צָמְאָה לְךָ נַפְשִׁי כָּמַהּ לְךָ בְשָׂרִי בְּאֶרֶץ צִיָּה וְעָיֵף בְּלִי מָיִם כֵּן בַּקֹּדֶשׁ חֲזִיתִךָ לִרְאוֹת עֻזְּךָ וּכְבוֹדֶךָ

(תהילים סג, ב-ג)

*****

« Mon âme a soif de Toi, ô combien mon corps Te languit, dans une contrée aride, épuisé et sans eau. Ainsi, dans le Sanctuaire je Te contemplerai, afin de voir Ta puissance et Ta gloire »

(Téhilim 63, 2-3)

*****

« Tsama Le'ha Nafchi, Kama Le'ha Bessari, Beérets Tsiya Véayef, Bli Mayim. Ken Bakodech, 'Haziti'ha Lir'ot Ouze'ha Ou'hevode'ha »

 

« Ce nigoun est attribué à l'Admour Hazaken, mais l'on ne sait pas s'il fait partie des 10 nigounim qu'il composa lui-même.

Le chant est à l'image des paroles, c'est-à-dire rempli de désir intense envers D.ieu, et d'une soif insatiable de l'âme. Le Rabbi appréciait énormément ce nigoun, et demandait souvent à ce qu'on le chante lors des fêtes 'hassidiques. Il est chanté avec beaucoup de concentration et de chaleur. »

(Sefer Hanigounim, tome 2, page 14, Nigoun 181)




tsama

En dehors du fait que ce soit le premier chant que le Rabbi ait enseigné, il semble qu'il lui portait une affection particulière. Durant les cinq premières causeries de ce farbrenguen, le Rabbi insista sur l'importance des nigounim dans le service de D.ieu du cœur. Pendant de longues heures, le Rabbi expliqua la valeur des nigounim, tandis qu'entre les causeries, il demandait à ce que l'on chante certains chants en particulier.

Voici ce que relate un 'Hassid qui eut le mérite d'assister à cet événement :

« Immédiatement après avoir récité le Kidouch, le Rabbi demanda à ce que l'on dise tous « Lé'haïm ». Et il insista pour que ceux qui n'avaient pas encore été invités à le faire, lèvent leur main et disent « Lé'haim ». Il expliqua ensuite que ce farbrenguen faisait suite à la Séoudat Machia'h (le dernier repas de la fête de Pessa’h, appelé « repas du Machia’h » - ndt), et indiqua alors qu'il fallait chanter le nigoun « Ani Maamin ».

L'assemblée chanta avec beaucoup de chaleur et de concentration, et après cela, le Rabbi expliqua l'enseignement profond que recèle le nigoun « Nye Zuritzi », dont les paroles sont les suivantes : « Même en chemin, il ne faut pas s'inquiéter, puisque toutes les forces sont présentes durant la route, et lorsque nous arriverons à l'auberge, nous déchargerons et discuterons de cela. »

Le Rabbi déclara alors :

« Mon beau-père et maître, le Rabbi, a enseigné que nous étions en chemin pour accueillir notre Juste, Machia’h. Et lorsque nous avançons vers l’accueil de Machia’h, nous devons le faire avec joie.

Cependant, lorsque l’on fait un bilan de conscience sincère en ce qui concerne sa situation spirituelle, l’on pourrait penser : « Pour quelle raison puis-je me permettre d’être joyeux ? »

En ce qui concerne sa propre situation : « un homme sait où il se situe » … Et même en ce qui concerne la Torah et les Mitsvot qu’il accomplit, il ne ressent pas leur effet, puisque, pour le moment, toutes les influences divines sont comme « un don secret », et comme « déposées dans une boîte scellée ». S’il en est ainsi, comment peut-on se réjouir ?

La réponse est la suivante :

Il faut savoir que toutes les influences divines créées par la Torah et les Mitsvot sont d’ores et déjà présentes, durant l’époque de l’exil. Lorsque Machia’h viendra, tous les effets de la Torah et des Mitsvot accomplies actuellement se dévoileront. Et lorsque l’on réalise qu’en réalité, tout est déjà présent, et que tout se dévoilera finalement, alors l’on éprouve de la joie.

