On trouve dans les cahiers du précédent Rabbi de Loubavitch le récit suivant : Au mois d'elloull de l'année 5665 (1905), mon père, le Rabbi Rachab, écrivit une longue lettre à l'un de ses hassidim qui habitait en France. Dans cette lettre, il lui rappelait l'obligation propre aux hassidim de prier avec la ferveur, et il ajoutait que tout hassid, dans quelque endroit qu'il se trouve, devait créer autour de lui un environnement de Juifs qui étudient les textes fondamentaux du hassidisme et qui participent de temps à autre à des réunions hassidiques. Cette longue lettre était écrite dans un style tranchant. Pour ma part, connaissant l'attachement envers mon père de ce hassid, que nous considérions comme un ami, et considérant les conditions dans lesquelles il vivait et les Juifs dont il était entouré, je savais que cette lettre allait lui causer une grande peine. J'eus donc pitié de lui et je fis remarquer à mon père que, dans la situation dans laquelle il se trouvait, cette lettre ne pourrait que l'affliger. Mon père répondit : « C'est bien dans cette intention que je lui écris : pour qu'il ait de la peine et qu'il commence à réagir. »
Dix jours plus tard, je reçus une réponse pleine d'amertume de ce hassid qui me relatait tout ce qu'il avait enduré depuis qu'il était arrivé dans cette ville avec sa famille, voilà déjà huit mois. Il me décrivait les habitants de la ville et me demandait d'intercéder en sa faveur auprès de mon père, en me promettant que, dans quelques jours, lorsqu'il se serait remis de la peine qu'avait provoquée la lettre qu'il avait reçue, il écrirait lui-même à mon père. Lorsque mon père reçut la lettre, il me déclara : « Un hassid doit s'exécuter et non pas trouver des excuses au fait qu'il n'agisse pas. » Entre Roch Hachana et Yom Kippour, je reçus une deuxième lettre de ce hassid où il me décrivait comment s'étaient passées les sélihoth sans même un minyane. De même, il me racontait comment s'étaient déroulés les offices de Roch Hachana. Il concluait en se lamentant sur son sort qui l'avait conduit dans un tel lieu. Six mois plus tard, au mois d'adar 5666 (1906), mon père dut se rendre à Moscou et je l'accompagnai dans son voyage. Parmi les lettres qu'on me fit suivre là-bas, se trouvait une lettre de ce hassid. Il m'écrivait que, le jour de Kippour, il avait remarqué chez certains fidèles un mouvement de profond retour vers D.ieu. Il connaissait ces hommes depuis plusieurs mois déjà et savait que c'étaient des Juifs complètement en dehors des pratiques religieuses, mais, ce jour-là, il les vit prier avec ferveur et pleurer à chaudes larmes, ce qui l'étonna au plus haut point.
En sortant de la synagogue, il engagea une discussion avec eux et apprit que chacun de ces Juifs provenait d'une famille hassidique de différentes villes d'Europe de l'Est. A la fin de la discussion, ils décidèrent de se retrouver un jour dans un café. Là-bas, chacun lui raconta ses souvenirs d'enfance. Certains d'entre eux venaient même de Loubavitch et de Kapoust. Leurs récits étaient relatés avec un enthousiasme qui pouvait être qualifié de grand par rapport à leur froideur habituelle. Ils racontèrent leur enfance chez leurs parents, et se remémorèrent les coutumes des hassidim dans leurs villes natales. Leurs souvenirs se bousculaient dans leur mémoire. Ils passaient d'un sujet à l'autre, et je sentais en eux un profond plaisir lorsqu'ils les évoquaient. Nos amis se retrouvèrent à l'occasion des fêtes de Souccoth, de Chérnini Atsércth et de Simhath Thora'. Ils passèrent encore plusieurs heures ensemble à parler de leur passé, et d'autres Juifs de familles hassidiques se joignirent à eux. Ils proposèrent alors de former une petite communauté aux coutumes hassidiques, et, pour cela, de louer un local qui conviendrait à tous pour y établir une synagogue. Au début du mois de kislev, ils inaugurèrent la nouvelle synagogue. Les 10 et 19 kislev, ils se retrouvèrent comme de vieux hassidim pour fêter les événements de ces jours. A l'occasion du 19 kislev, certains membres de leur ancienne communauté vinrent même participer à leur fête. « Les hassidim Habad de la nouvelle synagogue, m'écrivit le hassid un peu plus tard, décidèrent de fixer une étude des textes hassidiques. Cette étude se poursuit depuis déjà sept semaines, à la cadence de trois cours par semaine. Je leur enseigne un passage de Thora Ors. Mais surtout, la grande majorité d'entre eux observe maintenant le Chabbath, certains fermant leur commerce, d'autres le laissant fonctionner sans s'y rendre. «A l'heure présente, s'est accompli, grâce au Tout-Puissant, l'ordre du Rabbi de réaliser autour de moi un entourage de « Thora 0r ». Nous apprenons certes quelques lignes de Thora Or, mais le principal consiste en l'influence que j'ai sur eux à travers mes paroles et par les récits hassidiques que je leur raconte. J'espère que la seconde partie de la lettre s'accomplira et que nous aurons un entourage de Likouteï Thora'', c'est-à-dire que, jusqu'à l'été, notre communauté se développera et se renforcera matériellement et spirituellement. »
Lorsque je lus la lettre à mon père, celui-ci me dit : « Les pas de l'homme sont guidés par Dieu". Un Juif doit savoir pour quelle raison la Providence divine le déracine de sa terre natale, et le conduit ailleurs. Tu peux rapporter ces événements aux hassidim de Moscou pour qu'ils sachent eux aussi ce qu'ils sont allés y faire. »
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- Publication : 17 février 2014