, à la lettre n°176.
(5) C’est-à-dire de la manière dont on agit envers Lui, selon la Pessikta Zoutrata sur le verset Chemot 3, 6.
(6) Terme sans signification intrinsèque, qui ne fait qu’introduire le complément d’objet direct lui faisant suite.
(7) Le Rabbi note, en bas de page : “ Traité Erouvin 4b ”.
(8) Le Rabbi note, en bas de page : “ Tanya, aux chapitres 41 et 52 ”.
(9) Le Rabbi note, en bas de page : “ Au chapitre 20 ”.
(10) Voir, notamment, le Torah Or, Meguilat Esther, à la page 99b et le Likouteï Torah, Chir Hachirim, à la page 8a.
(11) Voir, en particulier, le Torah Or, à la page 42b.
J’ai eu connaissance de ce qui concerne l’étude publique de la Torah qui aura lieu ce vendredi soir, veille du saint Chabbat. Conformément à l’enseignement du Choul’han Arou’h(1), je me devais donc de répondre au plus vite, afin de formuler mon humble avis, au moins brièvement, en fonction de ce que mon temps me permet. L’interrogation(2) porte, en l’occurrence, sur ce que dit le Zohar, tome 1, à la page 53b : “ Et, Il renvoya l’homme : Rabbi Eléazar dit : Je ne sais pas qui a répudié qui. En fait, le terme doit être renversé et il faut dire, assurément, que l’homme a renvoyé la Présence divine. C’est pour cela qu’il est dit : l’Eternel D.ieu le renvoya du Gan Eden. Pourquoi le renvoya-t-Il ? Parce que l’homme avait répudié la Présence divine ”.
En effet, ce texte soulève de nombreuses(3) interrogations. Avant tout, que signifient les propos de Rabbi Eléazar, “ Je ne sais pas… ” ? Pourquoi écarter, de cette façon, le verset de son sens simple, surtout pour être ensuite conduit à dire que : “ le terme doit être renversé ”, qu’il ne faut pas retenir l’ordre dans lequel le verset est énoncé ? De même, comment comprendre la répétition du Zohar ? Et, d’autres questions se posent encore. Très brièvement, nous comprendrons tout cela en introduisant deux notions préalables :
A) Le Zohar, dimension profonde de la Torah, montre l’aspect profond des choses et révèle ce qui, en apparence extérieure, n’apparaît que d’une manière allusive. A l’opposé, le Talmud constitue la partie révélée de la Torah. Toutefois, toutes les parties de la Torah sont incluses les unes dans les autres et, de ce fait, on trouve également, dans le Zohar, des explications simples, des Hala’hot, de même que des allusions et des secrets dans le Talmud.
B) Certaines punitions, de même que quelques rétributions peuvent être qualifiées de “ naturelles ”, selon l’expression employée par les philosophes d’Israël(4) et conformément aux termes du verset : “ Ton mal te fera souffrir ”. D’autres, en revanche, sont “ surnaturelles ”, ce qui veut dire que D.ieu voulut infliger telle peine pour telle faute, sans que l’une entraîne nécessairement l’autre. C’est le cas, par exemple, pour les Mitsvot qui sont des Décrets transcendant la logique.
Tel est donc le doute dont fait état Rabbi Eléazar. Le sens simple de cette notion et de ce verset est, bien entendu, le renvoi de l’homme du Gan Eden. Toutefois, à une dimension plus profonde, de ce renvoi, qui fut la punition de la faute de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, on peut dire : “ Je ne sais pas qui a répudié qui ”. Ce peut être le Saint béni soit-Il(3), ce qui veut dire que le Saint béni soit-Il(3) voulut renvoyer l’homme, du fait de cette faute de l’arbre de la connaissance. Ce peut être aussi Adam, le premier homme, lui-même(3), ayant commis un acte dont la conséquence “ naturelle ” est ce renvoi. Certes, de façon générale(3), D.ieu agit “ mesure pour mesure ”(5). Cependant, pour l’arbre de la connaissance du bien et du mal, le verset parlait effectivement de mort et non de renvoi.
