Lettre n° 923
Par la grâce de D.ieu,
16 Adar Richon 5711,
Brooklyn,
Au grand Rav, distingué et érudit ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav Reouven(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai bien reçu les trois tomes de votre livre, Michpeteï Bneï Adam(2), de même que votre lettre du 7 Adar Richon.
Vous évoquez, dans votre lettre et dans votre livre, au tome 2, page 224, les propos du Yam Chel Chlomo sur le traité Baba Kama 91b, à propos de l’interdiction de se nuire et de s’humilier pour des raisons financières.
Ce que dit le Yam Chel Chlomo concerne celui qui se moque de sa propre personne, mais non celui qui se nuit ou s’humilie par son travail.
Vous vous interrogez, en conséquence, sur le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, lois des dommages corporels et moraux, paragraphe 4, dans le Kountrass A’haron. Celui déduit de l’attitude de Rav, qui demanda à Rav Kahana de dépecer un animal et de celle de Yaakov, qui subit les difficultés climatiques(3) qu’il est permis de se nuire ou de se faire souffrir pour des raisons financières(4).
Je suis surpris par votre objection. Comment retrouvez vous une telle distinction dans les propos du Yam Chel Chlomo ? Comment établir un lien entre la moquerie et la négligence de l’étude, d’une part et le fait de s’imposer une souffrance, d’autre part ? Je ne possède pas le Yam Chel Chlomo et je ne peux donc vous en citer les termes.
Bien au contraire, considérez la raison pour laquelle il est interdit de se faire souffrir. Le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken dit que “ l’homme n’est pas maître de son corps et il ne peut l’humilier ou le faire souffrir ”. Ainsi, on ne peut s’imposer soi-même une souffrance, tout comme on ne peut faire souffrir quelqu’un d’autre.
Le Radbaz, commentant le Rambam, lois du Sanhédrin, chapitre 18, paragraphe 7, en établit clairement la raison. Il dit que l’âme de l’homme n’est pas sa propriété, mais bien celle de D.ieu. Vous consulterez également le Rambam, lois du crime, chapitre 1, paragraphe 4.
Vous étayez votre avis en citant les versets “ tu mangeras du pain à la sueur de ton front ” et “ l’homme est né pour l’effort ”.
Il est clair qu’il faut se demander si telle est la pratique courante, si D.ieu a demandé de faire usage de Sa propriété de cette manière, puisqu’Il a dit : “ pendant six jours, tu travailleras ”. En revanche, si l’on va au delà de cela, on détériore la propriété de D.ieu sans Son accord.
Yaakov mit en avant les conditions climatiques et Rav demanda de dépecer un animal. C’est bien la preuve qu’une telle manière d’agir est inhabituelle, peu fréquente. Vous consulterez, à ce propos, le traité Baba Metsya 93b, qui rapporte une controverse portant sur une garde renforcée, le Midrash Tan’houma Mikets, qui explique que Yaakov, fuyant Esav, se rendit chez Lavan et y subit plusieurs difficultés, dont les conditions climatiques, le commentaire de la Torah du Tour, sur le verset Vayétsé 31, 39, précisant que Yaakov dépassa son obligation, en la matière.
Vous m’interrogez également sur les chapitres 1 et 22 du Tanya, qui disent, comme le Toureï Even 29a, que “ celui qui transgresse un Interdit léger de nos Sages est appelé impie. Combien plus l’est celui qui néglige une Injonction ”.
Vous êtes surpris par cette expression, “ combien plus ”, à propos de ce qui est qui est clairement établi par les traités Chevouot 12b et Zeva’him 7b, dans lesquels nos Sages disent : “ A celui qui transgresse une Injonction et ne le regrette pas s’applique le verset : le sacrifice des impies est une abomination ”.
La réponse tient en deux points :
A) Les traités Chevouot et Zeva’him traitent de celui qui a transgressé deux Injonctions, la faute proprement dite et le fait de ne pas la regretter.
La formulation de l’Admour Hazaken, au premier chapitre d’Igueret Hatechouva, à la page 91a, permet d’établir que, selon lui, la Techouva est une Injonction de la Torah, contredisant ainsi l’avis soutenant que la Mitsva consiste, pour celui qui regrette sa mauvaise action, à la confesser. Vous consulterez, à ce propos, le Min’hat ‘Hinou’h, au chapitre 64 et aussi le Séfer Hamitsvot du Tséma’h Tsédek, à la Mitsva de la confession et de la Techouva, le commentaire du Rav I. P. Perla sur le Séfer Hamitsvot de Rabbi Saadya Gaon, à la Paracha 42, le Zohar, tome 3, page 124a. Ceci ne sera pas développé ici.