Ceci est l’un des points essentiels du sens profond du chant « Nye Zuritzi » : il ne faut pas s’inquiéter puisque tout est d’ores et déjà là, et lorsque l’on arrivera à l’auberge et que l’on déchargera, on s’apercevra de ce que l’on possédait véritablement. Et ceci conduira au « vin » (non pas le vin que l’on donne à ceux qui sont condamnés à une lourde peine, mais) le vin « qui réjouit », et qui permet de dévoiler les choses les plus élevées. »

Le Rabbi demanda alors de chanter le nigoun « Nye Zuritzi ».

Au cours de la troisième si'ha, le Rabbi continua de poser des questions sur cette explication :

« Cependant, malgré le fait que tout soit là, et que, finalement (lorsqu'on arrivera à « l'auberge »), tout sera dévoilé, il n'en reste pas moins qu’entre-temps, durant le chemin, les influences divines sont voilées, et que nous ne possédons donc rien. Dans ce cas, la question demeure : pourquoi doit-on se réjouir [même au cours de la route] ?

La réponse est la suivante : lorsqu'il existe une soif intense envers le dévoilement de la Divinité, alors cette soif elle-même nous satisfait déjà un peu, et élève l’homme au niveau auquel il aspirait à l'origine. Ceci est à l’image de l’enseignement du Baal Chem Tov : « L’homme se trouve là où se trouve sa volonté ».

(C’est d’ailleurs pour cette raison que le Baal Chem Tov explique de la manière suivante l’expression « les Serafim (une catégorie d’anges – ndt) se tiennent au-dessus de Lui » :

Les Serafim se trouvent dans le monde de Beriya (le second monde spirituel – ndt), et reçoivent leur vitalité du nom Divin « Ado-nay ». Malgré tout, il est dit : « les Serafim se tiennent au-dessus de Lui », faisant ainsi référence à l’enseignement précédent […], selon lequel ils se tiennent au-dessus de l’endroit duquel ils tirent leur vitalité.

La raison en est la suivante : ils méditent à la grandeur inégalée du monde d’Atsilout (le premier monde spirituel – ndt), qui est infiniment plus élevé que le monde de Beriya (dans lequel ils se trouvent), et c’est pour cette raison qu’ils proclament « Saint, Saint, Saint » [signifiant qu’Il est complètement déconnecté d’eux – ndt]. Et cette méditation les élève au point qu’ils se tiennent au niveau auquel ils aspirent : le monde d’Atsilout.)

Tout ceci est souligné lors de la période du compte de l’Omer, durant laquelle s’exprime la soif de recevoir la Torah, et c’est pour cette raison que l’on compte les jours qui nous séparent du don de la Torah.

Dans le même esprit, le roi David déclare : « Mon âme a soif de toi ... ainsi je Te contemplerai dans le Sacré. », que l'Admour Hazaken explique ainsi, au nom du Baal Chem Tov : « Pourvu que je Te contemple dans le Sanctuaire ! ». Cela signifie que, même si l’on se trouve au niveau le plus bas, dans « une contrée aride, épuisé et sans eau », l’on souhaite malgré tout : « Pourvu que je Te contemple dans le Sanctuaire ! ». Il est bien dit « dans le Sacré », ce qui désigne un niveau supérieur à « Celui qui est Saint ».

Ceci est ainsi rendu possible grâce à cette soif intense, qui permet de s’élever vers le niveau auquel on aspire, et ce, même lorsque l’on se trouve au niveau le plus bas. »

À la fin de cette causerie, le Rabbi évoqua le chant de l'Admour Hazaken, « Tsama Le'ha Nafchi » (« Mon âme a soif de Toi »), et demanda à ce qu'on le chante. Le silence gagna alors l'assemblée pendant de longs instants, jusqu'à ce qu'un 'Hassid se mit à chanter un nigoun sur ces paroles. Lorsqu'il termina de chanter, le Rabbi indiqua que ce n'était pas là un chant de l'Admour Hazaken. Ce fut ensuite le Rav Perets Motshkin qui entonna le chant « Tsama Le'ha Nafchi ... E'h ti », et lorsqu'il eut terminé, le Rabbi demanda encore si quelqu'un d'autre connaissait un troisième air. Quelqu'un d'autre se mît alors à chanter une troisième fois : ce fut le chant « Za Rekayo » connu sous le nom de « Fort A Yidelè In A Chifelè », qui commence également par « Tsama Le'ha Nafchi ». Après cela, le Rabbi demanda encore une fois si quelqu'un connaissait un autre air, mais plus personne ne répondit : pas un seul des présents ne connaissait le nigoun de l'Admour Hazaken...

