Lettre n° 956

[24 Adar Cheni 5711]

J’ai reçu, en leur temps, vos deux lettres, la première qui n’était pas datée et la seconde, du 22 Adar. Mais, du fait de mes nombreuses occupations, je n’ai malheureusement pas pu y répondre jusqu'à maintenant.

Vous trouverez ci-joint le fascicule édité à l’occasion de Pourim et celui du 2 Nissan. Et, je réponds, à présent, à vos lettres.

J’ai été particulièrement satisfait de lire que vous faites usage de vos dons de peintre. Vous préparez une exposition et les articles publiés dans la presse sont positifs. Vous progresserez sûrement, dans ce domaine et vous vous servirez des talents que D.ieu vous a accordés pour raffermir le Judaïsme et la crainte de D.ieu.

Le point essentiel de votre lettre est l’appréciation négative que vous avez de votre propre situation. Vous êtes découragé et, parfois même, vous parvenez au renoncement. Vous avez du mal à trouver votre place. Vous souhaitez donc me voir, afin que nous puissions en parler de vive voix.

Il est judicieux que deux bons amis se rencontrent. Un encouragement moral peut en résulter pour l’un comme pour l’autre. Mais, que faire jusqu'à cette rencontre ? Se maintenir dans cette situation de renoncement, ce qu’à D.ieu ne plaise ? Qui d’entre nous peut se permettre pareille chose ?

Vous ne me dites pas ce qui est la cause de votre état moral. Je ne peux donc pas l’analyser, pour vous montrer qu’elle est illusoire, émane du mauvais penchant. En effet, même si elle était effective, elle ne pourrait être considérée comme réelle, dès lors qu’elle provoque le renoncement et le découragement. Elle n’est donc qu’un stratagème du mauvais penchant, que mon beau-père, le Rabbi, appelle, “ le petit malin ”. En effet, celui-ci sait parfaitement trouver les mots susceptibles de convaincre chacun.

Il me faut formuler ici une remarque, d’ordre générale, sur ce qui fait l’objet de notre propos. Me basant sur la sentence du Baal Chem Tov, que mon beau-père, le Rabbi, a citée de nombreuses fois, selon laquelle ce que l’on voit et entend délivre un enseignement pour le service de D.ieu, je voudrais analyser plus précisément votre situation.

Vous savez sans doute que la qualité d’un peintre consiste à occulter l’aspect extérieur d’un objet, à oublier son contours, pour le pénétrer, en saisir l’aspect profond et l’essence, afin de l’exprimer par sa toile. Ainsi, celui qui la contemplera percevra ce qu’il n’avait auparavant pas remarqué, lorsque la partie intérieure était cachée par des éléments accessoires.

C’est ainsi qu’un peintre révèle l’essence de ce qu’il représente. Par la suite, celui qui voit sa toile observe une réalité différente, plus vraie et prend conscience qu’il était auparavant dans l’erreur.

Tout ce qui vient d’être dit constitue un principe fondamental du service du Créateur.

La Torah, en général et la ‘Hassidout, en particulier, nous enseignent que l’ensemble de la création fut réalisée par la Parole de D.ieu et celle-ci la vivifie et la perpétue, à chaque instant. Mais, la contraction de la Lumière divine et l’Attribut de rigueur céleste voilent et occultent cette Parole de D.ieu, n’en laissant apparaître que la partie la plus superficielle.

Le service de D.ieu, basé sur la foi pure selon laquelle “ il n’en nul autre que Lui ”, consiste a envisager chaque événement de la vie en fonction de ce principe. Chacun, dans toute la mesure de ses moyens, doit mettre en évidence la Divinité qui se trouve en toute chose et réduire, autant que possible, le voile imposée à sa dimension profonde par son aspect superficiel.

Il en est de même pour chacun, en particulier, car “ vous êtes des enfants pour l’Eternel votre D.ieu ”. Le second chapitre du Tanya explique, à ce propos, qu’un fils est une émanation du cerveau de son père et que, de la même façon, l’âme de chaque Juif provient de la Pensée et de la Sagesse de D.ieu, qui sont effectivement partie intégrante de Lui-même. Telle est donc l’essence profonde de chaque Juif, y compris la vôtre.

Mais, D.ieu ne souhaite pas que l’âme ait recours au “ pain de la honte ”. Il lui accorde donc le pouvoir de fournir un effort. Bien plus, il ne s’agit pas d’un simple effort, mais bien de ce qui doit l’absorber, moralement et physiquement et lui permettre de recevoir tout le bien, de révéler les stades les plus élevés, tout en le méritant effectivement.