Selon cet avis, la nécessité de se confesser s’applique durant toute l’année. Elle est, cependant, différente à Yom Kippour, car tous sont alors tenus de faire Techouva, selon le Rambam, lois de la Techouva, chapitre 2, paragraphe 7. De même, lorsque l’on offre un sacrifice, on doit confesser la faute que l’on souhaite ainsi racheter. C’est ce qu’explique le traité Zeva’him. L’Injonction de faire Techouva s’applique alors. A l’opposé, le Tanya et le Toureï Even disent que l’on est un impie dès l’instant où l’on a négligé une Injonction.
B) On peut avancer une autre explication. Les traités Chevouot et Zeva’him indiquent seulement qu’un tel homme est un impie. Mais, l’on pourrait penser qu’un tel qualificatif reste léger, en pareil cas. Le Tanya explique donc qu’il est, bien au contraire, grave. C’est à ce propos qu’il dit : “ combien plus ”.
Note :
J’ai vu que, dans votre livre, vous traitez d’abord des rois, vous basant sur la fin du traité Horayot, qui dit que le roi a la préséance sur le grand Prêtre et le prophète. Or, dans ce chapitre, vous évoquez tout d’abord Moché, maître de tous les prophètes. Mais, l’on peut réellement s’interroger, à ce propos, car la qualité de Moché était la prophétie et non la royauté, comme vous le soulignez vous même au début de la page 2.
Ce chapitre des rois, s’il traite d’abord du plus élevé d’entre eux, doit parler, en premier lieu, du Machia’h.
Concernant la prophétie, un avis, exprimé dans le premier chapitre du traité Roch Hachana, considère que, parmi les rois, certains égalèrent Moché. En revanche, le Rambam dit, dans ses lois de la Techouva, chapitre 9, paragraphe 2, que le Machia’h sera un grand prophète, proche de Moché. Il semble donc adopter l’autre avis figurant dans le traité Roch Hachana, selon lequel aucun autre roi ne lui fut comparable.
Concernant la royauté, par contre, le traité Sanhédrin 93b dit que le Machia’h pourra rendre le jugement sur la base de son odorat et il expose même une action qui fut faite en tenant compte de cela. L’avis qui considère qu’un roi fut effectivement l’équivalent de Moché, en l’occurrence Chlomo, conviendra que ce dernier ne pouvait rendre le jugement qu’après avoir entendu les témoins. Le jugement olfactif lui est donc accordé(5) en tant que roi et non en tant que prophète, car ce dernier ne rend pas le jugement.
D’après la version dont nous disposons, on peut considérer que tel est le sens des deux explications que donne le Midrash Tan’houma, à la fin de la Parchat Toledot, à propos du Machia’h : “ Il comprendra et dépassera Its’hak ”, mais non Moché, qui est un plus grand prophète que lui et “ Il surpassera Moché ”, par la royauté.
Vous consulterez les notes du Rav C. Buber sur le Midrash Tan’houma, au paragraphe 34. Il signale que le Maharats ‘Hayot s’interroge, en se basant sur ce même texte, à propos de l’affirmation du Rambam, à la même référence, selon laquelle le Machia’h est uniquement “ proche de Moché ”. Vous consulterez également le discours ‘hassidique prononcé par mon beau-père, le Rabbi, à A’haron Chel Pessa’h 5709, qui figure dans le fascicule n°65. Celui-ci dit que, dans le monde futur, le Machia’h apportera l’enseignement profond de la Torah également aux Patriarches, à Moché, à Aharon. C’est aussi ce qu’indique le Likouteï Torah, de l’Admour Hazaken, à la Parchat Tsav, au second chapitre du discours intitulé “ Il étendra la main ”.
Avec ma bénédiction de réussite pour obtenir l’aide de D.ieu dans l’étude de la Torah, avec la tranquillité du corps et de l’esprit,
Vous trouverez ci-joint un chèque(6).
Notes
(1) Le Rav R. Gluk.
(2) Textuellement, Jugements des hommes.
(3) Lorsqu’il travaillait chez Lavan, son beau-père.
(4) Pour gagner sa vie.
(5) Au Machia’h.
(6) Vraisemblablement en paiement du livre adressé par cet auteur.
