Rambam 3 Chapitres
Notons que bon nombre de ces lois ne sont pas la halakha, c'est-à-dire la pratique observée dans les communautés juives. Elles ne sauraient donc en aucun cas être prises comme référence. Veuillez noter également que cette version est un premier essai qui fera l'objet de corrections ultérieures.
Lois relatives à celui qui cause un dommage corporel ou matériel
L’explication de ce commandement [se trouve] dans les chapitres que voici :
Chapitre Premier
« Si des hommes se querellent, et que l’un frappe son prochain avec une pierre ou avec le poing, sans qu’il meure, mais qu’il soit forcé de s’aliter. S’il se relève et marche au dehors avec appui, celui qui a frappé sera absous ; mais il paiera son chômage et il le fera guérir » (Ex. 21, 18-19).
« Si des hommes se battent et heurtent une femme enceinte, la faisant avorter, sans [autre] malheur, il sera puni : selon ce que lui imposera l’époux de la femme, et il paiera par les juges. Et si un [autre] malheur s’ensuit, tu donneras vie pour vie ; œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied ; brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, contusion pour contusion » (Ex. 21, 22-25).
« Si quelqu’un inflige un défaut à son prochain, comme il a agit lui-même, ainsi lui sera-t-il fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent ; selon le défaut qu’il aura donné à autrui, ainsi lui sera-t-il donné » (Lév. 24, 19-20).
« Si des hommes se querellent l’un contre l’autre, et que la femme de l’un s’approche pour sauver son mari de la main de celui qui le frappe, qu’elle avance la main et le saisisse par les parties honteuses : tu lui couperas la main, ton œil n’aura pas pitié » (Deut. 25, 11-12).
Les trois derniers paragraphes sont à l’origine d’une erreur grossière de la part de ceux qui n’y ont vu rien d’autre que la « loi du talion ». En fait, ces versets ont un tout autre sens. Comme il va être expliqué (ch. 1 § 2-4), il ne s’agit pas d’une vengeance, mais d’une réparation en argent du préjudice corporel (qui peut être assortie d’une autre peine pour son auteur).
La Thora exige le versement de cinq indemnités : la réparation du dommage causé à la personne, une indemnité pour la souffrance éprouvée, le paiement des frais médicaux, une indemnité pour le chômage et enfin, une indemnité pour l’humiliation ressentie.
Le premier chapitre définit ces cinq indemnités et en donne la source.
1. Qui blesse autrui est tenu de payer cinq indemnités, qui sont : le dommage, la souffrance, les frais médicaux, le chômage et la honte.
Ces cinq indemnités doivent être payées avec le meilleur des biens de l’intéressé, comme [le veut] la loi pour tous les auteurs de dommages.
2. [On a cité] le dommage. Comment cela ? Si un homme tranche la main ou le pied d’un autre, [on procède de la manière suivante :] on considère ce dernier comme un esclave vendu au marché ; [on évalue] combien il valait (alors) et combien il vaut maintenant, et l’auteur du dommage paye la dépréciation qu’il lui a causé. Ainsi qu’il est dit (Ex. 21, 24) : « œil pour œil ». Par tradition orale, les Sages ont appris que le terme pour fait référence à un paiement d’argent.
3. Ce qui est dit dans la Thora (Lév. 24, 20) : « selon le défaut qu’il a donné à autrui, ainsi lui sera-t-il donné » ne [signifie] pas [qu’il faille] blesser l’agresseur comme il a blessé l’autre. Plutôt, [cela signifie] qu’il mériterait d’être mutilé ou blessé comme il l’a fait, aussi doit-il payer [la réparation du] dommage.
Il est dit (Nomb. 35, 31) : « Vous n’accepterez pas de rachat pour la vie d’un meurtrier » ; c’est seulement pour un meurtrier qu’il n’y a pas de rachat [possible], mais pour la mutilation d’un membre ou pour une blessure, il y a un rachat [possible].