Après quelques instants, le Rabbi commença à enseigner un nouveau chant, avec une profondeur particulière. Encore et encore, le Rabbi chanta le nigoun « Tsama Le'ha Nafchi », tel que nous le connaissons aujourd'hui.

Après avoir chanté seul à plusieurs reprises, le Rabbi demanda à ce que tout le monde chante avec lui, mais les participants n'avaient pas encore bien retenu le nigoun. Le Rabbi continua donc de chanter, et demanda aux élèves de la Yéchiva (école talmudique – ndt) d'aider en chantant également, mais eux non plus n'avaient pas encore bien saisi le chant. Ainsi, durant de longues minutes, s'offrait à nous ce spectacle grandiose, presque divin : le Rabbi chantait, seul, avec une concentration et une union à D.ieu déconcertantes.

Lorsque l'un des présents se tourna vers le Rabbi et lui indiqua que l'assemblée avait bien retenu la seconde partie du chant, celui qui était assis à ses côtés lui en voulut et se dépêcha de le faire taire. Lorsque le Rabbi entendit cela, il lui répondit : « Qu'est-ce que cela veut dire ? Le faire taire ? Avez-vous quelque chose de mieux à dire ? »

La quatrième causerie traita également du contenu du chant. Il continua d'expliquer la parabole précédente :

« Cependant, que faire lorsque même la soif que l’on a évoquée précédemment n'est pas présente ? Il faut alors réfléchir à cela-même : l’on doit réaliser à quel point l’on est éloigné de D.ieu, au point de ne même pas ressentir cette soif. Cela doit mener à une certaine amertume et à implorer la miséricorde divine pour son âme, du fait que l’on soit si éloigné du Saint Béni Soit-Il.

C’est là le sens de la demande que nous formulons dans la prière : « Par Ta grande miséricorde, prends-nous en pitié, et implantes en notre cœur le discernement, afin de comprendre ». En effet, la pitié dont il a besoin est tellement grande, que l’homme lui-même ne réalise pas combien la miséricorde à son égard est immense. Du fait de sa chute vertigineuse, il ne peut pas ressentir l’ampleur de cette pitié dont il a besoin. C’est la raison pour laquelle nous demandons à D.ieu : « Par Ta grande miséricorde, prends-nous en pitié », par Ta miséricorde précisément (c’est-à-dire la miséricorde du Saint Béni Soit-Il), du fait que nous ne sommes pas conscients de l’ampleur de la pitié à notre égard. Et c’est pour cela que nous poursuivons par : « Et implantes en notre cœur le discernement, afin de comprendre », afin que l’on perçoive la grandeur de cette miséricorde.

C’est donc par cette amertume et en éveillant la miséricorde divine à notre égard que nous parvenons à ressentir cette pitié, et que nous commençons à éprouver une soif pour la Divinité.

Ceci est le sens profond du nigoun que les 'Hassidim chantent depuis plusieurs générations : « Essen Est Zi'h ». Ceci illustre l’amertume que nous éprouvons, et l’éveil de la miséricorde divine, lorsque nous nous apercevons que, pour manger nous n’avons pas besoin de méditation, ni d’effort préalable, tandis que lorsque nous voulons prier (ce qui représente la soif pour la Divinité) nous nécessitons plusieurs préparations et méditations. »

Le Rabbi demanda alors à ce que l’on chante le nigoun « Essen Est Zi’h ».

De manière générale, avant la récitation d’un discours ‘hassidique, les ‘Hassidim chantent un nigoun de préparation au discours. Mais cette fois-ci, le Rabbi demanda quelque chose qui sortait de l’ordinaire : on chanterait le nigoun « Essen Est Zi’h » en tant que préparation au Maamar.

