Le 26 août 2014 a eu lieu la réouverture du centre Loubavitch de Bombay, Le Centre avait été criblé de balles et le Rav Gavriel Holtzberg et son épouse Rivka tués pendant le siège avec quatre autres personnes.
Dans le cadre de son action pour le rétablissement du Beth ‘Habad à Bombay, Rav Avraham Berkowitz a pris contact avec les autorités municipales, la communauté et, bien sûr, le consulat israélien. C’est ainsi qu’il a rencontré Roni qui lui a raconté combien il avait aimé se rendre au Beth ‘Habad et discuter avec les regrettés Rav Gabriel Noa’h Holtzberg et son épouse – que leur sang soit vengé.
«J’étais pratiquement un membre de la famille Holtzberg, j’appréciais chaque moment passé en leur compagnie, je tenais en haute estime ce qu’ils représentaient. Mais il se passa un jour un événement qui me fit les apprécier encore davantage.
Un jour, un officier israélien de haut rang se rendit à Bombay, sans doute pour acheter des armes et pour d’autres missions qu’il vaut mieux garder secrètes. En tant que fonctionnaire au consulat, je fus affecté à son service afin de l’aider dans ses déplacements et ses contacts.
A la fin de la semaine, je l’informai qu’avec mon épouse, nous avions l’habitude de passer le vendredi soir au Beth ‘Habad pour la prière d’accueil du Chabbat, le Kiddouch et le repas traditionnel – dans une ambiance sympathique que je regrette tant. J’ai invité cet officier à se joindre à nous. Il a hésité puis a finalement accepté de nous accompagner.
Le Beth ‘Habad était conçu de telle sorte qu’au premier étage se trouvait l’accueil et le restaurant tandis qu’au second étage se trouvait la synagogue. Nous avions déjà l’habitude de monter directement au second étage pour la prière et seulement après, de redescendre dans la salle à manger. Mais notre invité préféra rester au premier étage : «En Israël je ne fréquente pas la synagogue, je ne le ferai pas non plus ici !» expliqua-t-il d’un ton décidé, sans le moindre mot d’excuse. Nous sommes donc montés sans lui.
Comme d’habitude, Rav Gabi nous a accueillis avec un grand sourire. D’autres hommes sont arrivés. Finalement nous étions huit, neuf avec Rav Gabi. Il nous en manquait donc un pour avoir Minyane, les dix hommes requis pour les prières principales.
Il se faisait tard. Rav Gabi se tourna vers nous et demanda : «Peut-être l’un d’entre vous connaît un autre Juif qui ne serait pas trop loin d’ici et à qui on pourrait demander de compléter le Minyane ?»
- Tout à fait ! me hâtai-je de répondre. Il y a quelqu’un qui se trouve juste à l’étage en dessous, je vais l’appeler !
Je suis descendu : l’officier était affalé sur un des fauteuils, très à l’aise, serein. Je lui ai expliqué qu’il nous manquait juste un homme pour pouvoir commencer la prière en commun : pouvait-il monter nous rendre service ?
- Pas question ! s’écria-t-il d’un ton ferme. En Israël je n’ai pas l’habitude de prier et sûrement pas dans une synagogue. Et je ne suis pas venu ici pour prier !
Un peu déçu de son manque de coopération, je suis remonté et, penaud, racontai à Rav Holtzberg que j’avais échoué dans ma mission. Rav Gabi décida alors de descendre lui-même tenter de le convaincre. Quelques minutes plus tard, il remonta, seul. L’officier n’avait eu aucun scrupule de refuser une seconde fois et avait même ironisé : «On voit que tu n’as jamais rencontré un Israélien têtu !»
C’est ainsi qu’il n’y eut pas de prière en communauté ce vendredi soir au Beth ‘Habad de Bombay. Nous avons prié chacun pour soi, en regrettant silencieusement de n’avoir pas eu la possibilité de louer le Créateur autant qu’il se doit le Chabbat. Puis nous sommes descendus au premier étage où nous attendait l’officier. Le repas fut très agréable, comme d’habitude ; la Rabbanit Rivkie avait préparé des mets copieux et délicieux, nous avons chanté et l’atmosphère était particulièrement joyeuse. Après le Birkat Hamazone, la prière après le repas, nous avons pris congé des Holtzberg en les remerciant chaleureusement mais, pour eux, c’était normal d’accueillir ainsi des invités même imprévus, même peu coopératifs.
Quelques semaines plus tard, des terroristes barbares faisaient irruption dans le Beth ‘Habad de Bombay, Rav Gabi Holtzberg et son épouse Rivkie ainsi que quatre autres Juifs de passage furent assassinés. Comme tous les membres du consulat israélien, comme tous les Juifs de par le monde, je ressentis un choc terrible : j’avais perdu des amis chers ; le judaïsme avait perdu un couple extraordinaire.
Durant les Chiva, les sept jours de deuil, je reçus un appel de l’officier haut gradé qui avait refusé de compléter le Minyane. Lui, l’officier si fier et condescendant, pleurait au téléphone comme un enfant : «Depuis que j’ai entendu ce terrible attentat et son dénouement tragique, je ne peux penser à autre chose ! Te souviens-tu de ma conduite si peu courtoise ce vendredi soir ? Alors tu te souviens sûrement de la façon dont Rav Gabi a réagi. Et si tu n’as pas vraiment fait attention, je vais te le rappeler maintenant. Il n’a pas montré le moindre signe d’agacement, il ne m’a adressé aucun reproche, même pas une allusion au fait que sa prière de Chabbat n’avait pas été aussi réussie qu’il l’aurait désiré. Bien au contraire ! L’ambiance générale était exceptionnellement chaleureuse et moi, il a fait de moi la star de la soirée. Son discours sur la Sidra de la Semaine était remplis de citations du Rabbi de Loubavitch concernant l’importance des soldats de Tsahal, l’armée de défense d’Israël : comment ils protègent la Terre d’Israël et combien j'ai du mérite d’occuper de hautes fonctions au sein des forces qui assurent la sécurité du peuple juif.
Je suis sorti du Beth ‘Habad avec un moral gonflé à bloc et une fierté renouvelée. Mais j’avais aussi appris beaucoup de choses sur les relations humaines : pas un mot de rancune, pas une seule pensée de revanche, que de l’amour gratuit pour un frère juif, même si celui-ci n’avait pas été à la hauteur…
Mais je voulais te dire encore autre chose et tu peux le raconter à tous les Loubavitch que tu rencontres : l’assassinat dans ces conditions atroces du couple d’émissaires du Rabbi m’a bouleversé, traumatisé : j’ignore si je peux agir à ce sujet mais je te promets au moins une chose : à partir d’aujourd’hui, à toute occasion et en tout endroit – en Israël ou ailleurs – si on me demande de compléter un Minyane, je n’aurais qu’une seule réponse : oui !
Rav Avraham Berkowitz
Président du Fonds de reconstruction du Beth ‘Habad de Bombay
Kfar Chabad n°1348
traduit par Feiga Lubecki
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- Publication : 28 août 2014