4. De même, ce qu’il est dit à propos de celui qui blesse autrui ou lui cause un dommage [Deut. 25, 12] : « ton œil n’aura pas pitié » [signifie] que tu ne dois pas avoir pitié concernant le paiement. [En effet,] peut-être diras-tu : « Celui-ci est un pauvre, il l’a blessé sans intention, je vais avoir pitié de lui », c’est pourquoi, il est dit : « ton œil n’aura pas pitié ».
5. D’où [sait-on] que ce qui est dit au sujet [de la mutilation] d’un membre : « œil pour œil » fait référence à un paiement ?
Car il est dit [dans le même verset] : « blessure pour blessure » ; or, [concernant la réparation du préjudice causé par une blessure,] il est dit explicitement (Ex. 21, 18-19) : « et qu’un homme frappe son prochain avec une pierre ou avec le poing… mais il paiera son chômage et il [le] fera guérir. » Tu en déduis que le terme pour employé [par la Thora] concernant la blessure fait référence à un paiement, et il en va de même pour [le terme] pour mentionné concernant l’œil et les autres membres.
6. Bien que ces principes [selon lesquels la Thora fait référence à une indemnité pécuniaire] apparaissent du contexte de la Thora écrite [comme il a été établi], ils sont tous explicites [dans la Thora orale transmise] par la bouche de Moïse sur le mont Sinaï et sont tous pour nous des règles [ayant une application] pratique. C’est ce que nos pères ont vu appliquer dans le tribunal de Josué, dans le tribunal du [prophète] Samuel de Rama et dans chaque tribunal établi depuis l’époque de Moïse notre Maître jusqu’à maintenant.
7. D’où [sait-on] que celui qui cause un dommage [corporel] à autrui est passible de [payer,] à part, [une indemnité] pour la souffrance ?
Car il est dit, concernant le [paiement imposé à un] violeur (Deut. 22, 29) : « parce qu’il [l’]a oppressé[e] » ; la loi est la même pour quiconque fait souffrir autrui corporellement , il est tenu de payer la valeur de la souffrance.
8. D’où [sait-on] qu’il est passible de [payer,] à part, [une indemnité] pour le chômage et [une indemnité] pour les frais médicaux ?
Car il est dit (Ex. 21, 18-19) : « Mais il paiera son chômage et il [le] fera guérir. »
9. D’où [sait-on] qu’il est passible de [payer,] à part, [une indemnité] pour l’humiliation ?
Parce qu’il est dit (Deut. 25, 11-12) : « qu’elle avance la main et le saisisse par les parties honteuses : tu lui couperas la main » : est inclus dans cette loi quiconque humilie [autrui].
10. Qui humilie [autrui] n’est passible [d’une indemnité] pour l’humiliation que s’il en a eu l’intention, ainsi qu’il est dit : « qu’elle avance la main ». Mais celui qui humilie autrui sans en avoir l’intention est exempt. C’est pourquoi, un individu endormi ou [dans un état] semblable qui humilie [autrui] est exempt.
11. Un homme est toujours [considéré comme] mouad [responsable] : [qu’il agisse] par inadvertance ou délibérément, qu’il soit réveillé, endormi ou ivre, s’il cause un dommage corporel ou matériel à autrui, il doit payer [les indemnités] du meilleur de ses biens.
Dans quel cas dit-on qu’une personne endormie est tenue de payer ? [Lorsque, par exemple,] deux individus dorment en même temps et que l’un se retourne [dans son sommeil], causant un dommage [corporel] à l’autre ou déchirant son vêtement.
Mais si l’un dort et que l’autre vienne s’étendre à côté de lui, c’est celui qui est venu en dernier qui est [considéré comme] responsable ; [par conséquent,] si l’individu [déjà] endormi lui cause un dommage, il est exempt.
De même, si [un homme] pose un ustensile à côté d’un sujet endormi et que ce dernier le brise, il est exempt. Car c’est celui qui a posé l’ustensile qui est [considéré comme le] responsable ayant été négligent.
12. Qui tombe d’un toit par un vent ordinaire et cause [ainsi] un dommage [corporel à autrui] est passible des quatre indemnités et exempt de [l’indemnité pour] l’humiliation [parce qu’il n’en a pas eu l’intention].
