דַּרְכְּךָ אֱ-לֹהֵינוּ לְהַאֲרִיךְ אַפֶּךָ,
לָרָעִים וְלַטּוֹבִים, וְהִיא תְהִלָּתֶךָ:
לְמַעַנְךָ אֱ-לֹהֵינוּ עֲשֵׂה וְלֹא לָנוּ.
רְאֵה עֲמִידָתֵנוּ דַּלִּים וְרֵקִים

(חזרה של תפילות יוה"כ)

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« Tel est ton habitude, notre D.ieu, d’allonger ta colère, pour les bons comme pour les mauvais, et c’est là ta louange. Agis pour Toi-même, notre D.ieu, et non pour nous. Regarde combien nous sommes pauvres et vides devant Toi. »

(Seli’hot de Yom Kippour)

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« Darké’ha Elokeinou Léhaari’h Apé’ha, Laraïm Vélatovim Véhi Tehilaté’ha Lémaane’ha Elokeinou Assé, Vélo Lanou, Réeh Amidaténou Dalim Véreikim »

darkeha

« Ce nigoun est extrait de la fin des Seli’hot que l’on récite le soir de Yom Kippour. C’est un chant rempli d’émotions : l’on y perçoit une joie dévoilée, mais ponctuée d’une amertume dissimulée qui fait vibrer chaque recoin du cœur. L’air est adapté aux paroles sur lesquelles il est chanté : la première strophe est répétée plusieurs fois, et lorsque l’on arrive à la seconde (« Lema’ane’ha Elokeinou »), on élève la voix, on ne la récite qu’une fois, et l’on revient à la première. »

(Sefer Hanigounim, tome 2, page 17, Nigoun 193)

 

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C’était le soir de Sim’hat Torah 5716 (1955), à une heure très tardive, bien après les Hakafot (les séries de tours effectués autour de l’estrade sur laquelle est lue la Torah – ndt) et le farbrenguen. Le Rabbi s’écria que tous ceux ayant récité les versets « Ata Horéta », mais qui n’avaient toujours pas reçu de Hakafa, devraient répéter les versets et effectuer les Hakafot, afin que tous les présents en aient le mérite. Il sortit pour prendre le repas de fête, et la foule resta dans la synagogue pour organiser les Hakafot comme l’avait demandé le Rabbi.

Ce n’est qu’à cinq heures du matin que le Rabbi pénétra de nouveau dans la salle, et participa aux danses avec les élèves de la Yéchiva (école talmudique – ndt). Le Rabbi répéta alors ce qu’il avait dit avant de quitter la salle auparavant : que tout celui qui n’avait pas reçu de Hakafa lève la main et en reçoive une. Il demanda alors que l’on ouvre le Aron Hakodech (l’Arche sainte – ndt), que l’on en sorte les Sifrei Torah (les rouleaux de la Torah – ndt), et que l’on récite de nouveau les versets adéquats.

Après avoir terminé ces toutes dernières Hakafot, on remit en place les Sifrei Torah. Le Rabbi se tint alors, dans toute sa splendeur, debout sur une caisse qui se trouvait à l’entrée du « Chalach » (qui était une partie du 770 auparavant – ndt), et lança :

« Comme nous en avons l’habitude chaque année, tout celui qui prendra la décision d’ajouter un temps d’étude dans la partie dévoilée de la Torah et dans la ‘Hassidout chaque jour, recevra maintenant de la vodka pour renforcer sa décision ! »

Une longue queue se forma alors immédiatement devant l’entrée du « Chalach » : ceux qui avaient pris sur eux la fameuse bonne décision s’y tenaient pour recevoir du « machké » (c’est ainsi qu’est désignée la vodka chez les ‘Hassidim – ndt) de la part du Rabbi. Lors de la distribution, le Rabbi s’aperçut que le jour allait bientôt se lever. Il déclara alors :

« Chemini Atséret et Sim’hat Torah délivrent le même message que Roch Hachana. Saissisez-vous à présent du moment des Seli’hot ! Nous devrions chanter le nigoun « Darké’ha Elokeinou. » ».

Le Rabbi se mit à chanter, mais l’assemblée ne connaissait pas cette mélodie. Ainsi, le Rabbi entonna le nigoun, encore et encore, à plusieurs reprises, jusqu’à ce que les présents le saisissent, et ils le chantèrent alors avec une ferveur accrue.

