Lettre n° 8800

Par la grâce de D.ieu,
11 Nissan 5724,
Brooklyn, New York,

Au fils et filles d’Israël, en tout endroit où ils se trouvent,
que D.ieu vous accorde longue vie,

Je vous salue et vous bénis,

Chaque fête a un contenu spécifique(1) et délivre des enseignements particuliers, qui doivent être mis en pratique, non seulement lorsque cette fête est célébrée, mais aussi chaque jour(2), tout au long de l’année. Et, la leçon que l’on apprend de chaque fête est double. Elle s’oriente, d’une part, dans la direction de : “ fais le bien ”, indiquant ce qu’il convient de faire et, d’autre part, dans celle de : “ écarte-toi du mal ”, précisant ce dont il faut se préserver. Bien souvent, le second domaine est le plus important, car, si l’on n’écarte pas ce qui est indésirable, il reste envisageable de se servir de ce qui est bon et positif dans une direction négative(3).

Ce qui vient d’être dit concerne tout particulièrement la première(4) de toutes les fêtes, Pessa’h, célébrant la sortie d’Egypte, qui occupe une place centrale dans la vie juive. C’est pour cela que la Torah demande à chacun(5) de s’en rappeler et d’en faire mention chaque jour(6) et, bien, plus, à la fois le jour et la nuit.

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La délivrance d’Egypte, contenu de la fête(7) de Pessa’h(6), est liée au sacrifice de Pessa’h(6). En effet, elle ne fut pas uniquement la libération d’un groupe d’individus, de six cent milles hommes adultes, avec les membres de leur famille. Concrètement, elle commença lorsque : “ J’ai vu la détresse de Mon peuple(6) ”. En conséquence, il fut demandé au pharaon : “ Renvoie Mon peuple(6) ”. Et, Moché assuma sa mission : “ Fais sortir Mon peuple, les enfants d’Israël, de l’Egypte ”. En conséquence, cette notion de peuple(6) des enfants d’Israël, de toute l’assemblée, aurait donc dû être souligné également à propos du sacrifice de Pessa’h. Or, cette Injonction est énoncée de la manière opposée à cela. Certes, il est dit(8), à ce propos : “ toute l’assemblée d’Israël ”, tous les enfants d’Israël constituant une communauté. Pour autant, l’Injonction précise bien que chaque maison devait posséder son propre sacrifice de Pessa’h. Chacun devait se distinguer, s’inscrire pour ce sacrifice et passer le moment de le consommer dans sa maison ou bien en compagnie(9).

De la sorte, la Torah nous enseigne le moyen d’agir, y compris quand il s’agit de tout le peuple, qu’il est nécessaire de le libérer dans son ensemble et que l’on s’adresse à tous à la fois. En pareil cas, il n’en reste pas moins nécessaire que chacun se concentre, en premier lieu, sur sa propre personne, sur les membres de sa famille, sur les plus proches, non pas d’une manière globale, en aboutissant à des résolutions d’ordre général, mais bien en consacrant toute son attention, toute son énergie à l’application pratique, au quotidien, de ces “ petites décisions ”. C’est précisément de cette façon que la libération individuelle aboutit, au final, à la libération collective. Cet enseignement est particulièrement important pour les dirigeants de groupes et d’associations(10), en particulier ceux qui doivent être des guides spirituels au sein de leur communauté. Trop souvent, on se passionne pour les “ problèmes de dimension mondiale ”, pour les “ questions importantes ” et c’est seulement de temps à autre, ou même très rarement que l’on voit un dirigeant se consacrer aux “ petites préoccupations ordinaires ”, de tous les jours, touchant directement les membres de sa communauté.

Plus un dirigeant est important, plus il “ doit ” s’adresser à l’humanité entière et, s’il a de l’imagination, il pourra penser qu’il s’adresse également aux générations futures. Si, en outre, il présente des aptitudes à la rhétorique, il considérera qu’il est de son devoir de mettre en éveil la “ conscience du monde ” par ses propos enflammés, trouvant un écho dans la presse, de sorte qu’il soit également le dirigeant des dirigeants, lesquels jalouseront la “ diffusion de ses propos ”, chercheront à l’imiter et à le rattraper.

Il n’est pas rare que les “ dirigés ” suivent le dirigeant et qu’ils décident avec lui ce que doivent faire les différents régimes, comment l’humanité, dans son ensemble, doit se comporter, comment l’on peut faire, “ cela va de soi ”, le bonheur de toutes les générations suivantes et l’on prendra encore d’autres “ décisions de portée mondiale ”. Il n’y a donc pas lieu de “ déroger ” en se plaignant amèrement du pourcentage important d’enfants auxquels les “ dirigés ” donnent une éducation qui ne leur permettra en aucune façon d’entrer dans la catégorie de l’enfant sage de la Haggadah, ni même de ceux dont l’éducation est encore plus éloignée et qui constituent une cinquième catégorie de fils, ne prenant même pas part au Séder. Car, ces dirigeants sont convaincus que tous les parents “ dirigés ” assistent effectivement au Séder !

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Ce qui est vrai pour la communauté s’applique aussi à chacun, à titre individuel. Chacun a(11), en effet, son propre “ dirigeant ”, la tête et le cœur, l’intellect et le sentiment, de même que ses “ dirigés ”, les membres du corps. Et, là encore, il se passe, bien souvent, ce qui est décrit ci-dessus : on prend une décision de portée globale et générale(12) concernant le monde entier, le petit monde que constitue l’homme(13), on sera meilleur, plus pieux, envers D.ieu et envers les hommes. Dès son réveil(14) le matin, on remerciera D.ieu d’avoir restitué son âme et sa vitalité. Dès que l’on récitera la première bénédiction, on aura conscience que D.ieu est le “ Roi du monde ”, le Maître de tout l’univers. Tôt le matin, avant la prière(15), on s’engagera à mettre en pratique l’Injonction : “ Tu aimeras ton prochain comme toi-même ”.

