Lettre n° 9037
Par la grâce de D.ieu ;
jours de ‘Hechvan 5726,
Brooklyn, New York,
Au grand Rav, distingué ’Hassid qui craint D.ieu,
le Rav Chmouel(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai bien reçu votre lettre de la veille de la fête de Soukkot, à laquelle étaient jointes quelques pages de votre livre, le Min’hat Chmouel(2). Je vous adresse donc quelques remarques, qui ont été formulées sur ce livre.
Début du Min’hat Chmouel : Rachi, dans son commentaire de la Michna(3), au début du traité Bera’hot, considère, à la différence du Rambam(4), que les Sages n’ont pas demandé d’achever la combustion des graisses et des membres des sacrifices avant le milieu de la nuit. On peut expliquer sa position de la manière suivante. Cette combustion était effectuée par les Cohanim, lesquels, par nature, sont zélés(5). Pour le Rambam, par contre, cette qualité ne se manifeste pas dans ce domaine, comme l’expliquent aussi les Tossafot, au traité Pessa’him 85a.
Le Maharcha et d’autres commentateurs s’interrogent sur l’affirmation des Tossafot et, compte tenu de la force de l’argument, on peut admettre qu’au final, les Tossafot adoptent eux-mêmes l’avis du Maharcha, même s’ils avancent une explication plus forte. Et, le raisonnement du Rambam peut aussi être justifié simplement. Selon lui, la combustion commence, en l’occurrence, lorsque le sacrifice est offert, c’est-à-dire plusieurs heures(6) avant la nuit, comme le précise le début du chapitre 5 du traité Pessa’him. En conséquence, si les graisses et les membres n’ont pas été brûlés à minuit, il est alors établi qu’en l’occurrence, les Cohanim n’ont pas fait preuve d’empressement. Cette interprétation du commentaire de Rachi est également énoncée, en particulier, par le Ramaz, cité par les Tossafot Ancheï Chem, par les ‘Hidoucheï Maharya’h et par le Nitsoutseï Or du Rav Réouven Margolis(7), de sorte que l’on peut se demander pourquoi Rachi ne la mentionne pas clairement.
Mais, à mon humble avis, Rachi donne effectivement cette explication et il l’énonce même clairement. En effet, il précise que : “ les Sages ne l’ont pas du tout limité à minuit ” après avoir, au préalable, précisé la raison pour laquelle la lecture du Chema Israël et la consommation des sacrifices a été limitée à minuit. Il dit : “ Ils ont interdit de manger les sacrifices avant leur temps afin de ne pas encourir la peine de Karet, de retranchement de l’âme. Et, il en est de même pour la lecture du Chema Israël, puisqu’il s’agit alors de suggérer l’empressement à l’homme(6) (c’est-à-dire véritablement à tous), afin de ne pas prendre le risque d’en dépasser le temps. (La combustion après le lever du jour n’est pas punie de Karet et les Cohanim ne sont pas des personnes du commun, qu’il faut inviter à l’empressement. Il faut en déduire que cette combustion est permise). Quant à la combustion des graisses, les Sages ne l’ont pas du tout limité à minuit (même pas a priori, comme c’est le cas pour le Chema Israël ”.
En outre, Rachi ajoute : “ Et, si le temps est passé ”, car ceci n’est pas un fait certain, pour ce qui concerne la combustion des graisses. Si elles ont été posées à l’extrémité de l’autel, il reste toujours possible de les brûler. Et, Rabba précise, au traité Zeva’him 87a, que, si elles en ont été ôtées, on peut les y remettre, car elles n’ont pas(6) été disqualifiées pour autant. C’est cette position que Rachi adopte ici, dans la Michna de Bera’hot, alors que le Rambam suit l’avis de Rava(8), considérant qu’elles sont effectivement disqualifiées, même si elles touchent l’extrémité de l’autel.
Ce qui vient d’être dit nous permettra de comprendre pourquoi Rachi ne commente pas(6) cette combustion à propos du passage dans lequel il en est question, mais seulement après avoir précisé pourquoi la lecture du Chema Israël a été limitée à minuit. En effet, c’est bien là, selon lui, la raison pour laquelle les Sages n’ont rien dit de tel, concernant cette combustion.