Après le discours ‘hassidique et un certain nombre de causeries, le Rabbi demanda à nouveau que l’on chante « Tsama Le’ha Nafchi », étant donné que les présents ne l’avaient toujours pas retenu. Le Rabbi chanta ainsi de nouveau plusieurs fois ce nigoun. Il raconta, au passage, que son beau-père, le Rabbi précédent, avait dit une fois qu’il n’accepterait une marge d’erreur que d’un seizième pour un chant. Le Rabbi déclara, quant à lui, qu’il accepterait une marge d’erreur d’un huitième…

Le Rabbi fut ainsi suivi par l’assemblée durant le chant. Certains ‘Hassidim ne chantaient pas correctement certains passages, et il fit alors la remarque suivante : « Jusqu’au troisième passage, le chant doit s’élever. Les passages « ainsi dans le Sacré » (« Ken Bakodech ») sont l’expression de la soif évoquée auparavant, et sont à prendre dans le sens « pourvu qu’on Te voie dans le Sacré », c’est la raison pour laquelle les tons sont « lisses », sans montée ni descente, comme une requête. En revanche, dans le troisième passage, les mots « Ken Bakodech » sont à prendre dans le sens « Oui, nous te verrons dans le Sacré » (le mot « Ken » en hébreu signifie « ainsi » mais aussi « oui »).

[Certains racontent que lorsque le Rav Chmouël Zalmanov chanta les premiers passages avec une légère irrégularité. Le Rabbi le reprit : « La soif est lisse ! Sans montée ni descente ! »]

Lorsque l’un des participants chanta avec quelques fautes, le Rabbi sourit et le corrigea. Il déclara alors « J’ai fait de mon mieux à présent… ».

Un mois plus tard, au début d’un farbrenguen qui eut lieu le Chabat qui bénit le mois de Sivan, le Rabbi demanda à nouveau aux présents de chanter « Tsama Le’ha Nafchi ». Il expliqua alors que la première préparation au don de la Torah était le compte de l’Omer, qui exprimait à merveille le désir et la soif de recevoir la Torah. C’est pourquoi, une nouvelle fois, le Rabbi entonna le nigoun « lié avec l’idée de soif ».

C’est ainsi que par la suite, à diverses occasions, le Rabbi entonna le chant du désir et de la soif : le nigoun « Tsama Le’ha Nafchi ».

Par exemple, durant la réunion ‘hassidique du Chabat Le’h Le’ha 5749 (1988), le Rabbi parla longuement du fait que l’on passait du mois de Tichri, rempli de fêtes et de jours de joie, au mois de Mar ‘Hechvan. Il expliqua alors : « Après avoir expliqué que nous sommes passés du mois de Tichri au mois de Mar ‘Hechvan, c’est-à-dire, d’un extrême à l’autre, nous chanterons à présent le nigoun « Tsama Le’ha Nafchi », qui souligne la soif provoquée par une telle étape. Certains disent que c’est un chant de l’Admour Hazaken. »

Lors du farbrenguen du dernier jour de la fête de Pessa’h 5717 (1957), le Rabbi demanda de chanter « Tsama Le’ha Nafchi », et expliqua ensuite :

« Le sens simple de ce verset est le suivant : le roi David se trouvait dans le désert de Judée, éloigné de la capitale royale, dans laquelle se trouvaient l’endroit du Temple et l’Arche Sainte, ainsi qu’il l’exprime dans le verset : « On m’a chassé, afin que je ne puisse plus contempler l’héritage de D.ieu ». Il exprima alors son désir et son aspiration à se trouver dans l’endroit du Sanctuaire, à l’image d’un homme assoiffé, au cœur d’une contrée aride.

De plus, nous connaissons l’explication de l’Admour Hazaken, au nom du Baal Chem Tov, qui explique l’expression : « Ainsi je Te contemplerai dans le Sacré » dans le sens : « Pourvu que je Te contemple dans le Sacré ! ». Cela signifie qu’il se souhaitait d’éprouver, une fois parvenu à l’endroit du Sanctuaire, le même désir et la même soif qu’il éprouva lorsqu’il se trouvait dans le désert de Judée.