Serait-il tombé par un vent non ordinaire, il est passible de [payer la réparation du] dommage seulement, et est exempt des quatre [autres] indemnités. S’il s’est retourné [dans l’air pour tomber sur une personne et ainsi amortir sa chute], il est passible de toutes [les indemnités], même de [l’indemnité pour] l’humiliation [causée]. En effet, quiconque a l’intention de causer un dommage, bien qu’il n’ait pas eu l’intention d’humilier [la victime], est passible de [l’indemnité pour] l’humiliation.
13. Si deux individus blessent ensemble un [tiers], tous deux sont passibles [de payer les cinq indemnités] ; ils partagent entre eux [le paiement]. [Toutefois,] si l’un a [agi] intentionnellement et l’autre sans intention, celui qui a [agi] sans intention est exempt de [l’indemnité pour] l’humiliation.
14. Celui qui, ayant l’intention d’humilier un mineur, humilie [finalement] un adulte, doit verser à l’adulte la valeur de l’humiliation du mineur.
S’il a humilié un [homme] libre alors qu’il avait l’intention d’humilier un esclave, il doit payer à [l’homme] libre la valeur de l’humiliation de l’esclave.
15. Soit un homme ayant une pierre posée dans son giron. Qu’il ne l’ait jamais remarquée ou qu’il l’ait remarquée mais l’ait oubliée, si la pierre tombe et cause un dommage lorsqu’il se lève, il est tenu à [la réparation du] dommage seulement, et est exempt des quatre [autres] indemnités.
De même, s’il avait l’intention de jeter [une pierre à une distance de] deux [coudées] et [l’]a jetée [à une distance de] quatre [coudées], causant un dommage [corporel à autrui], ou s’il a causé un dommage en dormant, il est passible [de payer la réparation] du dommage et est exempt des quatre [autres] indemnités.
16. Qui cause un dommage [corporel] à autrui intentionnellement, en tout lieu [domaine privé ou public], est passible des cinq indemnités. Même si un maître de maison cause un dommage [corporel] à un individu entré dans son domaine sans autorisation, il est passible [de payer]. En effet, il est en droit de le faire sortir, mais non de lui causer un dommage.
En revanche, si l’intrus a subi un dommage [corporel en se heurtant] au propriétaire, le propriétaire est exempt. Si le propriétaire a subi un dommage [en se heurtant] à lui, l’intrus doit répondre [du dommage], parce qu’il est entré sans autorisation.
Si deux personnes, ayant toutes deux le droit ou n’ayant toutes deux pas le droit [de se trouver dans un lieu défini], subissent un dommage [en se heurtant] l’une contre l’autre, toutes deux sont exemptes.
17. [Soit les cas suivants :]
(a) un homme coupe du bois dans le domaine public ; un [éclat de] bois s’envole et cause un dommage [corporel à autrui] dans un domaine privé ;
(b) il coupe du bois dans un domaine privé et cause [ainsi] un dommage [corporel à autrui] dans le domaine public ;
(c) il coupe du bois dans un domaine privé et cause [ainsi] un dommage [corporel] dans un autre domaine privé ;
(d) un homme entre dans la boutique d’un menuisier, avec ou sans autorisation ; un copeau de bois est projeté et heurte son visage.
Dans tous ces [cas], l’auteur du dommage est passible des quatre indemnités, mais est exempt [de l’indemnité pour l’]humiliation.
18. De même que l’on fait une estimation concernant la mort [c’est-à-dire le meurtre, pour savoir si l’instrument utilisé était susceptible de causer la mort ], de même on fait une estimation pour les dommages [corporels].
Comment cela ? Si un homme en a frappé un autre avec un petit caillou qui n’est pas suffisant pour causer un dommage corporel ou avec un petit éclat de bois et qu’il lui ait causé une blessure que cet objet n’aurait pas dû [normalement] faire, il est exempt. Ainsi qu’il est dit (Ex. 21, 18) : « avec une pierre ou avec le poing », [c’est-à-dire] une chose susceptible de causer un dommage. Mais il est passible de [l’indemnité pour] l’humiliation seulement ; [en effet,] même s’il crache sur le corps d’autrui, il est passible de [l’indemnité pour] l’humiliation.