A la même référence : L’impureté de l’homme est-elle un état qui se surajoute à lui ou bien est-ce uniquement un manque de sainteté ? En fait, on peut considérer que les deux propositions sont exactes. De ce fait, pour pouvoir consommer les prélèvements agricoles après s’être purifié, il suffit d’attendre le coucher du soleil. Passé ce moment, l’impureté disparaît. En revanche, il n’en est pas de même quand il s’agit de consommer ce qui a été consacré. En pareil cas, on doit, au préalable, offrir un sacrifice et, de cette façon, mettre en évidence la sainteté. Or, on ne peut pas dire qu’un tel état soit naturel, puisque l’impureté n’existe pas chez les non Juifs(9). Il faut en conclure que, de leur vivant, les notions(6) de pureté et d’impureté ne s’appliquent pas à eux(10).
En tout état de cause, pour ce qui fait l’objet de notre propos, les traités Zeva’him 17a, Kélim, chapitre 1, à la Michna 5 et d’autres textes encore(6) établissent clairement que celui qui ne s’est pas encore totalement purifié conserve, de ce fait, une certaine forme d’impureté, même légère. Pour autant, il existe plusieurs stades d’impureté et également de sainteté, puisque ces deux domaines sont “ l’une face à l’autre ”. En conséquence, à celui qui ne s’est pas encore racheté, il est uniquement interdit de consommer ce qui a été consacré. De même, les prélèvements agricoles sont interdits à celui à qui manque encore l’immersion rituelle afin de se purifier, comme le précise, en particulier, le traité Kélim. Il existe quatre niveaux de sainteté, mais seulement trois de prélèvements agricoles, d’après le second chapitre du traité Taharot. Il s’agit là de dispositions de la Torah et l’on consultera, à ce propos, l’enseignement du Ari Zal, à la Porte des Kavanot et le Péri Ets ‘Haïm, Porte des bénédictions, au chapitre 3.
En outre, ces textes montrent que la différence pouvant être faite entre la sainteté de ce qui a été consacré et celle des prélèvements agricoles se retrouve, de la même façon, entre la sainteté du Chabbat et celle de la fête, comme l’explique le Likouteï Torah, Parchat Tsav, à la page 11d et l’on consultera, à ce sujet, le traité Pessa’him 104a. Toutefois, on peut s’interroger sur l’affirmation du traité Zeva’him 91a, selon laquelle le Roch ‘Hodech est plus saint que le Chabbat. Mais, on peut l’expliquer d’après la remarque du Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, partie Ora’h ‘Haïm, au début du chapitre 242, soulignant qu’à propos de ‘Hol Ha Moéd, n’est pas utilisée l’expression : “ Convocation sacrée ”. Pour autant, celle-ci est effectivement employée à propos des sacrifices, comme le rappelle Rachi qui dit, au traité Zeva’him 91a : “ Les sacrifices du Moussaf de Roch ‘Hodech sont saints ”. Mais, l’on peut encore s’interroger à propos de tout cela. Toutefois, ce point ne sera pas précisé ici.
Notes
(1) Le Rav C. Yalow. Voir, à son sujet, la lettre n°8809.
(2) Voir le début du Min’hat Chmouel, du Rav Yalow, de même que le Likouteï Si’hot, tome 7, à la page 210.
(3) Voir également, à ce sujet, le Likouteï Si’hot, tome 3, à partir de la page 948, le Séfer Ha Si’hot 5749, tome 2, à la page 477, dans la note 104 et les Rechimot, tome 13, à partir de la page 24.
(4) Dans son commentaire de la Michna. C’est également ce qu’il dit dans son Yad Ha ‘Hazaka, lois de l’action des sacrifices, chapitre 4, au paragraphe 2, lois des sacrifices perpétuels et supplémentaires, chapitre 1, au paragraphe 6.
(5) Selon le traité Chabbat 20a.
(6) Le Rabbi souligne les mots : “ plusieurs heures ”, “ l’homme ”, “ pas, “ pas ”, “ notions ” et “ et d’autres textes encore ”.
(7) Voir, à ce sujet, la lettre n°9040.
(8) Dans ses lois des sacrifices disqualifiés, chapitre 3, au paragraphe 11. Voir le Kessef Michné, à la même référence.
(9) Voir le Rambam, lois de l’impureté de la mort, chapitre 1, au paragraphe 13.
