Lettre n° 8614

Par la grâce de D.ieu,
11 Nissan 5723,
Brooklyn, New York,

Aux fils et filles d’Israël, partout où ils se trouvent,
que D.ieu vous accorde longue vie(1),

Je vous salue et vous bénis,

Pessa’h est le premier(2) jour(3) et la première(2) fête(4) des Juifs, première dans le temps et première dans la valeur, dans l’importance, car son contenu est la libération des enfants d’Israël, leur naissance(5) en tant que peuple immuable, possédant son propre mode de vie, basé sur la Torah, ses propres Mitsvot, ses propres fêtes.

Pessa’h a donc une importance particulière pour tous les Juifs et pour chaque Juif, à toute époque et en tout endroit. C’est la raison pour laquelle le contenu de Pessa’h et de la sortie d’Egypte a une portée spécifique et il délivre un enseignement, une leçon pour la vie juive, à la fois pour l’individu, pour le grand nombre et pour l’ensemble.

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L’un des aspects importants de la sortie d’Egypte est le fait qu’elle se produisit : “ au milieu de ce jour ”(2), ce qui veut dire, selon l’interprétation de nos Sages(6), que, lorsque vint le moment de la délivrance, les enfants d’Israël se départirent de leurs limites et ne furent pas retardés, “ pas même le temps d’un clin d’œil ”(2), celui d’un coup d’œil(2). A ceci s’ajoute(7) le fait que, si les enfants d’Israël avaient raté ce moment(2), tout aurait été perdu, ce qu’à D.ieu ne plaise et eux-mêmes(8), “ nous, nos enfants et nos petits-enfants ” serions encore pleinement soumis à l’exil d’Egypte.

Pourtant, tout cela est proprement incompréhensible. Les dix plaies s’étaient déjà produites et, de ce fait, les Egyptiens avaient renvoyé les enfants d’Israël de leur pays Dès lors, quelle était l’importance de ce “ clin d’œil ”(2) ? Comment comprendre que, si le temps de ce clin d’œil s’était écoulé, la délivrance aurait été entièrement perdue ?

Et, la question essentielle qui se pose est la suivante : quel est l’enseignement que l’on peut tirer de ce récit de la Torah, “ au milieu de ce jour ”(2) ?

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L’explication est la suivante. Quand survint la date limite, le moment de quitter l’impureté de l’Egypte, il était hors de question de ne pas saisir une telle opportunité, ni même de la retarder d’un clin d’œil.

Le danger(9) de perdre ce moment ne découlait pas du fait que les Egyptiens pouvaient être saisis par les regrets, mais bien que ceux-ci étaient susceptibles de se manifester au sein des enfants d’Israël, qui n’auraient pas voulu quitter le mode de vie auquel ils étaient habitués, en Egypte, pour se rendre dans le désert afin d’y recevoir la Torah.

L’enseignement qui en découle pour chaque Juif, homme ou femme, jeune ou vieux, est le suivant. La signification de la sortie d’Egypte, au quotidien(10), est la libération de l’assujettissement de l’homme à son corps et à son âme animale, de l’esclavage envers les besoins physiques, les habitudes, de même qu’envers son environnement matériel. Pour réaliser cette libération, il faut entendre l’appel permanent de l’Eternel, “ D.ieu d’Avraham, d’Its’hak et de Yaakov ”(11), lui obéir : “ Je vous ferai sortir de la servitude… Je serai votre D.ieu ”. Ceci s’exprime, comme ce fut le cas à l’époque, lors de la sortie d’Egypte, par l’acceptation de la Torah et la pratique des Mitsvot.

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Cet appel est permanent(12). La sortie d’Egypte doit être quotidienne, chaque jour est la date limite, un moment propice pour entendre l’appel. Pour autant, certains sont “ en retard ” et ils remettent le moment propice aux “ dates religieuses de l’année ”, Roch Hachana et Yom Kippour ou, tout au plus, le Chabbat et les fêtes. Et, même parmi ceux qui “ sortent d’Egypte ” chaque jour, au moment de la prière, certains limitent cette sortie au temps de la prière et ils perdent ensuite le moment propice que constitue le reste de la journée.

Et, ce qui est vrai pour l’existence de l’individu s’applique, de la même façon, à la vie du grand nombre et à celle de la communauté. Mais, bien entendu, le moment propice est alors bien plus important.

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Un merveilleux moment propice et une opportunité “ frappent actuellement à la porte ”. Parmi les cercles les plus larges, en particulier les jeunes, ces dernières années, on constate une profonde motivation pour un retour vers nos véritables sources(2). Dans de nombreux endroits et dans divers domaines, les non-Juifs “ renvoient ” les Juifs des idéologies de “ l’impureté de l’Egypte ” moderne.

Pour une large part, ces milieux, qui s’étaient éloignés de la pratique juive, retrouvent le chemin de la Torah et des Mitsvot. De même, une proportion significative des cercles pratiquant la Torah et les Mitsvot cherche à renforcer et à approfondir le lien avec ces personnes, à s’identifier à elles.