C’est pourquoi, les témoins doivent savoir avec quoi l’agresseur a causé le dommage ; ils apportent l’instrument avec lequel il a causé le dommage au tribunal, qui l’évalue et juge en conséquence.
Si l’objet est perdu, et que celui qui a causé la blessure dise : « Cet objet n’était pas suffisant pour causer un dommage [corporel], je suis comme dans un cas de force majeure », alors que la victime déclare : « L’objet était suffisant pour causer un dommage [corporel] », la victime prête un serment [sur sa déclaration] et perçoit [les indemnités], comme il sera expliqué .
19. Pour le fer, il n’y a pas d’estimation, [car] même une petite aiguille peut causer la mort, et inutile de dire [qu’elle peut] causer un dommage [corporel].
Si un homme jette une pierre, et qu’un autre, ayant sorti la tête par la fenêtre après que la pierre a quitté la main du premier, reçoive la pierre [au visage], celui qui a jeté la pierre est totalement exempt. En effet, il est dit [concernant le bûcheron, dont le fer de la hache s’est malencontreusement séparé du manche et a causé la mort d’autrui (Deut. 19, 5)] : « et trouve son compagnon » [ce qui implique que celui-ci était déjà présent avant d’être touché] ; cela exclut [le cas où la victime] se présente [après que l’objet a été projeté].
Lois relatives à qui cause un dommage corporel ou matériel : Chapitre Deux
Par ailleurs, est également étudiée la méthode d’évaluation des indemnités pour le chômage et pour les frais médicaux.
1. Qui blesse autrui de telle manière qu’il lui appartient de payer toutes les cinq indemnités doit payer les cinq [indemnités].
S’il lui cause un dommage [corporel] qui ne requiert que quatre [indemnités], il paye [ces] quatre [indemnités].
[S’il lui cause un dommage corporel qui requiert le paiement de] trois [indemnités], il paye [ces] trois [indemnités].
[S’il lui cause un dommage corporel qui requiert le paiement de] deux [indemnités], il paye [ces] deux [indemnités].
[S’il lui cause un dommage corporel qui requiert le paiement d’]une seule [indemnité], il [en] paye une seule.
2. Comment cela ?
S’il tranche la main, le pied ou un doigt de la main ou du pied de l’autre, ou bien lui fait perdre la vue d’un œil, il doit payer les cinq [indemnités] : [la réparation du] dommage, la souffrance, les frais médicaux, le chômage et l’humiliation.
S’il le frappe à la main de sorte qu’elle enfle [sans entraîner d’incapacité pour le travail], mais reviendra finalement [à sa taille normale], [ou le frappe] à l’œil [de sorte] qu’il est sur le point de « sortir » [de l’orbite], mais finira par guérir, il doit payer quatre [indemnités] : la souffrance, les frais médicaux, le chômage, et l’humiliation.
S’il le frappe à la tête de sorte qu’elle enfle, il paye trois [indemnités] : la souffrance, les frais médicaux et l’humiliation.
S’il le frappe à un endroit [du corps] qui n’est pas visible, par exemple, sur le genou ou sur le dos, il doit payer deux [indemnités] : la souffrance et les frais médicaux.
S’il le frappe avec une serviette se trouvant dans sa main, avec un document ou [avec quelque chose de] semblable à ceux-ci [sans le blesser ou lui causer une souffrance], il doit payer une seule [indemnité] : l’humiliation.
3. S’il le brûle avec une broche ou avec un clou sur les ongles, à un endroit où cela ne cause pas de blessure et n’empêche pas le travail, il doit payer [l’indemnité pour] la souffrance seulement.
S’il lui fait boire une potion ou l’enduit d’une substance qui change l’aspect de sa peau [sur une partie du corps qui n’est pas visible], il doit payer les frais médicaux seulement, jusqu’à ce que sa peau reprenne son aspect initial.
S’il l’enferme dans une pièce [et le prive ainsi de toute activité professionnelle], il doit payer seulement la valeur de son chômage.
Il en va de même pour tout cas similaire.
4. Celui qui rase les cheveux d’un autre doit lui payer la valeur de l’humiliation seulement, parce que ses cheveux finiront par repousser.