Or, ceci est un verset des Psaumes, qui constitue une partie de la Torah, qui est éternelle, et qui fut donnée à chaque Juif (comme le souligne la formulation des Dix Commandements, qui furent énoncés au singulier), au point qu’elle soit devenue la propriété de chaque Juif. Ceci est donc un enseignement pour chaque Juif, en chaque endroit et en chaque époque, et pas uniquement pour l’époque durant laquelle subsistait le Temple, ou encore l’époque de David [qui précéda de peu celle de la construction du Temple par son fils, Chlomo – ndt]. Ceci est donc un enseignement même pour ceux qui se trouvent en période d’exil, et en dehors de la Terre Sainte.

Lorsqu’un Juif se trouve en exil, et que « toutes les nations m’entourent », c’est-à-dire que les nations du monde exercent leur domination sur lui, une question surgit alors : étant donné que « vous êtes des enfants pour l’Eternel votre D.ieu », comment est-il possible que l’on puisse exercer une quelconque domination sur les enfants du Roi des rois, le Saint Béni Soit-Il ?!

La réponse est la suivante : cela a été rendu possible par le Juif lui-même, par le fait qu’il ait laissé le « dieu étranger qui se trouve en toi » [dont parlent les Sages dans le traité Chabat 105b, en désignant le mauvais penchant – ndt] exercer sa domination sur lui. Ceci est également expliqué dans Likoutei Torah à propos du verset « Toutes les nations m’entourent » : le corps et l’âme animale sont également appelés « nations », et ils entourent et investissent l’âme. Ainsi, même si, profondément, l’on reconnaît parfaitement que « Je suis l’Eternel ton D.ieu », c’est-à-dire « ta force et ta vitalité », et que cette reconnaissance ne puisse être ébranlée d’aucune manière, à D.ieu ne plaise, malgré tout, cette profondeur est voilée et dissimulée. C’est ceci qui est porté en allusion dans le verset : « Toutes les nations m’entourent ».

Mon beau-père et maître, le Rabbi, raconta une anecdote concernant l’un des jeunes ‘Hassidim de l’Admour Hazaken, le Rav Chmouël Mounkès (qui était de nature à plaisanter). Il raconta, en effet, de quelle manière il commença à se rapprocher de l’Admour Hazaken :

La première fois qu’il se rendit chez l’Admour Hazaken, à Lyozna, ce fut en pleine nuit ; la ville entière était plongée dans l’obscurité, et tous les habitants dormaient.

Reb Chmouël ne savait pas où se trouvait la maison de l’Admour Hazaken, mais il se dit qu’elle devait certainement être éclairée, puisque le Rabbi étudie toute la nuit. Il décida alors de rechercher quelle maison était éclairée, et se dit que ce serait là le signe qu’il s’agit de celle du Rabbi.

De fait, il en fut bien ainsi. Reb Chmouël parcourut les rues de la ville, jusqu’à ce qu’il aperçoive une lueur provenant de l’une des maisons. Il s’en approcha, et frappa à la porte. Etant donné que tous les membres de la famille dormaient, c’est l’Admour Hazaken qui vint lui ouvrir, et il lui demanda ce qu’il désirait. Reb Chmouël lui répondit qu’il voulait passer la nuit chez lui. L’Admour Hazaken lui demanda alors :

       « N’as-tu donc pas trouvé d’autre maison où dormir ?

  • Ceci est pourtant une maison juive également… lui répondit Reb Chmouël.
  • Je pourrais appeler mon serviteur non-Juif, qui te fera déguerpir, déclara alors le Rabbi. »

En entendant ces mots, Reb Chmouël éclata en sanglots, et répondit : « Rabbi ! Mon non-Juif est plus fort que le vôtre ! » Ce n’est qu’alors que l’Admour Hazaken le fit entrer, et ce fut le point de départ de l’attachement de Reb Chmouël envers le Rabbi.