A l’exception de ceux qui ont cessé de penser il y a déjà plusieurs années, tous, à l’heure actuelle, en particulier les jeunes, sont non seulement disposés à entendre l’intégralité de la vérité, mais, bien plus, ils exigent(2) qu’on la leur transmette. Et, ceux qui, pour l’heure, ne sont pas encore prêts à accepter simultanément toutes les Mitsvot et à modifier leur existence d’un extrême à l’autre, n’en sont pas moins désireux d’entendre la vérité pure, sans compromis(13) et “ taillée sur mesure ”. Ils sont motivés pour cela. La pratique a démontré que, chaque fois que les jeunes entrent en contact avec le véritable Judaïsme de la Torah et des Mitsvot, ils sont attirés et une large part d’entre eux ont d’ores et déjà commencé à adopter une existence quotidienne conforme à cet idéal, avec l’engouement et l’enthousiasme qui sont les caractéristiques de la jeunesse.

Pour autant, bien que cette motivation se soit faite jour depuis quelques années déjà, nous devons bien reconnaître, avec douleur, que ce moment propice n’a pas été utilisé dans toute la mesure du possible. Et, cette peine est d’autant plus grande quand on constate que ceux qui sont censés être des dirigeants spirituels n’ont pratiquement rien fait, en la matière.

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La sortie de nos ancêtres d’Egypte ne fut pas même retardée du temps d’un clin d’œil, ce qui eut pour effet l’entière délivrance du corps et la pleine rédemption de l’âme, grâce au don de la Torah, qui était la finalité et la conclusion(14) de la sortie d’Egypte.

Puisse donc D.ieu faire que chacun et chacune utilisent pleinement le merveilleux moment propice qu’est la présente période afin de venir en aide à soi-même et à son prochain, au plus grand nombre et à toute la communauté, afin de se libérer de toutes les formes de servitude et, avant tout, de la plus âpre d’entre elles(15), la déclaration : “ soyons comme toutes les autres nations ”, afin de revenir vers la Torah et les Mitsvot, de la manière la plus large(2). Et, que s’accomplisse la promesse, qui est aussi une décision hala’hique(16), selon laquelle : “ Israël accède à la Techouva et il est aussitôt(2) libéré ”, lors de la délivrance véritable et complète, par notre juste Machia’h. Avec ma bénédiction pour une fête de Pessa’h cachère et joyeuse,

Mena’hem Schneerson,

Notes

(1) Cette lettre figure dans la Haggadah de Pessa’h du Rabbi, tome 2, à la page 597 de l’édition de 5751.
(2) Le Rabbi souligne les mots : “ premier ”, “ première ”, “ au milieu de ce jour ”, “ un clin d’œil ”, “ un coup d’œil ”, “ moment ”, “ clin d’œil ”, “ au milieu de ce jour ”, “ retour vers nos véritables sources ”, “ exigent ”, “ la plus large ” et “ aussitôt ”.
(3) Le Rabbi note, en bas de page : “ Ainsi qu’il est dit (Chemot 13, 3) : ‘Souviens-toi de ce jour’. Et, l’on verra le Midrash Chemot Rabba, chapitre 19, au paragraphe 7, qui dit : ‘Prends garde au jour du Chabbat… à ce jour’ ”.
(4) Le Rabbi note, en bas de page : “ Début du traité Roch Hachana ”.
(5) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le traité Yebamot 46a ”.
(6) Le Rabbi note en bas de page : “ Dans le Me’hilta, à propos des versets Chemot 12, 41-42, cité par le commentaire de Rachi, à cette référence ”.
(7) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon les commentateurs, au nom du Zohar, le Zaït Raanan, cité par le Or Ha Torah, du Tséma’h Tsédek, Parchat Bo, à la page 327 ”.
(8) Le Rabbi note, en bas de page : “ Comme l’explique la Haggadah de Pessa’h ”.
(9) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le Tanya, au chapitre 31 ”.
(10) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir, en particulier, le Tanya, au chapitre 47 ”.
(11) Le Rabbi note, en bas de page : “ Chemot 3, 16 et 6, 6 ”.
(12) Le Rabbi note, en bas de page : “ Il est dit, en effet, que la fête de Pessa’h se poursuit en permanence, selon les causeries de Pessa’h 5703, de mon beau-père, le Rabbi ”.
(13) Voir, à ce propos, les lettres n°8647 et 8648.
(14) Le Rabbi note, en bas de page : “ Chemot 3, 12. Traité Yebamot, à cette référence. Zohar ‘Hadach, au début de la Parchat Yethro ”.
(15) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le Kountrass Ou Mayan, au discours n°11 ”.
(16) Le Rabbi note, en bas de page : “ Rambam, lois de la Techouva, chapitre 7, au paragraphe 5 ”.