Puis, l’on entrera dans les détails “ de moindre importance ”, par exemple la nécessité de ne pas “ avaler ” les mots de la prière, en général, du Chema Israël, en particulier, de méditer à la grandeur de D.ieu et à la petitesse de l’homme, y compris de sa propre personne, avant chaque Amida(16), chaque jour, mais, pour cela, on n’a pas de temps et pas de patience. On doit éviter la concurrence déloyale, ne pas attirer les clients des autres, mais l’on craindra que, de cette façon(6), on perdrait les moyens que… D.ieu accorde. Avant Pessa’h, on doit aider ceux qui sont dans le besoin en leur donnant la Tsedaka de cette fête, mais l’on préférera se rappeler de la sortie d’Egypte et l’on décidera que l’on doit, comme à l’époque, disposer pour soi-même et pour les membres de sa famille, d’ustensiles en argent et en or, de beaux vêtements. Que reste-t-il donc pour donner de la Tsedaka aux pauvres ?

* * *

Que D.ieu vous accorde la bénédiction et le succès, afin que chacun et chacune d’entre vous tirent l’enseignement de ce qui vient d’être dit, de même que toutes les leçons enseignées par la fête du temps de notre liberté. Tout comme, lors de la sortie d’Egypte, la délivrance du peuple fut la conséquence de celle de chaque individu(17), qu’il en soit donc de même, à l’heure actuelle. Que chaque individu, que chaque famille aient un comportement quotidien, jusque dans ses aspects les plus ordinaires, qui soit celui de la Torah, sans compromis et sans allègement. Ceci révélera la délivrance véritable et complète, par notre juste Machia’h. Ainsi, s’accomplira la promesse selon laquelle : “ Comme aux jours de ta sortie d’Egypte, Je te montrerai des merveilles ”. Avec ma bénédiction pour une fête de Pessa’h cachère et joyeuse,

Mena’hem Schneerson,

Notes

(1) Voir le Haggadah de Pessa’h avec les commentaires du Rabbi, édition de 5751 (1991), à la page 601.
(2) Le Rabbi note, en bas de page : “ Un reflet de toutes les fêtes éclairent, en effet, chaque journée, comme l’explique la causerie de Pessa’h 5703 ”.
(3) Le Rabbi note, en bas de page : “ On notera l’affirmation de nos Sages, au traité Yoma 72b, selon laquelle la Torah de celui qui ne la mérite pas est comme un poison. On verra aussi les lois de l’étude de la Torah, de l’Admour Hazaken, chapitre 4, au paragraphe 3 ”.
(4) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon le traité Roch Hachana, chapitre 1, à la Michna 1. Et, l’expression employée est : ‘tête des fêtes’, et non début. Il en résulte que cette fête est également la première par son importance ”. Le Rabbi souligne ici le mot : “ tête ”.
(5) Le Rabbi note, en bas de page : “ Bien plus, il s’agit d’une Injonction de la Torah, comme le disent le Rambam, dans ses lois du Chema Israël, chapitre 1, au paragraphe 3 et le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, Ora’h ‘Haïm, au début du chapitre 67 ”.
(6) Le Rabbi souligne les mots : “ chaque jour ”, “ la fête de Pessa’h ”, “ sacrifice de Pessa’h ”, “ Mon peuple ”, “ Mon peuple ”, “ peuple ” et “ de cette façon ”.
(7) Le Rabbi note, en bas de page : “ C’est ainsi que la fête de Pessa’h est appelée dans la Loi orale. Selon le Targoum Yonathan, cette expression apparaît aussi dans la Loi écrite, dans le verset Chemot 34, 25 ”.
(8) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon les versets Chemot 3, 7 ; 5, 1 ; 3, 10 ; 12, 3 ”.
(9) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon le traité Pessa’him 86a ”.
(10) Voir, à ce sujet, la lettre n°8679.
(11) Le Rabbi note, en bas de page : “ Zohar, tome 2, à la page 153a. Voir la causerie de Sim’hat Torah 5669, dans le Séfer Ha Si’hot Torat Chalom, à partir de la page 120 ”.
(12) Le Rabbi note, en bas de page : “ Il en est de même pour la méditation. Voir Chaar Ha I’houd, au chapitre 4 et le Kountrass Ha Avoda, au chapitre 6 ”.
(13) Le Rabbi note, en bas de page : “ L’homme est défini comme un petit monde, selon le Midrash Tan’houma, Parchat Pekoudeï, au chapitre 3 ”.
(14) Le Rabbi note, en bas de page : “ Dès l’éveil, selon le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, au début du chapitre 1 et son Siddour ”.
(15) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon le Péri Ets ‘Haïm, porte 5, au chapitre 1. Voir le Siddour de l’Admour Hazaken, avant le paragraphe : ‘Comme sont belles…’ ”.
(16) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon le Choul’han Arou’h, Ora’h ‘Haïm, au début du chapitre 98 ”.
(17) Le Rabbi note, en bas de page : “ Comme le disent, en particulier, le Me’hilta, à la Parchat Bo et le Midrash Vaykra Rabba, chapitre 32, au paragraphe 5, les actions par le mérite desquelles les enfants d’Israël quittèrent l’Egypte furent accomplies à titre individuel. De même, il est dit : ‘vis par ton sang, vis par ton sang’, c’est-à-dire par le sang de la circoncision et par celui du sacrifice de Pessa’h, selon le Midrash Chemot Rabba, chapitre 17, au paragraphe 3 ”.