S’il lui rase [les cheveux] avec une crème [dépilatoire] ou lui brûle [la tête] de sorte que ses cheveux ne repousseront pas, il est passible des cinq indemnités : [la réparation du] dommage, la souffrance et les frais médicaux – sa tête ayant été réchauffée par la brûlure ou par la crème, il est donc affecté à la tête. L’agresseur [doit également] lui payer le chômage, parce que la victime, apte à danser en remuant la chevelure de sa tête, [se voit contrainte de] cesser cette activité ; [par ailleurs, elle bénéficie de l’indemnisation pour] l’humiliation [subie], car il n’est pas de plus grande humiliation que cela.
5. Tu apprends donc que quiconque cause à autrui une mutilation irréversible est passible de toutes les cinq indemnités. Même s’il lui fait tomber une dent, il est passible de toutes [les cinq indemnités], parce qu’il est impossible que sa bouche n’[en] soit pas affectée pendant un moment [d’où l’indemnité pour la souffrance physique éprouvée et la cessation de son activité professionnelle] ; [il doit aussi payer les frais médicaux car] bien que la dent ne puisse pas être guérie, la gencive doit être soignée.
6. Même s’il lui fait perdre [la taille d’]un poil [autre lecture : (la taille d’)un grain d’orge] de la peau, il est passible des cinq indemnités ; car la peau ne revient pas, [elle laisse à la place] une cicatrice.
C’est pourquoi, celui qui blesse autrui, lui déchirant la peau et exprimant [ainsi] du sang, est passible des cinq indemnités.
7. Celui qui effraie autrui, bien que la victime tombe malade du fait de la peur, est exempt selon la loi humaine, mais doit répondre [du dommage] selon la loi du Ciel [c'est-à-dire qu’il a une obligation morale de payer]. A condition qu’il ne l’ait pas touché, mais ait [seulement] crié derrière lui, ou soit apparu devant lui dans l’obscurité ou [ait fait] quelque chose de semblable.
Il en va de même s’il le rend sourd en lui criant dans l’oreille : il est exempt selon la loi humaine, mais doit répondre [du dommage] selon la loi du Ciel.
[En revanche, s’]il le saisit et hurle dans son oreille, le rendant [ainsi] sourd, ou [s’]il le touche et le pousse au moment où il l’effraie, ou [encore] saisit ses vêtements, ou [fait une action] semblable, il est tenu de payer [les indemnités].
8. Il me semble qu’un blessé qui déclare : « Je suis devenu sourd et je n’entends plus » ou « Mon œil est devenu aveugle et je ne vois plus » n’est pas cru [immédiatement]. En effet, on ne remarque pas la chose [et on craint que] peut-être il ruse.
Il ne perçoit pas [d’indemnisation pour le] dommage tant qu’il n’a pas été reconnu comme ayant perdu la vue ou comme [étant] devenu sourd par un test sur une longue période. [C’est seulement] ensuite [que] l’auteur du dommage paye [l’indemnisation pour cela].
9. Combien [l’auteur d’un dommage corporel doit-il verser en indemnisation pour] la souffrance ?
Tout dépend de la victime : certaines personnes sont très tendres et délicates, et [de surcroît] fortunées, [de sorte que même] si on leur donnait beaucoup d’argent, elles n’[accepteraient] pas de subir la moindre souffrance.
[A l’opposé,] certaines personnes travaillent dur, et sont fortes et pauvres ; pour un seul zouz, elles [seraient prêtes à] subir une grande souffrance.
C’est suivant ces critères que [l’indemnité pour] la souffrance est évaluée et fixée.
10. Comment [l’indemnité pour] la souffrance est-elle évaluée dans le cas d’une mutilation d’un membre ?
[Par exemple,] si l’agresseur a tranché la main ou le doigt de sa victime, on évalue combien tel homme aurait voulu verser [pour pouvoir bénéficier de la différence] entre le sectionnement de ce membre avec une lotion [qui ne cause pas de souffrance] et [l’amputation] avec une épée si le roi avait décrété l’amputation de sa main ou de son pied . On évalue combien [vaut] la différence entre l’un et l’autre et l’auteur du dommage paye [cette somme].