Il est certain qu’une histoire racontée par un chef du Peuple Juif, et en particulier lorsqu’elle est vouée à être diffusée, constitue un enseignement dans le service divin :

Lorsqu’un Juif se trouve dans le monde, plongé dans l’obscurité de la nuit, et qu’il cherche un endroit où dormir, où se restaurer, un endroit de refuge ; il doit savoir qu’il faut chercher une maison juive ! Et le signe permettant de reconnaître une maison juive est le fait qu’elle soit éclairée ! Il se peut, en effet, qu’autour de lui, se trouvent d’autres maisons qui, extérieurement, sont plus grandes et plus belles. Mais malgré tout, du fait qu’elles ne soient pas éclairées, il ne peut pas y passer la nuit, elles ne peuvent donc pas lui servir de refuge. De fait, le but est d’éclairer. Or, ces maisons ne sont pas éclairées, et ceci va donc à l’encontre de leur but premier.

Dès lors, même lorsqu’il trouvera une maison juive, illuminée, qu’il ne pense pas qu’il puisse y entrer tel qu’il est, avec la bassesse et la grossièreté du corps et de l’âme animale, et qu’il sera remercié de sa venue. On lui demandera, avant tout, le motif de sa venue, et ce qu’il désire.

En effet, du fait de l’obscurité et de la grossièreté, il peut arriver que l’on ne sache même pas qu’il faille rechercher quelque chose, et à plus forte raison que l’on ne sache pas quoi rechercher. C’est la raison pour laquelle il faut le secouer, en lui demandant ce qu’il recherche. On trouve cette même idée dans la Haggada de Pessa’h : « Pour l’enfant qui ne sait pas poser de questions, ouvre la conversation avec lui ». Malgré le fait qu’il ne sache pas poser de questions de par lui-même, il faut ouvrir la conversation avec lui et le réveiller, afin qu’il sache que rechercher.

Cette question éveille en lui la réponse : il ressent alors qu’il se trouve dehors, « dans une contrée aride, épuisé », et son désir est de passer la nuit dans une maison juive ! Il exprime alors son désir de la manière suivante : « Je ne désire rien du tout, ni le monde futur, ni le Gan Eden, ni les trois cent dix mondes [que les Justes obtiennent après leur vie terrestre – ndt]. « Je ne demande qu’une seule et unique chose de D.ieu […] revenir vers la demeure de D.ieu », comme le dit le roi David dans les Téhilim. Je ne demande qu’à pénétrer dans une maison juive, la demeure de D.ieu ici-bas ».

On lui répond alors qu’il ne peut pas entrer aussi rapidement, puisque le « non-Juif » peut le renvoyer. En effet, il se trouve dans une situation dans laquelle « Toutes les nations m’entourent », au point que lorsqu’on le rencontre, dans la rue, l’on ne puisse pas le différencier du non-Juif. C’est la raison pour laquelle l’on agit de même envers lui, ainsi qu’il est écrit : « Si vous me suivez de façon fortuite […], J’agirai de même envers vous […] ». On le chassera alors de la maison. De fait, comment pourrait-il imaginer contempler l’héritage de D.ieu tout en demeurant attaché à sa grossièreté ?

En entendant la possibilité d’être séparé du Maître du monde, il éclatera alors en sanglots. En effet, même le Juif le plus simple, lorsqu’il apprend que quelque chose peut le séparer de D.ieu, offre sa vie concrètement pour sanctifier le nom de D.ieu, et ce, même s’il a agi de façon contraire tout au long de sa vie. La raison à cela est le fait qu’une telle situation révèle sa Yé’hida (le niveau le plus élevé de son âme – ndt), sur laquelle aucune force du mal, aucun obstacle, ne peut avoir d’emprise.

Il s’écrit alors : « Mon « non-Juif » est plus fort que le vôtre ! », c’est-à-dire qu’il ressent l’ampleur du mal qui est en lui. A partir de ce moment, même les choses qui lui paraissaient, auparavant, légères, prennent une grande importance à ses yeux, à l’image de ce que disent nos Sages : « Les Justes le perçoivent comme une montagne ». Grâce à tout cela, on lui ouvrira la porte, et on le fera pénétrer à l’intérieur du Sanctuaire. C’est ainsi que son attachement à D.ieu se fera non seulement par sa Yé’hida, mais également par son corps et son âme animale. 