Par la suite, le Rabbi ajouta :

« Le Rabbi Rachab déclara une fois, lors d’un farbrenguen, qu’à Sim’hat Torah « cela ne cause pas de dommages ». C’est la raison pour laquelle nous chantons ce nigoun à présent : même lorsque l’on dit : « regarde combien nous sommes pauvres et vides », il n’y a là que du positif. Nous devons savoir où nous nous trouvons, que notre stature est « pauvre et vide », afin de devenir un récipient vide. En effet, « seul un récipient vide peut recevoir », que ce soit de D.ieu ou des hommes ».

Le Rabbi termina ensuite : « Sortez à présent en dansant avec le chant « Darké’ha Elokeinou », et après cela allez-vous reposer un peu. Vous vous préparerez ensuite aux joyeuses Hakafot, et vous apporterez cette joie tout au long de l’année. »

L’un des présents écrivit à propos de ce soir-là :

« Après cette longue nuit où nous fûmes tous pleinement éveillés, nous sommes tous arrivés à l’heure précise de la prière, le lendemain matin, avec, à notre tête, notre roi, notre chef, le Rabbi. Pas même un trait de fatigue n’était visible sur nos visages. Au contraire, nous exprimions tous un désir intense et une aspiration profonde à percevoir, encore et encore ces dévoilements, à l’infini. »

Le lendemain, lors du farbrenguen de Sim’hat Torah, après avoir chanté le nouveau nigoun, le Rabbi ajouta à son propos de la veille :

« Et il faudrait ajouter à tout cela que non seulement cela « ne causera pas de dommage », puisque nous sommes le jour de Sim’hat Torah, mais bien au contraire : puisque cela ne cause pas de dommage, alors c’est qu’il y a forcément un avantage à cela.

En effet, nous constatons qu’il existe trois sortes d’actions : celles qui sont obligatoires, et sont, de manière générale, liées aux Mitsvot positives ; celles qui sont interdites, et sont, de manière générale, liées aux Mitsvot négatives ; et celles qui se trouvent entre les deux, c’est-à-dire qui sont du domaine du permis : si l’on ne les accomplit pas, on ne manque à aucune obligation, et si on les accomplit, on ne transgresse aucune interdiction.

Cependant, tout ceci ne concerne que l’action, intrinsèquement. Mais lorsque l’on prend en compte l’obligation de « Le connaître dans toutes tes voies » – qui constitue une loi évidente du Choul’han Arou’h (le Code de Lois juives – ndt), tranchée pour tout le Peuple Juif – il ne peut exister d’action « intermédiaire », qu’il n’y a pas d’obligation d’accomplir, tout en ne constituant pas un interdit.

Ainsi, de deux choses l’une : s’il s’agit de quelque chose qui est bénéfique pour le service de D.ieu (et ce, même si, pour quelque raison que ce soit, ce bénéfice ne se concrétise pas ; malgré tout, si l’on a agi de la sorte, c’est parce que l’on pensait qu’il en découlerait un bénéfice dans le service divin), il ne s’agit donc pas de quelque chose de « neutre », mais bel et bien d’une Mitsva, d’une préparation à une Mitsva, ou, du moins, une bonne action, que l’on se devait d’accomplir.

D’autre part, s’il s’agit de quelque chose qui ne mène à aucun bénéfice pour le service de D.ieu (et qu’il ne nous viendrait même pas à l’esprit l’idée que cette chose pourrait apporter un bénéfice, quel qu’il soit), mais que l’on décide, malgré tout, d’accomplir (volontairement), force est de constater que ce qui nous a poussé à agir de la sorte est « l’autre côté », c’est-à-dire les trois forces du mal qui sont totalement impures. En effet, il est mentionné dans le Tanya que, lorsque l’on mange quelque chose de permis « pour assouvir le désir de son corps […], [cet aliment] descend et devient temporairement uni au mal que comporte les trois forces négatives, qui sont totalement impures ». Cette action constitue donc bel et bien une interdiction, et non quelque chose de « neutre ».