16 Adar Richon 5711,
Brooklyn,
Au grand Rav, distingué et érudit ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav Reouven(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai bien reçu les trois tomes de votre livre, Michpeteï Bneï Adam(2), de même que votre lettre du 7 Adar Richon.
Vous évoquez, dans votre lettre et dans votre livre, au tome 2, page 224, les propos du Yam Chel Chlomo sur le traité Baba Kama 91b, à propos de l’interdiction de se nuire et de s’humilier pour des raisons financières.
Ce que dit le Yam Chel Chlomo concerne celui qui se moque de sa propre personne, mais non celui qui se nuit ou s’humilie par son travail.
Vous vous interrogez, en conséquence, sur le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, lois des dommages corporels et moraux, paragraphe 4, dans le Kountrass A’haron. Celui déduit de l’attitude de Rav, qui demanda à Rav Kahana de dépecer un animal et de celle de Yaakov, qui subit les difficultés climatiques(3) qu’il est permis de se nuire ou de se faire souffrir pour des raisons financières(4).
Je suis surpris par votre objection. Comment retrouvez vous une telle distinction dans les propos du Yam Chel Chlomo ? Comment établir un lien entre la moquerie et la négligence de l’étude, d’une part et le fait de s’imposer une souffrance, d’autre part ? Je ne possède pas le Yam Chel Chlomo et je ne peux donc vous en citer les termes.
Bien au contraire, considérez la raison pour laquelle il est interdit de se faire souffrir. Le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken dit que “ l’homme n’est pas maître de son corps et il ne peut l’humilier ou le faire souffrir ”. Ainsi, on ne peut s’imposer soi-même une souffrance, tout comme on ne peut faire souffrir quelqu’un d’autre.
Le Radbaz, commentant le Rambam, lois du Sanhédrin, chapitre 18, paragraphe 7, en établit clairement la raison. Il dit que l’âme de l’homme n’est pas sa propriété, mais bien celle de D.ieu. Vous consulterez également le Rambam, lois du crime, chapitre 1, paragraphe 4.
Vous étayez votre avis en citant les versets “ tu mangeras du pain à la sueur de ton front ” et “ l’homme est né pour l’effort ”.
Il est clair qu’il faut se demander si telle est la pratique courante, si D.ieu a demandé de faire usage de Sa propriété de cette manière, puisqu’Il a dit : “ pendant six jours, tu travailleras ”. En revanche, si l’on va au delà de cela, on détériore la propriété de D.ieu sans Son accord.
Yaakov mit en avant les conditions climatiques et Rav demanda de dépecer un animal. C’est bien la preuve qu’une telle manière d’agir est inhabituelle, peu fréquente. Vous consulterez, à ce propos, le traité Baba Metsya 93b, qui rapporte une controverse portant sur une garde renforcée, le Midrash Tan’houma Mikets, qui explique que Yaakov, fuyant Esav, se rendit chez Lavan et y subit plusieurs difficultés, dont les conditions climatiques, le commentaire de la Torah du Tour, sur le verset Vayétsé 31, 39, précisant que Yaakov dépassa son obligation, en la matière.
Vous m’interrogez également sur les chapitres 1 et 22 du Tanya, qui disent, comme le Toureï Even 29a, que “ celui qui transgresse un Interdit léger de nos Sages est appelé impie. Combien plus l’est celui qui néglige une Injonction ”.
Vous êtes surpris par cette expression, “ combien plus ”, à propos de ce qui est qui est clairement établi par les traités Chevouot 12b et Zeva’him 7b, dans lesquels nos Sages disent : “ A celui qui transgresse une Injonction et ne le regrette pas s’applique le verset : le sacrifice des impies est une abomination ”.
La réponse tient en deux points :
A) Les traités Chevouot et Zeva’him traitent de celui qui a transgressé deux Injonctions, la faute proprement dite et le fait de ne pas la regretter.
La formulation de l’Admour Hazaken, au premier chapitre d’Igueret Hatechouva, à la page 91a, permet d’établir que, selon lui, la Techouva est une Injonction de la Torah, contredisant ainsi l’avis soutenant que la Mitsva consiste, pour celui qui regrette sa mauvaise action, à la confesser. Vous consulterez, à ce propos, le Min’hat ‘Hinou’h, au chapitre 64 et aussi le Séfer Hamitsvot du Tséma’h Tsédek, à la Mitsva de la confession et de la Techouva, le commentaire du Rav I. P. Perla sur le Séfer Hamitsvot de Rabbi Saadya Gaon, à la Paracha 42, le Zohar, tome 3, page 124a. Ceci ne sera pas développé ici.