En vérité, l’on observe la chose suivante, de manière générale : c’est précisément par le sentiment d’éloignement que se renforcent la volonté, le désir, et le plaisir que l’on ressent en s’approchant du Sacré.

Ceci est le sens du verset : « Mon âme a soif de Toi […] dans une contrée aride […] ». On remarque, en effet, que lorsqu’un homme éprouve une grande soif, l’eau qu’il boit possède un tout autre goût. Ceci peut également être appliqué à l’âme. En vérité, c’est même le contraire qui est vrai : la véritable raison pour laquelle le corps possède une certaine nature, c’est parce que cette nature est, au départ, celle de l’âme.

Ceci peut aussi être comparé à la qualité que possèdent les Baalei Techouva, les repentis, par rapport aux Tsadikim, les Justes : ils se trouvaient auparavant au cœur d’une « contrée aride », complètement éloignés de D.ieu. Ainsi, lorsqu’ils saisissent la valeur du service divin, leurs âmes éprouvent alors une insatiable soif de D.ieu, bien plus intense que celle des Tsadikim.

C’est là le sens de ce qui est dit : « Ainsi je Te contemplerai dans le Sanctuaire », c’est-à-dire : « Pourvu que je Te contemple dans le Sanctuaire ! » : même lorsque l’on se trouve à l’endroit du Sacré, l’on demande à D.ieu de nous aider à éprouver cette même soif, autant que lorsque l’on se trouvait dans « le désert de Judée », dans « une contrée aride, épuisé ».

Et il est certain que, lorsqu’un Juif, qui est un fils de roi, soumet une requête à son père, le Roi, c’est-à-dire le Roi du monde, et en particulier lorsqu’il s’agit d’une requête provenant du fond du cœur, D.ieu satisfera cette requête. Il pourra alors jouir d’un service de D.ieu empli de soif et de désir, tout comme c’était le cas dans « le désert ». C’est le sens de ce qui est dit : « Machia’h fera revenir les Tsadikim à la Techouva ».

Ceci constitue un enseignement pour chaque Juif, peu importe son niveau spirituel, et même en temps d’exil :

Certes, il est vrai que nous ne nous trouvons pas dans la « bonne et abondante terre » (la Terre d’Israël – ndt), nous sommes bien en exil. Cependant, au moment du don de la Torah, D.ieu a choisi le peuple Juif, et l’a séparé des autres nations, ainsi qu’il est dit : « Je vous séparerai ». De ce fait, chaque Juif possède une certaine « liberté » : en effet, il possède des biens spirituels sur lesquels personne ne peut exercer sa domination (à l’image du dicton du Rabbi (précédent – ndt), selon lequel la domination des nations ne s’exerce que sur ce qui est lié au corps).

D’un autre côté, nous nous trouvons encore en « Egypte », c’est-à-dire que nous sommes encore limités, chacun selon son niveau spirituel. Tout au moins, il s’agit bien d’une limite en ce qui concerne la largesse véritable. Pour certains, il faut éveiller un sentiment de soif, « Mon âme a soif de Toi », et pour d’autres, il faut éveiller un sentiment de soif plus raffinée, « Pourvu que je Te contemple dans le Sanctuaire ».

C’est en considérant ces deux aspects que nous pouvons accélérer la venue du temps au cours duquel « Je Te contemplerai dans le Sacré » de manière parfaite, lorsque tous les enfants d’Israël sortiront de ce « désert de Judée », et parviendront à la ville de David, dans laquelle se trouve le Sanctuaire. C’est alors que le Saint Béni Soit-Il accèdera à la requête des Juifs évoquée dans le verset : « Je n’ai demandé qu’une chose à D.ieu […] revenir vers la maison de L’Eternel, et observer la douceur de D.ieu ».

Au cours d’autres événements, le Rabbi établit un lien entre la mélodie de ce chant et la situation des Juifs qui se trouvaient alors derrière le « Rideau de Fer ». Il demanda alors aux ‘Hassidim de chanter ce nigoun pour leur réussite et leur délivrance.