11. Comment [l’indemnité pour] le chômage est-elle évaluée ?
Si l’agresseur n’a pas mutilé sa victime, et que celle-ci soit [simplement] tombée malade et soit alitée ou bien que sa main ait enflé, [mais doive] finalement revenir [à son état initial], il doit lui payer la valeur de son chômage journalier, comme un ouvrier en cessation du travail pour lequel elle est au chômage .
S’il l’a mutilée ou lui a tranché la main, il doit lui payer la valeur de sa main, ce qui constitue [la réparation du] dommage. [La détermination de l’indemnité pour] le chômage [se fait de la manière suivante :] la victime est considérée comme [exerçant la fonction de] gardien de melons chate . On se réfère au salaire journalier d’un gardien de melons chate et on fait le compte de tous les jours de maladie [donc de son inaptitude au travail] ; l’auteur du dommage doit lui payer [cette somme].
De même, si l’agresseur a tranché le pied de la victime, on [détermine l’indemnité pour le chômage en] considérant qu’elle [exerce la fonction de] gardien d’une entrée . Lui aurait-il fait perdre la vue d’un œil, on considère qu’elle [a pour fonction de] moudre avec un moulin à bras.
Il en va de même pour tout cas semblable.
12. Si un homme en rend un autre sourd en le frappant à l’oreille ou bien en le saisissant et en hurlant dans son oreille, il doit lui payer la valeur de toute sa personne, car il n’est pas du tout apte à un travail.
13. [Soit le cas suivant :] un agresseur a fait perdre à sa victime la vue d’un œil et le tribunal n’a pas fait d’estimation. [Puis] il lui a tranché la main et le tribunal n’a pas fait d’estimation. [Puis,] il lui a tranché le pied et le tribunal n’a pas fait d’estimation. Ensuite, il l’a rendu sourde. Etant donné que le tribunal n’a pas fait d’évaluation pour chaque dommage [séparément], l’agresseur doit payer à la victime [seulement] la valeur [monétaire] de toute sa personne [et non toutes les indemnisations séparément pour les autres membres].
Si le tribunal a fait une estimation pour chaque dommage [corporel séparément], et a ensuite estimé la valeur totale [de la victime telle qu’elle était avant d’être mutilée], le tribunal ne perçoit [de l’agresseur] que la valeur totale [de la victime]. [Toutefois,] si la victime se saisit [d’un bien de son agresseur pour percevoir la réparation du] dommage pour chaque membre [c'est-à-dire la souffrance, les frais médicaux et l’humiliation ressentie ] ainsi que sa valeur totale, on ne [le] lui retire pas.
14. Comment les frais médicaux sont-ils évalués ? On estime combien de jours il faudra à la victime pour guérir de cette maladie et [en conséquence,] la somme dont elle a besoin [c'est-à-dire les frais médicaux engagés] ; l’agresseur lui verse [cette somme] immédiatement. On n’oblige pas l’agresseur à verser [une somme] quotidiennement ; cette règle est un arrangement à l’avantage de l’agresseur [car même si la guérison de la victime est plus longue que prévue, il ne sera pas tenu de payer davantage].
15. Il en va de même pour le chômage : on évalue celui-ci et l’auteur du dommage verse [le montant] intégral immédiatement. Si [par la suite], la maladie persiste et dure plus longtemps qu’il n’a été estimé, l’agresseur ne lui ajoute rien. De même, si la victime guérit immédiatement, on ne lui diminue pas [le montant que l’agresseur doit payer] par rapport au [forfait] estimé.
16. Dans quel cas dit-on [que l’agresseur paye toute l’indemnité allouée immédiatement] ? S’il l’accepte, car cela est un arrangement pour lui. Mais s’il dit : « Je ne désire pas cet arrangement ; plutôt, je [verserai la somme nécessaire pour la] guérison quotidiennement », on accepte.
17. Si la victime dit à l’agresseur : « Fixe avec moi [les frais médicaux] ; verse-moi [cette somme] et je me soignerai », on n’accepte pas [cet arrangement]. En effet, l’agresseur peut dire à la victime : « Peut-être [n’utiliseras-tu] pas [cet argent pour] te guérir et je serai reconnu comme un auteur de dommage ». Plutôt, l’agresseur verse une somme quotidienne à la victime ou bien fixe [une somme forfaitaire] pour toutes [les dépenses médicales nécessaires] et verse la [contre-]valeur des frais médicaux au tribunal.