Ceci est d’autant plus vrai en ce qui concerne des périodes durant lesquelles la Divinité brille de manière dévoilée, en particulier les jours de Chabat ou de Yom Tov qui sont des « temps saints ». Il est certain qu’alors, il n’existe pas d’actions « intermédiaires », pour lesquelles on pourrait dire qu’elles « n’apportent aucun bénéfice, mais ne causent aucun dommage ».

On peut donc conclure, en ce qui concerne notre sujet, que lorsque l’on dit d’une chose qu’elle « ne cause pas de dommage » le jour de Sim’hat Torah, il est alors clair qu’elle est bénéfique. Bien plus encore : si l’on se permet de déclarer quelque chose que l’on se prive habituellement de dire, ce n’est que du fait que le bénéfice qui en découle soit si important, qu’on ne peut mentionner une telle chose durant le reste de l’année ! […]

On comprendra donc aisément que, lorsqu’arrive le jour de Sim’hat Torah, et que la joie est la plus grande qui soit – « Israël se réjouira en son Créateur », et « D.ieu se réjouira dans Ses actions », en précisant « se réjouira », au futur, faisant ainsi allusion à la joie qui sera ressentie à la fin des temps, ainsi qu’il est dit « C’est alors qu’Il emplira notre bouche de rire », lorsque « D.ieu fera revenir les captifs de Tsion », lors de la véritable Délivrance, dont la joie est semblable à ce jour [Sim’hat Torah –ndt]  – et lors des moments de joie, l’on mentionne à propos des enfants d’Israël des expressions que l’on évite de prononcer habituellement, telles que : « Allonger ta colère […] pauvres et vides ». C’est alors le moment le plus propice pour intérioriser, et faire descendre ces idées ici-bas, afin qu’elles aient un effet concret.

Ainsi, tout celui qui est parvenu aux niveaux les plus élevés perfectionnera sa Techouva de la manière la plus complète, afin qu’elle dépasse « l’enchaînement des mondes ». Et celui qui se trouve encore dans « l’enchaînement des mondes » doit savoir que cet enchaînement est encore long, et qu’il peut – et donc qu’il doit – progresser de niveau en niveau, y compris en ce qui concerne l’œuvre de la Techouva.

Aussi, s’il faut ajouter quelque chose à la Techouva, alors « il retournera à D.ieu », en un instant, et « Il lui pardonnera », pour « qu’il soit désiré [par D.ieu ndt] comme avant la faute ». Et encore plus que cela, « comme le fils d’un roi qui est libéré de sa captivité, et revient à la maison de son père, le roi ». Cela-même constitue le message de Sim’hat Torah : après la Techouva, la joie est la plus grande qui soit. »

Durant la réunion ‘hassidique qui eut lieu à l’issue du Chabat Béréchit 5717 (1956), le Rabbi entonna le chant « Darké’ha Elokeinou », et répéta la première strophe à plusieurs reprises. Au total, il chanta 13 fois ce passage avec une ferveur exceptionnelle.

Le Rav Chalom DovBer Wolf écrit dans son journal :

« Le Rabbi demanda alors aux enfants de chanter « Hamala’h Hagoel ». Le Rav Zalman Dou’hman chanta ce nigoun, mais sans mentionner les mots « Mikol Ra », « de tout mal ». Il se justifia en expliquant que, chez le Rabbi, il n’existe pas de mal. Par la suite, le Rabbi chanta « Darké’ha Elokeinou », et il ne prononça pas les paroles : « les mauvais et les bons ». Rav Zalman sourit alors, et le Rabbi lui fit signe de la main « Nou ? Nou ? » (« Et bien ? Et bien ? »), et lui lança des serviettes. »

Il est intéressant de noter qu’à plusieurs occasions, même lorsque le Rabbi commençait à chanter le nigoun seul, il s’attardait avant les mots : « les mauvais et les bons », et la plupart du temps, il ne continuait pas la seconde strophe « Lemaane’ha … ».

Le jour de Pourim 5719 (1959), le Rabbi ne chanta que la première partie du nigoun, en prononçant les paroles, et continua la seconde sans les paroles. Le soir de Yom Kippour 5725 (1964), le Rabbi demanda aux présents de chanter « Darké’ha Elokeinou » durant la prière d’Arvit. Il insista alors pour que l’on continue à le chanter, et ce soir-là, le nigoun fut répété une dizaine de fois.

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