La réunion ‘hassidique du jour de Sim’hat Torah 5722 (1961) est connue pour être unique en son genre. L’ambiance était indescriptible. Le Rabbi avait bu beaucoup de vodka, et une joie intense brillait sur son visage. Lors d’une causerie, le Rabbi parla très longuement de la situation terrible de nos frères qui se trouvaient derrière le redoutable « Rideau de Fer ». Il déclara alors : « La ‘Hassidout cite l’explication du Baal Chem Tov sur le verset : « Mon âme a soif de Toi […] ainsi nous te verrons dans le Sanctuaire » : ce sont les paroles que le roi David a dit au nom de tous les Juifs : « Pourvu que nous puissions Te voir dans le Sacré », pourvu que nous ayons cette grande soif et ce désir intense lorsque nous nous trouvons dans le Sanctuaire. De la même manière, en ce qui nous concerne, souhaitons que nous ayons cette soif et ce désir autant que l’ont nos frères à chaque instant. ». Le Rabbi entonna alors le chant, et la foule s’y associa avec une ferveur exceptionnelle.

Lors d’une autre occasion, le jour du 12 Tamouz 5723 (1963), le Rabbi chanta à nouveau le nigoun et fut suivi par l’assemblée. Il expliqua avec émotion : « Nous connaissons l’enseignement du Baal Chem Tov qui nous fut transmis par l’Admour Hazaken et par la suite par nos Rebbéïm, sur le verset : « Mon âme a soif de Toi » ; « Pourvu que nous puissions Te voir dans le Sanctuaire ». David se trouvait alors dans le désert de Judée, dans une région aride, sans eau, et c’est la raison pour laquelle il eût soif de D.ieu, ainsi qu’il est dit dans un autre verset : « Aujourd’hui, l’on m’a chassé, afin que je ne puisse plus contempler l’héritage de D.ieu ». Malgré cela, il eut le mérite que même « dans le Sanctuaire » il garda cette soif. Il mérita de sortir de l’étroitesse et de pénétrer dans le Sacré, et de la même manière que, dans cette étroitesse, dans le désert, il désirait D.ieu, il garda ainsi ce désir une fois retourné à Jérusalem. »

Par la suite, le Rabbi évoqua la délivrance immédiate des Juifs de Russie, et commença à chanter le nigoun « Oufaratsta » avec joie et ferveur. Pendant plusieurs secondes, il se tint debout à sa place, dansa et encouragea la foule. Le Rabbi établit par la suite, lors de divers événements, le lien qui existait entre la soif des Juifs de Russie Soviétique et le verset « Tsama Le’ha Nafchi ».

Lors du farbrenguen du 13 Tamouz 5719 (1959), le Rabbi chanta seul, et strophe après strophe, les ‘Hassidim chantaient après lui. Ce fut la première fois qu’il chanta de cette manière. Le même événement se reproduisit quelques mois plus tard, le jour du 10 Chevat 5720 (1960). La dernière fois que nous avons eu le mérite d’entendre le Rabbi de cette manière, fut lors du Chabat Parachat Nasso 5743 (1983), au cours duquel il prononça des causeries particulièrement profondes.

Enfin, au cours d’une réunion ‘hassidique du 13 Tamouz 5732 (1972), après avoir évoqué l’abnégation et le don de soi des Juifs de Russie, et après les chants « Niet Niet Nikavo » et « Slochva Nocha », le Rabbi entonna soudain le nigoun « Tsama Le’ha Nafchi » avec un ton très haut. Après avoir terminé le chant, il le repris depuis le début, chose qui sortait de l’ordinaire, puisqu’en temps normal, c’était la foule qui commençait à chanter à ce moment-là.

En l’honneur du soixante-dixième anniversaire du Rabbi, en 5732 (1972), l’on prépara spécialement un disque « Ni’hoa’h » pour le Rabbi (disque n°11). Lorsque le Rabbi choisit les nigounim du disque, il donna son accord pour y inclure « Tsama Le’ha Nafchi », sous forme d’un enregistrement où il chantait lui-même le nigoun lors d’un farbrenguen.

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