Le troisième maître

Sur la naissance, à la fin du 18ème siècle, de Rabbi Chneour Zalman, le premier Rabbi de 'Habad, on sait peu de chose.
Tout juste qu'il était une nouvelle âme, jamais encore incarnée.
Premier jaillissement du feu primordial, auquel le Baal Chem Tov lui-même n'avait pas eu accès.
par Israël Goldberg

Rabbi Its'hak Louria, le maître des Kabbalistes de Safed, l'avait affirmé : aux derniers siècles de l'Histoire, le flot des grandes âmes s'est épuisé. Seules reviennent les âmes anciennes, aux destins lavés par les siècles.

Mais Rabbi Chnéour Zalman, le troisième Maître était une âme nouvelle, source jamais souillée par nul pouvoir terrestre ou céleste. Faite pour ouvrir un chemin nouveau, messager avant-coureur des temps où encore plus qu'avec le Baal Chem Tov, plus rien ne serait comme avant.220px-Schneur Zalman of Liadi

Le Baal Chem Tov, averti de l'incarnation peu de temps avant qu'elle ne se produise, l'avait célébrée à sa façon: alors que dans les jours redoutables, les semaines précédant le Nouvel An, il se livrait traditionnellement à une introspection intense, il avait rompu avec cette coutume.

Il célébrait, cette année là, la joie comme on ne l'avait jamais vue, jusque pendant Yom Kippour, à l'heure de la Néïla, quand toutes les portes du Ciel sont ouvertes; à ses disciples qui, plus tard, lui demandaient les causes de ce changement, il répondit qu'il avait vu que cette année-là, une nouvelle âme allait descendre, qui ouvrirait un nouveau sentier.
La tradition hassidique, orale mais précise, affirme même que le Baal Chem Tov reçut l'interdiction d'approcher le nouveau disciple de crainte de l'influencer.

Chnéour Zalman devait garder son étincelle intacte, vierge de toute influence. L'ouvrir au Baal Chem Tov eût déjà été l'altérer.
Le Baal Chem Tov, pour une fois, obéit. Lui, l'éternel rebelle, ne chercha pas à rencontrer le disciple, qui ne découvrit qu'après sa mort l'existence du hassidisme. Vers lequel, en dépit de tout, une main secrète l'avait guidé. Il devint par contre l'élève de son successeur, le Maguid de Mézéritch, qui le chargea d'abord de refondre le code des lois. Puis, il rédigea le Tanya,son oeuvre maîtresse, qui consignait sur le papier, pour la première fois, l'oeuvre du Baal Chem Tov.

Les extases mystiques qu'il affectionnait, les "voyages dans les mondes spirituels"

L'ouvrage devint, pour les disciples, la "Loi écrite du hassidisme". Comme d'autres Maîtres avant lui, tels Maïmonide au Moyen Age ou le Maharal de Prague dans l'après-Renaissance, il se mêlait de modernité, savait concilier les extrêmes: écrits philosophiques, diffuseurs de mystères; codes législatifs renforçant l'orthodoxie. Ce fut lui qui souleva la plus forte opposition.
Sous son règne, la nouvelle idéologie n'était plus seulement flamme. Elle devenait système de pensée, condensée en une somme cohérente, appelée à devenir un classique du judaïsme.

Le danger, pour l'adversaire, n'en était que plus grand. Il fut donc, comme ses prédécesseurs, à son tour, excommunié. Partout, dans la Pologne, les rabbins allumaient les chandelles noires, soufflaient dans les cornes de bélier censées répandre sur l'autre camp le flot de la malédiction. Il fut même dénoncé au tsar, calomnié, traîné au cachot.
Mais l'empereur s'inclina devant sa stature hors pair et il fut libéré.

Ce jour de grâce, le 19 Kislev, devait demeurer une nouvelle marque des temps futurs: le "nouvel an du hassidisme." Rabbi Chnéour Zalman n'en oubliait pas pour autant les hommes. Les extases mystiques qu'il affectionnait, les "voyages dans les mondes spirituels" où lui aussi rencontrait les âmes des prophètes du temps passé, ne l'empêchaient pas d'être attentif aux besoins socio-économiques; il entreprit de patronner un mouvement de retour à la terre, pour pousser les Juifs aux métiers manuels.

Exclus des guildes urbaines, bannis des domaines terriens, héritiers d'un demi servage, ceux-ci étaient essentiellement affermeurs de baux, de distilleries surtout, artisans, prêteurs et commerçants ambulants. Si la campagne du Rabbi échoua, ce fut essentiellement à cause du pouvoir politique. Celui-ci s'était métamorphosé.

En 1795, au terme d'une longue décomposition, la Pologne avait été dépecée, pour la troisième fois en vingt-deux ans, par ses trois puissants voisins, la Prusse, la Russie et l'Autriche. La Russie acquit la majeure part, les terres centrales et orientales dans lesquelles habitaient la majorité des Juifs. Ceux-ci, sans émigrer, changèrent donc de gouvernement, passant de la poigne des seigneurs polonais à celle, nouvelle pour eux, du tsar. Et leur destin allait effectivement changer.
(Extrait de l'introduction de Princes d'Israël, à paraître prochainement.)

 


Portrait

  • Né le 18 Eloul 5505 (1745), de Rabbi Barou'h et la Rebbetsen Rivka dans la ville de Lyozna en Lituanie.
  • Descendant direct de la septième génération du Rabbi Yehouda Livaï, surnommé le Maharal de Prague (1515-1609)
  • À 13 ans, lors de sa Bar-Mitsva, les plus éminents Rabbanim de l'époque lui octroient le titre de Rav.
  • 12 Av 5520 (1760) : Mariage à Vitebsk avec Sterna, fille de Yehouda Leib Segal..
  • 1764 : Voyage à Mezeritch chez le Maggid (1704-1772) il y resta 1 an et demi.
  • 1770 : Début de la rédaction du Choul'han Arou'h
  • 1772 : Etablissement de la pensée 'HaBaD
  • 1796 (20 Kislev 5557) : Première impression du Tanya.
  • 1798 (24 Tichri 5559) : Arrêté et emprisonné à Petersbourg, suite aux fausses accusations des opposants au 'Hassidisme, il est libéré le 19 Kislev.
  • 1800 (24 Tichri 5561) : Il subit une deuxième arrestation et fut libéré le 27 Kislev.
  • 1812 (29 Av) : l'Admour Azaken ainsi que 300 familles de 'Hassidim prennent la fuite devant l'arrivée imminente de Napoléon et ses armées.
  • 1812 (24 Tevet) : Disparition de l'Admour Azaken dans la ville de Piena, proche du Koursk.
    Il fut enterré à Aditch, à 300 km de là.