18. Si l’auteur du dommage dit à la victime : « Je vais te guérir » ou « J’ai un médecin qui soigne gratuitement », on ne l’écoute pas ; plutôt, il fait venir un médecin expert, qui la soigne contre honoraires.
19. Si l’agresseur n’a pas fixé [une somme forfaitaire] avec la victime [choisissant] plutôt [de payer] les soins quotidiennement, et que des boursouflures soient apparues à cause de la plaie ou que la plaie se soit ouverte après avoir guéri, l’agresseur est tenu de [payer] les soins de la victime et de lui verser la [contre-]valeur de son chômage [engendré par ces complications].
Si des cloques sont apparues sans que cela soit dû à la plaie, l’agresseur est tenu de [payer] les soins, mais non de lui verser la [contre-]valeur du chômage [respectif].
Si la victime passe outre les prescriptions du médecin, et que la maladie se complique, l’agresseur n’est pas tenu de [payer] les soins.
20. Lorsque le tribunal fixe [l’indemnisation que doit verser] l’auteur du dommage et le condamne à payer, il perçoit de celui-ci [le montant] intégral immédiatement, sans lui fixer du tout d’échéance.
Et s’il est condamné seulement à [payer l’indemnisation pour] l’humiliation, le tribunal lui fixe une date [limite] de paiement, parce qu’il n’a pas fait perdre d’argent à sa victime.
Lois relatives à qui cause un dommage corporel ou matériel : Chapitre Trois
Pour certains coups, les Sages ont fixé le montant de l’indemnité que l’agresseur est tenu de payer (§ 8 et suivants).
1. Comment l’humiliation est-elle évaluée ? Tout dépend de l’offenseur et de l’humilié : on ne peut pas comparer qui subit un affront de la part d’un mineur à qui essuie un affront de la part d’un adulte respectable. En effet, grande est la honte de cet [homme] humilié par cet [individu] méprisable.
2. Celui qui humilie une personne [déjà] nue ou une personne qui se trouve dans un bain [public, où tout le monde est nu,] est exempt.
Si le vent souffle et retourne [c'est-à-dire relève] les pans [de l’habit d’un individu] sur son visage, de sorte qu’il est nu, et qu’un [autre] ajoute dans son dévêtement, ce dernier est passible de [l’indemnité pour] l’humiliation. [Là encore,] on ne peut pas comparer qui humilie cet [individu] qui est devenu nu [en partie à cause du vent] à qui humilie un sujet qui n’est pas nu.
De même, si une personne relève ses vêtements pour descendre au fleuve ou remonte du fleuve [avec l’habit relevé], et qu’un autre l’humilie, ce dernier est passible [de l’indemnité pour l’humiliation]. [Cependant,] on ne peut pas comparer celui qui humilie cette [personne qui a déjà le vêtement relevé] à celui qui humilie un sujet couvert de ses vêtements.
3. Qui humilie un sujet endormi est passible de [l’indemnité pour] l’humiliation. S’il décède dans son sommeil sans se réveiller, ne ressentant [donc] pas l’humiliation infligée, on ne perçoit pas de l’offenseur [une indemnité pour] l’humiliation. [Toutefois,] si les héritiers [du sujet humilié] saisissent [un bien de l’offenseur pour percevoir l’indemnité], on ne [le] leur retire pas.
4. Qui humilie un aliéné est exempt. Qui humilie un sourd-muet est passible [de payer l’indemnité]. Qui humilie un converti ou un esclave est passible [de la payer].
Qui humilie un mineur est passible [de payer l’indemnité] si le mineur a honte quand on lui fait affront. Sinon, il est exempt.
Toutefois, on ne peut pas comparer celui qui humilie un mineur à celui qui humilie un adulte, ni celui qui humilie un esclave à celui qui humilie un homme libre, ni celui qui humilie un sourd-muet à celui qui humilie une personne en pleine possession de ses facultés mentales.