La réponse à la question qui vient d’être posée sera trouvée dans une précision qui semble inutile dans ce verset, faisant suite à celui qui le précède : “ Et, l’Eternel D.ieu le renvoya ”. En effet, il aurait suffi de dire ici : “ Il le renvoya et il s’installa ”. Pourquoi ajouter ici la précision : “ l’homme ” ? En plus du sens simple de cette expression, on peut voir là une allusion, en renversant l’ordre, à la dimension profonde, ainsi qu’il est dit : “ Et, Adam renvoya Et(6) ”. Et, c’est à cause de cela(3) qu’il est écrit : “ Il le renvoya ”, ce qui semble incompréhensible, car qui a évoqué un renvoi quand on a mis l’homme en garde contre cette faute et, dès lors, pourquoi est-il renvoyé ? Il faut en conclure que ce renvoi exprime effectivement la conséquence naturelle de l’acte de l’homme, “ mesure pour mesure ”. On n’en dira pas plus ici.
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Le terme Et fait ainsi allusion à la Présence divine et, dans différents textes, il désigne ce qui est accessoire(7). La Présence divine désigne la Divinité Qui “ réside et s’introduit en tous les mondes afin de les vivifier et de les perpétuer ”(8). Or, tous les mondes sont insignifiants, par rapport à D.ieu. Une seule lettre du Nom de D.ieu, le Hé, permit la création de ce monde et le Youd, celle du monde futur, comme le Tanya l’explique longuement(9). La création des mondes n’est donc pas l’aspect essentiel de la Divinité(10) et c’est précisément pour cela qu’est employé ici le terme Et.
Comme on l’a dit, toutes les parties de la Torah sont incluses l’une dans l’autre et cette explication relative au mot Et fait ainsi allusion(3) à toutes les lettres à la fois, du début à la fin, du Aleph jusqu’au Tav. De fait, Et peut être rapproché de Ot, la lettre. Et, il est dit : “ Par ma chair, je perçois le Divin ”. Ainsi, celui qui désire manifester sa volonté et son intellect, par exemple dans le but de les transmettre à son prochain, doit avoir un discours construit, qui sera composé de mots. C’est le sens du rapprochement(11) qui peut être fait également entre Ot, la lettre et le verset : “ le matin est venu (Ata) ”. Et, il en est de même pour D.ieu, si l’on peut s’exprimer ainsi, car Il créa le monde par dix Paroles, y révéla Sa Sagesse et Sa Volonté, exprimée par les dix Commandements. C’est là ce que l’on appelle la Présence divine.
Notes
(1) Le Rabbi note, en bas de page : “ Yoré Déa, chapitre 246, au paragraphe 14. Certes, ce texte fait uniquement allusion à la priorité. Néanmoins, il est largement accepté que l’étude publique est effectivement prioritaire. On peut également le déduire de ce que dit le Choul’han Arou’h, à la même référence, au paragraphe 15 ”.
(2) Vraisemblablement celle qui doit être traitée lors de ce cours du vendredi soir.
(3) Le Rabbi souligne les mots : “ nombreuses ”, “ Saint béni soit-Il ”, “ Saint béni soit-Il ”, “ Adam, le premier homme, lui-même ”, “ de façon générale ”, “ cela ” et “ allusion ”.
(4) Voir les Iguerot Kodech du Rabbi Rachab, tome 1, à la lettre n°176.
(5) C’est-à-dire de la manière dont on agit envers Lui, selon la Pessikta Zoutrata sur le verset Chemot 3, 6.
(6) Terme sans signification intrinsèque, qui ne fait qu’introduire le complément d’objet direct lui faisant suite.
(7) Le Rabbi note, en bas de page : “ Traité Erouvin 4b ”.
(8) Le Rabbi note, en bas de page : “ Tanya, aux chapitres 41 et 52 ”.
(9) Le Rabbi note, en bas de page : “ Au chapitre 20 ”.
(10) Voir, notamment, le Torah Or, Meguilat Esther, à la page 99b et le Likouteï Torah, Chir Hachirim, à la page 8a.
(11) Voir, en particulier, le Torah Or, à la page 42b.