Dans le Tanya, le Rabbi précise également un autre point. Il explique que l’on ne doit pas penser que ce qui vient d’être dit ne s’applique pas à certaines personnes. Il affirme que c’est impossible et souligne que, même si l’effort n’est pas pour le Nom de D.ieu, il le deviendra effectivement, au final, car “ nul d’entre nous ne sera repoussé ”, comme l’explique le Tanya, à la fin du chapitre 39.

Il faut donc se garder de laisser les aspects extérieurs occulter ce qui est le but essentiel de l’homme et la finalité de sa création.

Lorsqu’un homme éprouve des difficultés, lorsqu’il est confronté à des épreuves, doit transformer la matière du monde, il doit en conclure qu’il n’est pas d’autre moyen de parvenir au but recherché, c’est à dire que l’âme reste ce qu’elle était déjà avant sa création, qu’elle conserve sa pureté, bien plus, qu’elle reçoive une considérable élévation.

En effet, “ un instant de Techouva et de bonnes actions dans ce monde est préférable à tout le monde futur ”. En conséquence, les difficultés que l’on peut éprouver à surmonter les épreuves ou même le découragement qu’inspire l’échec, de temps à autre, ne peuvent altérer la joie que l’on éprouve d’être “ Mon fils aîné, Israël ”, la promesse que l’on reçoit de D.ieu Lui-même, selon laquelle “ tout Ton peuple est fait de Justes ”.

Si l’on prend ces éléments en compte, on peut se demander comment un Juif, surtout s’il a bénéficié de la lumière de la ‘Hassidout, plus encore s’il l’a étudiée et, combien plus, si D.ieu lui a envoyé des souffrances, peut-il écrire qu’il est découragé, ce qu’à D.ieu ne plaise, qu’il ne trouve pas sa place ? Une telle position heurte non seulement la foi, mais même la logique !

De la manière la plus forte, D.ieu donne l’assurance que “ nul d’entre nous ne sera écartée ”. Il ne demande pas à l’homme ce qui n’est pas en sa possibilité, car “ le Saint béni soit-Il n’agit pas par ruse envers Ses Créatures ”. Il attend uniquement de l’homme qu’il fasse usage des forces dont il dispose. Bien plus, Il précise que Sa requête est seulement celle-ci : “ Ouvrez pour Moi un accès de la taille d’une pointe d’aiguille et Je vous ouvrirai Moi-même le portail du Sanctuaire ”.

Tels sont les propos de D.ieu. Comment prétendre qu’il faut raisonner autrement, ce qu’à D.ieu ne plaise, que l’on doit se décourager, baisser les bras, se convaincre que la chute se poursuit ?

La question est donc la suivante. Entre les paroles du maître et ceux du disciple, lesquelles doit-on choisir ? Vous devez vous même vous poser cette question. Vous avez une conception et D.ieu en a une autre. Avez vous un doute pour déterminer qui a raison ?

Nous arrêterons ce raisonnement ici.

Concrètement, vous devez savoir que vous appartenez à la communauté des ‘Hassidim, que vous êtes donc attaché à l’arbre de vie, que la définition de ce lien est exprimée par le verset “ vous êtes attachés à l’Eternel, votre D.ieu, tous vivants aujourd’hui ”. Le Rabbi cite, à ce propos, dans le fascicule du 2 Nissan, l’affirmation de nos Sages selon laquelle “ lorsque tous seront morts, vous vivrez encore. Tout comme vous êtes tous vivants aujourd’hui, vous le serez encore dans le monde futur ”.

En d’autres termes, vous avez reçu une promesse personnelle, formulée par nos Sages, selon laquelle “ vous êtes tous vivants aujourd’hui ” et “ vous serez tous vivants dans le monde futur ”.

Vous devez donc emplir votre temps de Torah et de Mitsvot pénétrées de crainte de D.ieu, vous servir des dons que D.ieu vous a accordés pour raffermir cette crainte de D.ieu.

De telles choses ne doivent pas être remises à demain, lorsqu’il sera nécessaire d’accomplir la tâche assignée à demain. Aujourd’hui, vous vous consacrerez donc à celle de ce jour. Pour mener tout cela à bien, on doit savoir que tous les obstacles émanent du mauvais penchant, que la foi doit imprégner l’intellect et le sentiment, l’action concrète, la pensée, la parole et l’action.

Lorsque vous vous emploierez à tout cela, même s’il vous semble impossible de réaliser plus qu’une pointe d’aiguille, D.ieu vous conférera la réussite et Il ouvrira pour vous la porte du Sanctuaire.

J’espère que vous ne me tiendrez pas rigueur du retard avec lequel ma réponse vous parvient, que vous m’annoncerez bientôt une nouvelle réjouissante et me direz que vous agissez dans l’esprit de ce qui vient d’être développé.

Avec ma bénédiction et dans l’attente de vos bonnes nouvelles, que vous me donnerez très prochainement,