Selon cet avis, la nécessité de se confesser s’applique durant toute l’année. Elle est, cependant, différente à Yom Kippour, car tous sont alors tenus de faire Techouva, selon le Rambam, lois de la Techouva, chapitre 2, paragraphe 7. De même, lorsque l’on offre un sacrifice, on doit confesser la faute que l’on souhaite ainsi racheter. C’est ce qu’explique le traité Zeva’him. L’Injonction de faire Techouva s’applique alors. A l’opposé, le Tanya et le Toureï Even disent que l’on est un impie dès l’instant où l’on a négligé une Injonction.
B) On peut avancer une autre explication. Les traités Chevouot et Zeva’him indiquent seulement qu’un tel homme est un impie. Mais, l’on pourrait penser qu’un tel qualificatif reste léger, en pareil cas. Le Tanya explique donc qu’il est, bien au contraire, grave. C’est à ce propos qu’il dit : “ combien plus ”.
Note :
J’ai vu que, dans votre livre, vous traitez d’abord des rois, vous basant sur la fin du traité Horayot, qui dit que le roi a la préséance sur le grand Prêtre et le prophète. Or, dans ce chapitre, vous évoquez tout d’abord Moché, maître de tous les prophètes. Mais, l’on peut réellement s’interroger, à ce propos, car la qualité de Moché était la prophétie et non la royauté, comme vous le soulignez vous même au début de la page 2.
Ce chapitre des rois, s’il traite d’abord du plus élevé d’entre eux, doit parler, en premier lieu, du Machia’h.
Concernant la prophétie, un avis, exprimé dans le premier chapitre du traité Roch Hachana, considère que, parmi les rois, certains égalèrent Moché. En revanche, le Rambam dit, dans ses lois de la Techouva, chapitre 9, paragraphe 2, que le Machia’h sera un grand prophète, proche de Moché. Il semble donc adopter l’autre avis figurant dans le traité Roch Hachana, selon lequel aucun autre roi ne lui fut comparable.
Concernant la royauté, par contre, le traité Sanhédrin 93b dit que le Machia’h pourra rendre le jugement sur la base de son odorat et il expose même une action qui fut faite en tenant compte de cela. L’avis qui considère qu’un roi fut effectivement l’équivalent de Moché, en l’occurrence Chlomo, conviendra que ce dernier ne pouvait rendre le jugement qu’après avoir entendu les témoins. Le jugement olfactif lui est donc accordé(5) en tant que roi et non en tant que prophète, car ce dernier ne rend pas le jugement.
D’après la version dont nous disposons, on peut considérer que tel est le sens des deux explications que donne le Midrash Tan’houma, à la fin de la Parchat Toledot, à propos du Machia’h : “ Il comprendra et dépassera Its’hak ”, mais non Moché, qui est un plus grand prophète que lui et “ Il surpassera Moché ”, par la royauté.
Vous consulterez les notes du Rav C. Buber sur le Midrash Tan’houma, au paragraphe 34. Il signale que le Maharats ‘Hayot s’interroge, en se basant sur ce même texte, à propos de l’affirmation du Rambam, à la même référence, selon laquelle le Machia’h est uniquement “ proche de Moché ”. Vous consulterez également le discours ‘hassidique prononcé par mon beau-père, le Rabbi, à A’haron Chel Pessa’h 5709, qui figure dans le fascicule n°65. Celui-ci dit que, dans le monde futur, le Machia’h apportera l’enseignement profond de la Torah également aux Patriarches, à Moché, à Aharon. C’est aussi ce qu’indique le Likouteï Torah, de l’Admour Hazaken, à la Parchat Tsav, au second chapitre du discours intitulé “ Il étendra la main ”.
Avec ma bénédiction de réussite pour obtenir l’aide de D.ieu dans l’étude de la Torah, avec la tranquillité du corps et de l’esprit,
Vous trouverez ci-joint un chèque(6).
Notes
(1) Le Rav R. Gluk.
(2) Textuellement, Jugements des hommes.
(3) Lorsqu’il travaillait chez Lavan, son beau-père.
(4) Pour gagner sa vie.
(5) Au Machia’h.
(6) Vraisemblablement en paiement du livre adressé par cet auteur.