(10) Voir le Likouteï Si’hot, tome 30, à la page 212.
jours de ‘Hechvan 5726,
Brooklyn, New York,
Au grand Rav, distingué ’Hassid qui craint D.ieu,
le Rav Chmouel(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai bien reçu votre lettre de la veille de la fête de Soukkot, à laquelle étaient jointes quelques pages de votre livre, le Min’hat Chmouel(2). Je vous adresse donc quelques remarques, qui ont été formulées sur ce livre.
Début du Min’hat Chmouel : Rachi, dans son commentaire de la Michna(3), au début du traité Bera’hot, considère, à la différence du Rambam(4), que les Sages n’ont pas demandé d’achever la combustion des graisses et des membres des sacrifices avant le milieu de la nuit. On peut expliquer sa position de la manière suivante. Cette combustion était effectuée par les Cohanim, lesquels, par nature, sont zélés(5). Pour le Rambam, par contre, cette qualité ne se manifeste pas dans ce domaine, comme l’expliquent aussi les Tossafot, au traité Pessa’him 85a.
Le Maharcha et d’autres commentateurs s’interrogent sur l’affirmation des Tossafot et, compte tenu de la force de l’argument, on peut admettre qu’au final, les Tossafot adoptent eux-mêmes l’avis du Maharcha, même s’ils avancent une explication plus forte. Et, le raisonnement du Rambam peut aussi être justifié simplement. Selon lui, la combustion commence, en l’occurrence, lorsque le sacrifice est offert, c’est-à-dire plusieurs heures(6) avant la nuit, comme le précise le début du chapitre 5 du traité Pessa’him. En conséquence, si les graisses et les membres n’ont pas été brûlés à minuit, il est alors établi qu’en l’occurrence, les Cohanim n’ont pas fait preuve d’empressement. Cette interprétation du commentaire de Rachi est également énoncée, en particulier, par le Ramaz, cité par les Tossafot Ancheï Chem, par les ‘Hidoucheï Maharya’h et par le Nitsoutseï Or du Rav Réouven Margolis(7), de sorte que l’on peut se demander pourquoi Rachi ne la mentionne pas clairement.
Mais, à mon humble avis, Rachi donne effectivement cette explication et il l’énonce même clairement. En effet, il précise que : “ les Sages ne l’ont pas du tout limité à minuit ” après avoir, au préalable, précisé la raison pour laquelle la lecture du Chema Israël et la consommation des sacrifices a été limitée à minuit. Il dit : “ Ils ont interdit de manger les sacrifices avant leur temps afin de ne pas encourir la peine de Karet, de retranchement de l’âme. Et, il en est de même pour la lecture du Chema Israël, puisqu’il s’agit alors de suggérer l’empressement à l’homme(6) (c’est-à-dire véritablement à tous), afin de ne pas prendre le risque d’en dépasser le temps. (La combustion après le lever du jour n’est pas punie de Karet et les Cohanim ne sont pas des personnes du commun, qu’il faut inviter à l’empressement. Il faut en déduire que cette combustion est permise). Quant à la combustion des graisses, les Sages ne l’ont pas du tout limité à minuit (même pas a priori, comme c’est le cas pour le Chema Israël ”.
En outre, Rachi ajoute : “ Et, si le temps est passé ”, car ceci n’est pas un fait certain, pour ce qui concerne la combustion des graisses. Si elles ont été posées à l’extrémité de l’autel, il reste toujours possible de les brûler. Et, Rabba précise, au traité Zeva’him 87a, que, si elles en ont été ôtées, on peut les y remettre, car elles n’ont pas(6) été disqualifiées pour autant. C’est cette position que Rachi adopte ici, dans la Michna de Bera’hot, alors que le Rambam suit l’avis de Rava(8), considérant qu’elles sont effectivement disqualifiées, même si elles touchent l’extrémité de l’autel.
Ce qui vient d’être dit nous permettra de comprendre pourquoi Rachi ne commente pas(6) cette combustion à propos du passage dans lequel il en est question, mais seulement après avoir précisé pourquoi la lecture du Chema Israël a été limitée à minuit. En effet, c’est bien là, selon lui, la raison pour laquelle les Sages n’ont rien dit de tel, concernant cette combustion.