5. Qui humilie autrui par des paroles ou en crachant sur ses vêtements est exempt du paiement. Il appartient au tribunal de mettre des barrières [c'est-à-dire de prendre les mesures nécessaires] en la matière en tout lieu et en tout temps selon ce qu’il considère [utile].
S’il a humilié un érudit, il est tenu de lui payer l’entière humiliation, bien qu’il ne l’ait humilié que par des paroles. C’est une loi déjà tranchée qu’on inflige une amende à quiconque humilie un érudit, ne serait-ce que par des paroles : on perçoit de lui le poids de trente-cinq dinars – ce qui équivaut au poids de neuf sélas moins un quart [de séla] – d’or. C’est une tradition orale entre nos mains que cette amende peut être perçue en tout lieu, en Terre [d’Israël] comme en dehors de la Terre [d’Israël] .
6. Il y avait toujours de tels faits chez nous en Espagne ; certains érudits renonçaient à ce [droit] et cela est louable. D’autres poursuivaient [l’humiliateur en justice] et ils faisaient un compromis entre eux. Mais les juges disaient à l’offenseur : « Tu es tenu de lui donner un litra [c’est-à-dire le poids précédemment cité] d’or ».
7. Bien que celui qui humilie d’autres personnes par la parole soit exempt [de l’indemnité], c’est une grande faute : seul un homme racha et stupide injurie autrui. Les Sages d’autrefois ont dit que « quiconque fait pâlir le visage d’un juif honorable par des paroles n’a pas part au monde futur » .
8. Il y a de nombreux coups [portés à autrui] qui constituent une humiliation [et impliquent] une légère souffrance, mais non un dommage [corporel].
Les Sages [du Talmud] ont déjà fixé une somme d’argent déterminée ; quiconque porte l’un de ces coups à autrui doit payer cette [somme d’]argent fixe. Toutes [ces indemnisations] sont des amendes. Cette [somme d’]argent fixe correspond à la valeur de la souffrance, de l’humiliation, des frais médicaux et du chômage ; que des frais médicaux et le chômage soient requis ou non, telle est [l’amende] qu’il doit payer.
9. Combien doit-on payer ? Celui qui donne un coup de pied à un autre doit payer cinq sélas. S’il lui donne un coup de genou, il doit payer trois sélas. S’il réunit ses doigts comme s’il faisait un faisceau et le frappe avec sa main « liée », il doit payer treize sélas. S’il frappe l’autre avec la paume, il doit payer un séla. S’il lui donne une gifle, il doit payer cinquante sélas. S’il lui donne une gifle avec le revers de la main, il doit payer cent sélas. De même, s’il lui tord l’oreille [qui enfle], lui arrache les cheveux, lui crache dessus (et le crachat atteint son corps, ou s’il lui enlève son vêtement, ou [encore] découvre la tête d’une femme), il doit payer cent sélas.
Tel est [le montant] qu’il faut payer pour chaque acte [séparément]. Comment cela ? Par exemple, aurait-on donné quatre coups de pied à un autre, même successivement, on doit payer vingt sélas. Lui aurait-on donné deux gifles [avec le plat de la main], on doit payer cent sélas. Il en va de même pour les autres [cas].
10. Tous les sélas dont il est ici question sont de l’argent de la Terre d’Israël de l’époque [talmudique] : chaque séla était [alors composé d’un poids d’]un demi dinar d’argent [pur] et de trois dinars et demi de cuivre . C’est pourquoi, celui qui est condamné pour tels coups à payer cent sélas, doit payer douze sélas et demi d’argent pur .
11. Dans quel cas cela s’applique-t-il ? [Si le sujet humilié est] une personne respectable.
En revanche, une personne méprisable qui ne tient pas compte de toutes ces choses et de ce qui est semblable, ne perçoit que ce qui lui est approprié, selon ce que les juges considéreront qu’il lui est approprié de percevoir. En effet, certains individus sont vils et ne tiennent pas compte de leur déshonneur, se rabaissant toute la journée avec toutes sortes d’humiliations par plaisanterie et frivolité ou en vue de percevoir une pérouta des farceurs qui jouent avec eux.