A la même référence : L’impureté de l’homme est-elle un état qui se surajoute à lui ou bien est-ce uniquement un manque de sainteté ? En fait, on peut considérer que les deux propositions sont exactes. De ce fait, pour pouvoir consommer les prélèvements agricoles après s’être purifié, il suffit d’attendre le coucher du soleil. Passé ce moment, l’impureté disparaît. En revanche, il n’en est pas de même quand il s’agit de consommer ce qui a été consacré. En pareil cas, on doit, au préalable, offrir un sacrifice et, de cette façon, mettre en évidence la sainteté. Or, on ne peut pas dire qu’un tel état soit naturel, puisque l’impureté n’existe pas chez les non Juifs(9). Il faut en conclure que, de leur vivant, les notions(6) de pureté et d’impureté ne s’appliquent pas à eux(10).
En tout état de cause, pour ce qui fait l’objet de notre propos, les traités Zeva’him 17a, Kélim, chapitre 1, à la Michna 5 et d’autres textes encore(6) établissent clairement que celui qui ne s’est pas encore totalement purifié conserve, de ce fait, une certaine forme d’impureté, même légère. Pour autant, il existe plusieurs stades d’impureté et également de sainteté, puisque ces deux domaines sont “ l’une face à l’autre ”. En conséquence, à celui qui ne s’est pas encore racheté, il est uniquement interdit de consommer ce qui a été consacré. De même, les prélèvements agricoles sont interdits à celui à qui manque encore l’immersion rituelle afin de se purifier, comme le précise, en particulier, le traité Kélim. Il existe quatre niveaux de sainteté, mais seulement trois de prélèvements agricoles, d’après le second chapitre du traité Taharot. Il s’agit là de dispositions de la Torah et l’on consultera, à ce propos, l’enseignement du Ari Zal, à la Porte des Kavanot et le Péri Ets ‘Haïm, Porte des bénédictions, au chapitre 3.
En outre, ces textes montrent que la différence pouvant être faite entre la sainteté de ce qui a été consacré et celle des prélèvements agricoles se retrouve, de la même façon, entre la sainteté du Chabbat et celle de la fête, comme l’explique le Likouteï Torah, Parchat Tsav, à la page 11d et l’on consultera, à ce sujet, le traité Pessa’him 104a. Toutefois, on peut s’interroger sur l’affirmation du traité Zeva’him 91a, selon laquelle le Roch ‘Hodech est plus saint que le Chabbat. Mais, on peut l’expliquer d’après la remarque du Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, partie Ora’h ‘Haïm, au début du chapitre 242, soulignant qu’à propos de ‘Hol Ha Moéd, n’est pas utilisée l’expression : “ Convocation sacrée ”. Pour autant, celle-ci est effectivement employée à propos des sacrifices, comme le rappelle Rachi qui dit, au traité Zeva’him 91a : “ Les sacrifices du Moussaf de Roch ‘Hodech sont saints ”. Mais, l’on peut encore s’interroger à propos de tout cela. Toutefois, ce point ne sera pas précisé ici.
Notes
(1) Le Rav C. Yalow. Voir, à son sujet, la lettre n°8809.
(2) Voir le début du Min’hat Chmouel, du Rav Yalow, de même que le Likouteï Si’hot, tome 7, à la page 210.
(3) Voir également, à ce sujet, le Likouteï Si’hot, tome 3, à partir de la page 948, le Séfer Ha Si’hot 5749, tome 2, à la page 477, dans la note 104 et les Rechimot, tome 13, à partir de la page 24.
(4) Dans son commentaire de la Michna. C’est également ce qu’il dit dans son Yad Ha ‘Hazaka, lois de l’action des sacrifices, chapitre 4, au paragraphe 2, lois des sacrifices perpétuels et supplémentaires, chapitre 1, au paragraphe 6.
(5) Selon le traité Chabbat 20a.
(6) Le Rabbi souligne les mots : “ plusieurs heures ”, “ l’homme ”, “ pas, “ pas ”, “ notions ” et “ et d’autres textes encore ”.
(7) Voir, à ce sujet, la lettre n°9040.
(8) Dans ses lois des sacrifices disqualifiés, chapitre 3, au paragraphe 11. Voir le Kessef Michné, à la même référence.
(9) Voir le Rambam, lois de l’impureté de la mort, chapitre 1, au paragraphe 13.
(10) Voir le Likouteï Si’hot, tome 30, à la page 212.